Sans surprise, le ministre des Finances, Raymond Bachand, en déposant son budget, a encensé les efforts du gouvernement pour restreindre la croissance budgétée des dépenses de « programme » à 2% pour atteindre « seulement » (!) 62,6 milliards $.  Mais pourquoi le ministre se sert-il du terme dépenses de « programme »?  L'explication est simple : c'est parce que les dépenses de « programme » ne comprennent pas toutes les dépenses de l'État.

Dans les états financiers annuels du gouvernement scrutés par le vérificateur général du Québec, on prend en compte tous les organismes gouvernementaux (environ 500 entités), ce qui donne une image réelle et complète des revenus et dépenses du gouvernement.

Mais dans le budget (qui, lui, n'est pas examiné par le vérificateur général), le ministre des Finances du Québec présente ses chiffres en soustrayant près de 120 entités (organismes, agences, régies et fonds spéciaux).  Il fusionne les revenus et dépenses de ces entités et présente le résultat net (revenus moins dépenses) de ces 120 entités sur une seule ligne intitulée «Résultats nets des entités consolidées».  Ainsi, 18,7 milliards $ de revenus et 17,3 milliards $ de dépenses sont dissimulées derrière une seule ligne qui donne le résultat net.

En creusant dans les 520 pages du budget, on découvre à la page 167 que les taxes, impôts et tarifs de ces entités vont augmenter de 6,4% alors que le rythme de croissance de leurs dépenses est de 4,8%, un rythme d'augmentation 2,4 fois plus élevé que celui des dépenses de « programme ».

Comme l'explique le comptable Louis Charbonneau, le ministre des Finances du Québec invente deux termes pour tenir compte des 120 entités ainsi «oubliées». Il parle alors de «revenus budgétaires» et de «dépenses de programmes». Autrement dit, les 120 entités ont des «revenus hors budgétaires» et des «dépenses hors programme». Or, une « dépense de programme » est un concept purement théorique, variable selon le bon vouloir du ministre. C'est un terme qui ne fait pas parti du vocabulaire du vérificateur général.

À titre d'exemple, les dépenses du ministère du Revenu étaient depuis toujours considérées comme des « dépenses de programme » mais sont devenues en 2011 des dépenses «hors programme» par la création d'un fonds dédié. Par un coup de baguette magique, les dépenses du ministère du Revenu venaient ainsi de disparaître du budget de 2011, contribuant ainsi à «l'effort» de 42% du gouvernement!

Par ailleurs, les dépenses de «programme» n'incluent pas les dépenses d'intérêts sur la dette.  Les intérêts sur la dette vont augmenter de 10,5%, un rythme d'augmentation 4,25 fois plus élevé que les dépenses de «programme».

Parce que le ministre des Finances parle toujours de « revenus budgétaires » et de « dépenses de programme » alors que le vérificateur général parle de revenus du gouvernement et de dépenses du gouvernement, il est impossible de faire un rapprochement entre le budget et les résultats vérifiés des années antérieures, donc impossible de calculer le taux de croissance budgété des dépenses du gouvernement. Par cette astuce, le ministre nous laissera croire que les dépenses dans le budget n'augmenteront que de 2% annuellement alors que l'augmentation réelle des dépenses du gouvernement a, en fait, été plus près de 5% pour les cinq dernières années.