Le premier ministre Stephen Harper entame aujourd'hui une visite d'une semaine en Chine afin de renforcer les liens économiques entre les deux pays.

Il y a quelques jours, le prestigieux hebdomadaire britannique The Economist a lancé une section spéciale de quatre pages sur ce pays qui sera dorénavant publiée toutes les semaines. La dernière fois que l'hebdomadaire a fait un tel choix, c'était en 1942 afin de souligner l'émergence des États-Unis. Pour ceux qui en doutaient encore, ici comme ailleurs dans le monde, la Chine est aussi incontournable que l'Amérique.

Stephen Harper a fait bien du chemin depuis sa déclaration intempestive de novembre 2006. À l'époque, il avait affirmé n'avoir pas l'intention de «brader» les droits de l'homme afin d'empocher «des dollars». A-t-il tenu parole? En tout cas, le commerce avec la Chine a explosé, et ce pays est devenu le deuxième partenaire commercial du Canada après les États-Unis. Quant aux violations des droits de l'homme, le premier ministre dénonce plus souvent l'Iran ou la Birmanie: c'est plus facile et cela ne porte à aucune conséquence.

Droits de l'homme ou pas, le Canada ne peut ignorer la Chine. Et la Chine ne peut ignorer le Canada. Malgré la récession mondiale et la multiplication des manifestations antigouvernementales contre la corruption et le coût de la vie, l'économie chinoise affiche un taux de croissance enviable. Avec une classe moyenne avoisinant les 400 millions d'individus, le gouvernement investit de plus en plus dans les infrastructures et les programmes sociaux.

Sur la scène internationale, la Chine est maintenant présente sur tous les continents et en particulier en Afrique et en Amérique latine. Elle y investit massivement et y engrange des appuis politiques et diplomatiques. Enfin, sur le plan militaire, le budget de la défense est en hausse et les Chinois sont déterminés à peser de tout leur poids dans la région Asie-Pacifique, au point où leur présence commence à susciter une certaine crainte.

Afin de consolider son économie, sa puissance et son influence, la Chine consacre toutes ses énergies à multiplier et à diversifier ses relations commerciales et économiques. Elle garde un profil bas dans les grandes crises internationales (en Libye, en Iran et même en Syrie, malgré son veto de samedi au Conseil de sécurité) et préfère signer des contrats. L'accès aux ressources naturelles, en particulier au pétrole et à certains minerais, et aux marchés sont ses seules préoccupations.

Stephen Harper l'a bien compris, lui dont l'ambition est de propulser le Canada au rang des puissances qui comptent. Pour y arriver, la Chine est une carte essentielle dont il a besoin.

Le premier ministre arrive en Chine au bon moment pour nouer les contacts dont devrait profiter le Canada à l'avenir. Il aura l'occasion de rencontrer plusieurs des leaders qui accéderont dès octobre prochain aux plus hautes fonctions de l'État. Les neuf plus importants leaders chinois vont quitter leur poste après plus d'une décennie au pouvoir. Cette transition aux règles opaques, mais pacifiques, va mettre en selle des hommes aux visions souvent très divergentes. Déjà, à Washington et à Moscou, on suit le processus avec minutie.

La Chine nous reste largement inconnue, d'où l'excellente initiative du magazine britannique de nous la faire découvrir régulièrement chaque semaine. La Chine soulève l'admiration, mais aussi l'inquiétude. Certains se demandent si, à moyen ou long terme, elle se révélera une ennemie.

En septembre dernier, le vice-président américain, Joseph Biden, répondait à cette interrogation. Dans un texte publié par le New York Times, il rejetait la vision d'une Chine hostile. Selon Biden, «une Chine florissante rendra notre pays plus prospère, pas moins». Stephen Harper semble partager cette opinion.