La clé de tout développement est, toujours et en tout, la recherche de l'harmonie et de l'équilibre. C'est vrai pour les humains, c'est vrai pour les villes.

Penser Montréal, c'est accepter, le temps d'une longue et profonde réflexion de penser «autrement», de l'imaginer sans les contraintes qui l'écrasent aujourd'hui mais avec une vision d'avenir qui en ferait une ville qu'on a envie et besoin d'aimer, dont on parle avec fierté et qu'on respecte comme on respecte les gens qu'on aime et la société qui nous façonne.

Montréal est une ville aux mille chantiers rarement achevés, une ville pauvre par rapport à ses urgences et à ses besoins, une ville mal prise.

Elle aurait survécu, comme toutes les autres villes canadiennes, aux fusions. Le gouvernement du Québec a risqué la défusion: un mauvais risque. Elle est morte, cliniquement, des suites de la défusion et des cocktails de médicaments qu'on lui a prescrits pour en limiter les dégâts: structures irrationnelles et enchevêtrées, indigeste partage de l'autorité et des champs de compétence, empoisonnée par tous les compromis vécus simultanément pour en faire une ville forte sans abandonner le rêve du statu quo.

Montréal est aujourd'hui perçue comme un vaste problème et, c'est bien connu, les gouvernements fuient les problèmes pour chercher à se coller sur le succès. Personne ne se colle sur Montréal.

On est sur les mauvaises voies, malgré les efforts remarquables des autorités locales, pouvoirs ou oppositions, tous comme Houdini ligotés et plongés dans son bassin d'eau.

Allons-y, essayons de penser autrement et de voir ce que cela pourrait donner.

La structure métropolitaine et des villes ont été aplaties et repensées pour générer un partage équitable des efforts, des risques et des bénéfices. C'est la convergence et non la concurrence qui rapporte.

On reconnaîtra que les communautés culturelles francophones et anglophones ont des traditions de vie locales et culturelles qui doivent être reconnues et acceptées, dans l'intérêt de l'harmonie et de la qualité de vie et de ville.

Montréal aura un statut autonome comme Toronto, une fois disparus les enchevêtrements inutiles.

On acceptera, une fois sortis hors du foyer de méfiance que constitue la concurrence fiscale foncière, la réalité des banlieues et il sera payant de développer la synergie avec la ville centrale. Vaut mieux 50% de quelque chose que 100% de rien.

On aura imaginé, comme la ville de Québec le fait actuellement, son profil d'avenir et on en sera fier. Même si tout ne se réalise pas, on sent que l'harmonie est au rendez-vous des valeurs d'avenir, comme la beauté, l'esthétique. La démocratie municipale sera repensée pour permettre aux citoyens vraiment intéressés de construire leur milieu de vie et leur ville plutôt que d'avoir uniquement des outils pour s'opposer et bloquer. La consultation sera précédée de vraies informations et, à son terme relativement court (on ne cherche pas le consensus mais les meilleures solutions), les autorités prendront et annonceront leurs décisions et agiront à l'intérieur de calendriers connus et respectés.

On aura identifié comme modèles inspirants des villes qui réussissent, comme Barcelone, Bordeaux, Lyon, etc., pour les analyser, échanger avec elles dans la solidarité et en mode coopération pour en extraire de possibles enseignements.

On aura donné une première place aux urbanistes, compétents et réalistes, aux architectes et aux designers urbains avant de commencer à construire, en pièces couper-coller, les yeux uniquement et d'abord fixés sur la fiscalité. On percevra une vue d'ensemble, une vision d'avenir.

La fiscalité actuelle est dépassée, pour les villes et les régions : elle cultive la méfiance et la concurrence entre les villes et génère plus de problèmes que de solutions. Elle est inéquitable, démobilisatrice et source d'un vicieux complexe de dépendance des administrations locales par rapport à Québec-qui-sait-tout-mais-ne-peut-rien-faire. On peut rêver que le ministère et le gouvernement ont cessé de profiter des divisions municipales pour justifier leur inaction.

Montréal complète ses chantiers urbains les plus stratégiques pour que les électeurs y trouvent des occasions de percevoir qu'on avance, et dans la bonne direction.

On ne peut pas imaginer l'avenir sans un choix vigoureux en faveur des transports collectifs, complémentaires de l'automobile mais prioritaires, avec des aménagements routiers, et non pas comme on veut les faire avec l'échangeur Turcot, «more of the same», par rapport au passé.

Montréal, demain, sera une ville exemplaire et fière de l'être, malgré ses cicatrices de bagarres défusionnistes et de chirurgie à la Dr Frankenstein, mais seulement si les gens le veulent et s'impliquent en conséquence.

DEMAIN: Montréal doit miser sur sa créativité, selon Daniel Lamarre