L'intimidation est toujours aussi malfaisante et destructrice.

Depuis quelque temps, on entend plus que jamais parler du problème de l'intimidation chez les jeunes. À l'ère des réseaux sociaux, l'intimidation s'est même frayée une place de choix sur le web, non contente de se limiter aux écoles, à leurs vestiaires et à leurs cours.

Le suicide de Marjorie Raymond, 15 ans, lundi à Sainte-Anne-des-Monts, à la suite de l'intimidation persistante des jeunes de son école, m'a donné envie de hurler.

Le plus désolant dans tout ça, outre le drame qu'a vécu cette adolescente et celui que vivent maintenant sa famille et ses proches, c'est qu'on parle d'intimidation chez les jeunes comme si c'était quelque chose de nouveau. Ce n'est pas parce que les textos n'existaient pas que l'intimidation n'avait pas lieu. Ce n'est pas parce que Facebook ne faisait pas partie du décor que les jeunes étaient plus gentils.

L'intimidation, j'ai grandi les deux pieds dedans.

En 1991, il y a 20 ans, j'avais 10 ans. Et l'intimidation existait déjà, aussi sournoise et perverse, aussi malfaisante et destructrice qu'aujourd'hui. Et encore plus «in your face» parce qu'il n'y avait pas l'internet où les surnoms font la loi et derrière lesquels on peut se cacher.

On a taché d'encre bleue mon joli veston blanc que j'aimais et qui venait de ma cousine. On a barbouillé de colle mon sac d'école neuf alors que l'année commençait à peine. On m'a fêtée de force lors de mon 11e anniversaire avec la bascule: 14 coups de genoux et de pieds aux fesses de la part d'adolescents de la polyvalente qui m'attendaient à ma sortie de l'école primaire. Le pire, c'est que je m'y attendais. Mais mes détracteurs avaient bloqué toutes les issues possibles. Ils étaient méchants, mais pas stupides, ce qui les rend aujourd'hui à mes yeux d'autant plus diaboliques qu'on ne peut même pas leur pardonner en mettant leur geste sur le dos de la pure connerie. Le plus ironique, c'est que le thème de la rentrée cette année-là était «Bye bye violence, bonjour paix!».

On a aussi craché sur mon casier. On m'a même craché dessus. On a mis de la gomme dans mes cheveux. On a rivalisé d'originalité pour me trouver des surnoms. On a même composé des chansons pour aller avec mes surnoms. On a fait tomber mes livres, on m'a bousculée alors que je m'en allais en cours. On a mis de la colle sur le cadenas de mon casier.

Et bien que, dans beaucoup de cas, les auteurs de mon malheur étaient connus, ils n'ont jamais reçu l'ombre d'une réprimande.

Mon père a visité les parents de certains de mes jeunes bourreaux, mais trop souvent, ces parents ne voyaient pas ce que leur angélique progéniture pouvait bien faire de mal. Ma mère a contacté mes enseignants qui lui ont dit que les problèmes de jeunes devraient se régler entre jeunes.

Quelles politiques sont concrètement mises en oeuvre dans les écoles pour passer un message clair que les comportements intimidants sont inacceptables? Tolérance zéro pour l'agressivité envers le personnel des écoles, d'accord, mais qu'en est-il de la violence physique et psychologique entre élèves?

Il est crucial d'organiser des cellules de crise après coup, j'en conviens, mais si le drame était tout simplement évité? S'il n'y en avait juste pas, de crise? Ne serait-ce pas beaucoup plus simple et beaucoup moins traumatisant?

Vous, les parents dont les enfants sont épargnés, savez-vous si votre jeune est un tyran, potentiel ou pleinement épanoui? Savez-vous s'il assiste muet au martyr de quelqu'un d'autre, au nom de l'omerta de la cour d'école?

Aux actuelles victimes d'intimidation et à leurs proches: soyez forts, même si c'est parfois surhumain et ne vous laissez surtout pas faire.

La bonne nouvelle, c'est qu'un jour, ça se termine.

Parce qu'un jour, on rencontre des gens qui ne nous connaissent pas de réputation avant de nous connaître de nom, ou alors qui n'ont rien à cirer de la réputation qui nous précède.

Parce que les bourreaux vieillissent et se lassent de leur jeu d'incitation à la haine.