Au Québec, le débat actuel entourant le nombre de sièges qu'il détient à la Chambre des communes ne semble pas soulever de grandes passions. Il est pourtant symptomatique d'une nouvelle réalité politique au pays.

Tout le monde sait que le poids démographique du Québec au sein du Canada est sur une pente descendante. À 23% de la population canadienne, son poids numérique n'a jamais été aussi faible. Nous savons entre autres que la majorité des immigrants qui viennent au Canada s'établissent principalement en Ontario et en Colombie-Britannique. Sur le plan purement quantitatif, la perte de poids relative du Québec est incontestable.

C'est un faux débat et une utopie que de penser que le Québec conservera son poids politique au sein de la fédération canadienne uniquement en obtenant une garantie qu'il aura toujours le quart des sièges aux Communes.

À Ottawa, il ne faut pas chercher bien loin pour se rendre compte que le Québec n'a pas l'influence qu'il a déjà eue.

À la suite des résultats du 2 mai dernier, le gouvernement Harper a l'une des plus faibles représentations de députés québécois de l'histoire du Canada. On en connaît les raisons. Rarement un gouvernement fédéral n'a si peu incarné les valeurs et les idées politiques d'une si grande majorité de Québécois. Lors du dernier scrutin, 84% des Québécois qui ont voté se sont opposés à reconduire les conservateurs au pouvoir.

La semaine dernière, le premier ministre Harper a nommé deux unilingues anglophones dans des postes de la plus haute importance au sein de l'appareil fédéral: un juge à la Cour suprême et le Vérificateur général du Canada. Dans les officines gouvernementales, c'est un secret de Polichinelle que le nombre de sous-ministres et mandarins influents venant du Québec est en chute libre. Tout ça n'est pas anodin.

On ne peut pas dire que les 59 députés québécois du NPD ont été étincelants au cours des six derniers mois dans les dossiers qui touchent le Québec. Il suffit de visionner une période de questions aux Communes pour se rendre que le premier ministre Harper est totalement seul sur la patinoire. La chef de l'opposition officielle, Nycole Turmel, ne fait tout simplement pas le poids.

Il y a bien quelques ministres québécois dans quelques postes névralgiques, comme Christian Paradis et Denis Lebel, mais on est à des années-lumière de l'influence qu'ont déjà eue les Marc Lalonde, Jean Chrétien, Lucien Bouchard, Jean Charest, Paul Martin, Marcel Massé, Lucienne Robillard et Stéphane Dion à la table du cabinet fédéral sous les gouvernements de Pierre Trudeau, Brian Mulroney et de Jean Chrétien - incidemment trois premiers ministres qui étaient originaires du Québec.

Où tout cela mène-t-il le Québec au sein du Canada? Faut-il conclure en un déclin tranquille et irréversible, comme certains commentateurs du Canada anglais et souverainistes convaincus le prédisent? Pas nécessairement. S'ils le veulent, les Québécois ont en main tous les leviers, les talents et les moyens pour continuer à être des leaders dans l'ensemble canadien. Mais il y aussi une réalité impitoyable : personne ne le fera pour eux. Quand vient le temps de s'impliquer dans la gouvernance canadienne, c'est toujours évidemment un peu plus compliqué. Il faut s'intéresser à ce qui se passe ailleurs au pays et prendre part aux débats. Il faut aller se frotter aux méchants « anglais » à Ottawa et sortir des cercles nationalistes plus confortables. Il faut parfois même accepter des compromis et mettre un peu d'eau dans son vin.

L'alternative est relativement simple. Que le Québec reste ou non dans le Canada n'aura pas vraiment d'importance si, dans les faits, il choisit de jouer seul dans son terrain de jeu. Ce n'est pas le nombre de sièges aux Communes qui garantira les intérêts du Québec au sein du Canada, mais l'énergie et le talent qu'il déploiera à y participer activement.