Comme des milliers de Québécois, je vis dans le noir depuis dimanche, 15h15. Il faut faire contre mauvaise fortune, bon coeur. C'est exactement ce que je fais.

À la fin de la soirée, voulant savoir ce qui me pend au bout du nez, je compose le célèbre 1-800-790-2424. Les robots qui répondent à mon appel m'apprennent qu'à cause du surplus d'appels, on ne répond plus. Parfait, c'est clair, il est d'ailleurs impoli et inutile d'insister.

À mon réveil lundi matin, à 5h, autres tentatives. Après plusieurs discussions avec les robots et leur voix fonctionnant à l'électron, je réussis à entrer dans le réseau. Puis voilà le nirvana, une voix fonctionnant à l'oxygène me répond, un être humain me parle...

Je lui explique que j'habite un secteur de Brossard encerclé par la rue Béliveau. Un îlot de quelques centaines de maisons. Mes voisins d'en face ont donc de l'électricité, mais dans l'îlot que j'habite, c'est le noir total. Le préposé m'annonce que cette panne sera réglée avant 7h. Je raccroche, les yeux humides d'émotion, devant l'efficacité de nos vaillants Hydro-Québécois.

Puis, 7h arrive, rien de nouveau ne se produit. Je laisse passer quelques heures, puis, vers 10h30, je réussis l'exploit de pénétrer à nouveau le système de mise en attente. Nouvelle émotion, une femme me parle. Elle m'annonce que plusieurs milliers d'abonnés sont également privés d'électricité. Je la rassure en lui disant que mon coeur saigne pour eux et que je les appuie moralement, comprenant très bien leur détresse, étant dans la même situation. Cette fois, elle me dit que la panne sera réparée à midi. Instruit par l'expérience, je lui demande si elle parle bien du lundi 29 août. Elle confirme. Me voilà rassuré, à nouveau.

Il semble que nous n'avons pas utilisé le même calendrier, car en après-midi, je suis encore en panne. Mon congélateur et mon réfrigérateur contenant quelques centaines de dollars de victuailles sont ma préoccupation principale. Je me rends donc dans une boutique pour louer une génératrice et ainsi préserver mes aliments, chose que j'aurais faite plus tôt si on m'avait donné les bonnes réponses à mes questions.

Loin de moi l'idée de chercher à jouer au martyr, plusieurs étaient plus mal pris que moi. Toutefois, ce que j'aurais aimé avoir, ce sont des réponses le plus près possible de la réalité et non pas des heures fixées aléatoirement, seulement pour se débarrasser de mon encombrante personne.

L'autre question qui me vient à l'esprit est la suivante: quand le danger est à la porte, un grand stratège envoie-t-il ses réserves à l'extérieur de son territoire, en affaiblissant ses forces vives? Bien sûr, cela a flatté notre ego de voir nos travailleurs aller soutenir les Américains au Téléjournal. Mais notre ego exige-t-il de devenir oblatif, en faisant passer les besoins d'autrui avant les nôtres? Sans doute que les 54 équipes qui étaient à l'extérieur du Québec auraient eu amplement de travail pour s'occuper, plutôt que de faire du tourisme aller-retour. Hydro-Québec aurait, à mon avis, mieux servi ses clients.

Enfin, l'électricité a été rétablie chez moi à 13h12, mardi. Fin de la saga.