Vous pourriez presser votre gouvernement de cesser toute relation commerciale avec la Syrie.

«Si je peux faire quelque chose pour toi ici, dis-le moi, cousin.» Mohamed*, 27 ans, a conclu notre conversation au téléphone sur ces mots, il y a un mois. Ce sont les dernières paroles que je l'ai entendu prononcer.

Mon cousin de Damas, en Syrie, est porté disparu depuis 18 jours. Mes proches là-bas ont de fortes raisons de croire qu'il a été arrêté avec deux autres militants pour avoir manifesté dans la capitale syrienne contre le régime de Bachar al-Assad.

Sa soeur nous a priés de ne pas en informer ma tante. Elle serait anéantie. Son père, lui, croit en sa libération prochaine. Nous attendons toujours...

Jamais n'aurais-je pu imaginer un gouvernement capable d'une telle orgie de violence contre son peuple parce qu'il a osé défier une dictature usée et corrompue digne de l'ère soviétique.

Moi-même, j'ai été victime de ce pays dysfonctionnel incapable d'offrir à ses jeunes une vie à la hauteur de leurs aspirations et qualifications.

C'est dans le confort de mon foyer nord-américain que j'assiste, dans l'angoisse, à la répression quotidienne qui sévit en Syrie depuis le printemps. Tous les jours, le même scénario défile sous nos yeux: arrestations massives, assassinats, victimes de tirs à l'aveugle, annonce de pseudo-réformes...

Doutez-vous encore de la cruauté du régime de Bachar al-Assad? Je vous exhorte à suivre les reportages  de deux journalistes occidentaux qui ont réussi à pénétrer en Syrie (Nicolas Hénin, à la Première Chaîne de  Radio-Canada, et Sue Lloyd-Roberts, à la BBC).

En tant que Canadiens ou Québécois, vous vous estimez sans doute impuissants face au bain de sang syrien. Mais comme citoyens du monde, vous pourriez presser votre gouvernement de cesser sur-le-champ toute relation commerciale avec la Syrie.

Malgré le durcissement récent des sanctions économiques décrétées par Ottawa contre Damas, la pétrolière albertaine Suncor Energy continue d'exploiter une importante usine de gaz naturel en Syrie (en collaboration avec une société d'État syrienne, sous prétexte que le gaz naturel produit là-bas n'est pas destiné à l'exportation.

Pendant ce temps, la rue syrienne refuse de se taire. Et elle souhaiterait qu'on l'entende au-delà des frontières de la nation. Depuis l'échec de la communauté internationale à lui prêter secours, elle ne réclame pas tant de l'aide qu'un peu d'empathie.

Les cris de Hamza Al-Khatib, 13 ans, et d'Ibrahim Shayban, 9 ans, assassinés par le régime, sont restés vains, tout comme ceux des 3000 victimes de la répression, dont quelque 125 mineurs. C'est sans compter les détenus, les déplacés et les personnes portées disparues comme mon cousin.

«Votre silence nous tue». Au fond, c'est ce que clament les protestataires syriens au reste du monde, sous une pluie de balles et d'obus d'artillerie.

* Nom fictif.