À 11 ans, mon fils Étienne s'est découvert une première et vraie passion: jouer au football. Le défi était d'autant plus considérable pour lui du fait qu'il doit vivre, depuis l'âge de 5 ans, avec le diabète de type I.

Le football était selon lui le seul sport où il pouvait s'accomplir pleinement. Il incarnait le sens du courage, du dépassement de soi et de la persévérance. C'était LE sport qui lui permettait de canaliser son agressivité et sa frustration face à une condition médicale chronique.

Sur le terrain, il sentait que là, du moins, il pouvait enfin repousser ses limites. Il avait la conviction qu'il avait, pour une fois, une certaine emprise sur sa vie.

À 14 ans, Étienne a joint sa nouvelle équipe, les Cactus du collège Notre-Dame. Il avait maintenant à affronter des joueurs plus costauds. Le jeu est devenu plus rude et plus intense. Il a alors été victime d'une première commotion. «Rien de bien grave» selon ses dires, «juste un peu étourdi et sonné». Après une semaine de repos, il était de retour au jeu, prêt à affronter l'ennemi.

L'année suivante, un défi encore plus grand l'attendait. Il atteignait le football AAA et une nouvelle position à la défense lui était attribuée. Or, malgré sa robustesse et son cran infaillible, il fallait se rendre à l'évidence: le niveau de jeu avait encore grimpé d'un cran et le risque de blessure avait augmenté en raison de sa petite taille.

Malgré tout, mon fils n'était pas impressionné par l'adversaire. «À la guerre comme à la guerre», disait-il si bien. Malheureusement, il a été victime d'une deuxième commotion cérébrale, plus forte, plus brutale que la première, et avec un temps de récupération beaucoup plus long.

En dépit de cette deuxième commotion, il voulait revenir au jeu et se donner une autre chance. Il voulait toujours faire partie de l'équipe et la mener à la victoire. Lorsque les Cactus ont remporté le Bol d'or en 2010, il était fier d'être là avec ses coéquipiers, même s'il n'était qu'un joueur «remplaçant».

À l'automne 2011, c'est un Étienne confiant qui envisageait que ça serait «son année». Il a d'abord réussi à nous convaincre, son père et moi, de lui acheter un nouveau casque, question de protéger au maximum sa tête fragilisée et de mettre vraiment toutes les chances de son côté.

En début de saison, il était «partant», comme on dit dans leur jargon. Il jubilait! Puis, sournoisement, les maux de tête et les étourdissements sont réapparus. Malgré tout, Étienne s'accrochait. Afin de connaître la gravité des dommages probables laissés par les commotions cérébrales, il désirait passer toute une panoplie de tests en neuropsychologie, question de savoir s'il pouvait in extremis espérer un ultime retour au jeu.

Finalement, Étienne a dû se résigner à hisser le drapeau blanc et à rendre les armes. Il fallait se rendre à l'évidence: mon fils souffrait du syndrome post-commotionnel.

Faire le deuil du football n'a pas été chose facile pour mon fils. Rage, frustration, déception, tristesse et sentiment d'abandonner son équipe. Cependant, son intelligence et sa grande maturité lui ont permis de réaliser qu'après avoir subi ces commotions, il commençait à jouer dangereusement à la roulette russe avec son cerveau. Et lorsqu'on a la chance d'avoir une «bonne tête», comme nous lui répétions, il faut cesser de tenter de repousser ses limites. Il est primordial de respecter et de préserver cette tête et surtout, sa santé.

Si la décision d'Étienne d'abandonner le football a été très difficile, il pourra se dire qu'il a fait le meilleur choix: assurer le succès de son avenir. Ça, c'est sa victoire ultime au football.