À l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, aujourd'hui, prenons le temps de réfléchir à l'histoire du sida à Montréal et à ce que nous en savons.

En 2011, et particulièrement en juin, les principaux médias du Québec ont publié de nombreux articles, grands titres et rapports spéciaux sur «la présence du sida depuis 30 ans». Le chiffre «30» évoque la «découverte» du VIH en juin 1981. C'est à cette époque qu'un bulletin médical a signalé que le système immunitaire de cinq jeunes hommes de Los Angeles, tous homosexuels, était gravement atteint. Cette parution est maintenant considérée comme la première à parler de sida.

On dit habituellement que l'épidémie de VIH a d'abord frappé les hommes homosexuels. Il est vrai que ceux-ci faisaient partie des premiers cas relevés dans des villes comme Los Angeles et New York - ou, du moins, étaient au nombre des premiers cas cités par les autorités en matière de santé publique.

Par contre, à Montréal, au cours des premières années de l'épidémie, la maladie a surtout atteint la communauté haïtienne. En fait, au Québec, ce n'est qu'en 1986 que le taux d'incidence chez les homosexuels a dépassé celui observé chez les Haïtiens.

Les premières années du fléau se sont déroulées sous le signe de la peur, de la confusion, de la honte et de la discrimination: des Haïtiens ont perdu leur emploi (surtout dans l'industrie alimentaire), ont été expulsés de leur maison et ont été traités de sales étrangers. Un tel contexte de marginalisation flagrante n'a fait qu'encourager l'intolérance envers les communautés ethnoculturelles de Montréal pendant les années 1980 et 1990. Par exemple, dans le cadre de leur stratégie de marketing, certaines entreprises de taxi se vantaient de ne pas embaucher de chauffeurs noirs.

Pourquoi alors, en retraçant les cinq premières années du plus important désastre de notre époque en matière de santé publique, avons-nous complètement ignoré la population la plus touchée par le sida? Comment l'histoire peut-elle passer sous silence la contribution des médecins, épidémiologistes, infirmières et chefs religieux haïtiens qui se sont battus contre le sida? Comment peut-on raconter le sida à Montréal sans mentionner l'affrontement entre cette maladie infectieuse et un racisme virulent? Trente ans plus tard, sommes-nous capables de tirer des leçons de notre passé?

Souhaitons que ces questions puissent éclairer nos actions aujourd'hui et que les enseignements de l'histoire nous aident à mieux combattre le sida demain.