Une fraude de 2,7 milliards de dollars au sein de la banque UBS, de 4,7 milliards d'euros à la Société générale, de 860 millions de livres sterling à la Barings, les années passent et les fraudes perdurent.

Parallèlement, les institutions financières font face à d'importants remous sur les marchés financiers, les risques de faillite s'intercalant entre deux dépréciations d'actifs.

Face à ces risques particulièrement nombreux, la profession d'auditeur n'a toujours pas modifié sa façon d'approcher les problématiques liées aux acteurs intervenant sur les marchés financiers. Les exigences professionnelles pour l'admission à un ordre comptable n'intègre toujours pas, ou au mieux avec un niveau très faible, l'innovation relative aux produits dérivés ainsi que les risques qui y sont associés.

À ce jour, les questions relatives aux instruments financiers, aux stratégies de couverture ou à la titrisation sont toujours absentes des compétences devant être réellement maitrisées pour devenir auditeur.

Et il s'agit bien là de la véritable question que la profession comptable, dans son ensemble, doit se poser : est-il encore logique de ne pas aborder des thèmes complexes sous prétexte que le but est de former des auditeurs généralistes? En d'autres termes, peut-on réellement être spécialiste en tout?

Toutes les autres professions ont admis, avec le temps, l'existence de spécialités. Qui aujourd'hui demanderait à son cardiologue d'opérer ses yeux? Ou à son avocat fiscaliste de régler ses problèmes de droit de la construction?

En charge de l'enseignement des instruments financiers auprès des futurs comptables, je dois trop souvent répondre à cette question devenue traditionnelle de la part des étudiants : ce thème est-il régulièrement abordé aux examens professionnels? La réponse est malheureusement non, et ce malgré les fraudes financières récurrentes, le niveau critique d'endettement de tous les acteurs économiques ou l'absence de continuité d'exploitation de certains établissements bancaires et financiers.

À toute question doit être proposée une solution. La plus logique serait tout simplement de créer des certificats de spécialisation permettant d'approfondir les thèmes complexes pour lesquels des compétences spécifiques sont nécessaires. Il ne s'agirait nullement de remettre en cause la formation fondamentale, mais plutôt d'offrir de nouvelles compétences aux étudiants et aux professionnels. Il est en effet inconcevable d'imaginer, à l'heure actuelle, des auditeurs spécialisés en tout. Auditer une banque ou une firme minière nécessite des compétences différentes.

Cette proposition peut surprendre dans le monde des affaires où les diplômes à vocation généraliste, dont le MBA est l'emblème, sont majoritaires. Mais il ne s'agit que d'une proposition et il serait intéressant que la profession comptable s'interroge sur la question fondamentale de son évolution. À l'heure actuelle, la situation canadienne est particulière, car la discussion la plus répandue actuellement est l'éventualité d'une fusion des trois ordres. Mais n'enseigne-t-on pas que le fondement de la comptabilité est la prééminence du fond sur la forme? Un ou trois ordres comptables est une question de forme, la formation de leurs membres est le véritable problème de fond.