L'idée derrière la mise en place par le gouvernement fédéral des régimes de pension agréés collectifs (REPAC) est louable et nous nous devons de féliciter le gouvernement fédéral d'avoir une vision à très, très long terme du bien-être des Canadiens. Le Canada (et dans une plus grande mesure le Québec) fait face à un raz-de-marée grisonnant qui nécessite un changement majeur dans nos habitudes d'épargne.

Il est bien connu que les Canadiens vivent de plus en plus vieux (et les Canadiennes encore plus), et sont de plus en plus actifs à la retraite. Plus de la moitié des enfants qui naissent présentement au Canada mourront centenaires. À titre comparatif, moins de 2% des hommes nés en 1910 sont encore vivants aujourd'hui.

Malheureusement, peu d'entre nous réalisons combien d'années nous aurons à vivre lors de notre retraite. Nous avons tendance à sous-estimer le nombre d'années pendant lesquelles nous serons actifs, en santé et vivants. Et c'est à ce problème que le gouvernement du Canada (du Québec et des autres provinces) entend s'attaquer avec le REPAC.

Une règle simple que les individus utilisent pour anticiper le nombre d'années qu'ils vivront est de regarder l'âge auquel la génération précédente est décédée et de croire que c'est l'âge auquel la génération présente s'éteindra. Or, la génération présente vivra en moyenne environ 10 ans de plus que la génération précédente. Ainsi, plutôt que de penser devoir accumuler des ressources financières pour notre retraite qui durera 20 ans, nous devrions plutôt accumuler des ressources financières pour une retraite qui durera 30 ans.

Nous devrions donc augmenter de 50% environ notre épargne pour subvenir à nos besoins lors de notre vieil âge. Pour maintenir à notre retraite un niveau de vie similaire à celui que nous connaissons pendant notre vie de salarié, nous devrions épargner environ 15% de notre revenu annuel, quelle que soit la source de cette épargne.

Regardons quels sont les programmes qui existent présentement pour aider les Canadiens à financer leur retraite. Les fonds de pension à prestations déterminées demeurent très populaires auprès des employés des différents paliers de gouvernement et de certaines grandes entreprises. C'est la Cadillac des programmes de financement de la retraite; des programmes qui sont par ailleurs malheureusement en déclin dans le secteur privé.

D'autres employeurs versent des montants d'argent au nom des employés dans des REER collectifs (souvent à la condition que les employés y versent le même montant au même moment). Ce sont des programmes à contributions (ou à cotisations) déterminées.

Les contribuables qui n'ont pas accès à un fonds de pension sponsorisé par l'employeur (comme les entrepreneurs et les médecins) peuvent toujours contribuer à leur REER individuel et réduire leur revenu imposable d'autant. Finalement il y a les CELI dont les montants peuvent techniquement s'accumuler jusqu'à la retraite. Dans ces deux derniers cas, un contribuable n'est jamais obligé d'y mettre des sous et pourrait décider de financer sa retraite grâce à des placements judicieux dans des gratteux, des valets-à-un-oeil, des « ça change pas le monde, sauf que », et dans son sugar daddy.

Le nouveau programme de Régimes de pension agréés collectifs (REPAC) donne le droit à un employeur de mettre en place un programme (droit qu'il détient déjà) dans lequel il ne met pas nécessairement d'argent (comme actuellement) et auquel les employés peuvent ne pas contribuer (comme présentement). Where's the beef?

Il est vrai que les « détails » du nouveau programme sont encore à définir, mais je vois mal comment la nouvelle structure de programme pourrait convaincre les Canadiens de contribuer plus à leur retraite. On évoque la réduction des coûts de transaction. Sérieusement? Les REER nous permettent d'épargner en sauvant immédiatement de l'impôt et 60% des contribuables n'y cotisent pas. Croyons-nous qu'en faisant épargner 1% sur les frais de gestion (ou même 2%), les Canadiens vont soudainement faire la file pour épargner en vue de leur retraite alors qu'ils lèvent le nez sur le 30% épargné avec les REER? Ben voyons!

Je ne vois que deux manières pour favoriser l'épargne des Canadiens. La première, et la moins envahissante, est de mener une campagne de sensibilisation pour promouvoir l'épargne dans le but de financer la retraite. Le message qui doit être envoyé est simple : si vous voulez vivre confortablement à votre retraite, épargnez dès aujourd'hui l'équivalent de 15% de votre revenu.

Je vois facilement la publicité : Hadrien Lacombe, dans 40 ans, indigné dans la déchéance totale, versus Hadrien Lacombe, dans 40 ans, heureux dans un logement adapté à ses besoins. Épargnez dès aujourd'hui.

L'autre manière reviendrait à pénaliser les individus qui n'épargnent pas 15% de leur revenu annuel. Incluez dans ce 15% les fonds de retraite, les REER, les CELI, les contributions au RPC et au RRQ, et pourquoi pas une partie du capital de la maison familiale. Si vous épargnez moins de 15%, vous devez alors payer une pénalité à l'État. C'est dans ce même ordre d'idée que l'ex-ministre Claude Castonguay avait suggéré l'année dernière une contribution timide de 5%.

N'oublions pas que la moitié de la population qui a 50 ans aujourd'hui vivra encore près de 40 ans alors que la moitié de celle qui naît aujourd'hui vivra plus de 100 ans. Il reste 15 ans aux nouveaux quinquagénaires pour financer les 25 années suivantes.

Le manque anticipé de ressources de nos futurs aînés est une bombe à retardement que nous nous devons de désamorcer le plus rapidement et le plus radicalement possible. Dans sa structure actuelle - et j'espère que cette structure changera d'ici peu - je ne crois pas que le programme fédéral du REPAC réponde correctement au problème puisqu'il n'incitera pas ceux qui n'épargnent pas à épargner davantage.

L'âge de cristal est à notre porte; faisons tout pour ne pas lui ouvrir.