J'exerce mon droit de vote depuis près de 20 ans. J'en éprouve une fierté incroyable. Chaque fois que je sors de la boîte de scrutin, un frisson me parcourt le corps et je ressens la grande satisfaction d'avoir fait ce que tout bon citoyen doit faire. À chaque élection, qu'elle soit fédérale, provinciale ou municipale, je mets la main sur le programme des partis et je les lis en entier. Je me penche aussi sur les actions perpétrées par le gouvernement sortant. Je me laisse rarement berné par le fla-fla préélectoral.

En fait, depuis quelques élections, cette façon de faire m'irrite profondément. Parce que j'ai l'impression qu'on cherche à m'acheter. Parce que j'ai l'impression qu'on cherche à me bourrer les yeux. Et je déteste qu'on cherche à me bourrer. Pour moi, c'est un profond manque de respect. Malheureusement, je dois me rendre à l'évidence : depuis quelques années, on me manque de plus en plus de respect.

Le politicien est élu par les citoyens pour un mandat de plus ou moins quatre années. Il faut noter le mot ici : mandat. Ce n'est pas un règne. Il y a une énorme différence entre les deux. Le citoyen ne donne pas carte blanche à ses élus, il est l'employeur de l'élu. En tant que simple citoyen, si je mens à mon employeur, il y aura des conséquences. La plus probable : je perdrai mon emploi. Deux semaines de salaire. On m'enverra mes choses personnelles. Merci et au revoir.

Quand je lis que le ministre Tony Clement a probablement menti à la vérificatrice générale, que son collègue John Baird est venu à sa rescousse, que des dépenses invraisemblables ont été autorisées sans l'aval du Parlement, ou encore pire, qu'elles l'ont été sous un faux prétexte puis détournées à d'autres fins, je me sens trahi. L'employé manque de respect à son employeur. Il lui ment. Sciemment. Pour moi, mentir au citoyen est aussi répréhensible que mentir à la vérificatrice générale. Et mentir à l'instance mise en place pour assurer la droiture d'un gouvernement est un acte illégal. Tout acte illégal est punissable par la loi. C'est la base même de la justice.

En tant que citoyen qui a exercé son droit de vote depuis sa majorité, j'estime qu'on me doit respect, honnêteté et écoute. Si cette histoire est prouvée hors de tout doute, et qu'on fait la démonstration que Tony Clement a menti, la justice criminelle doit s'en mêler immédiatement. Je n'accepte plus les passe-droits aux politiciens qui se croient au-dessus de la masse. Je n'accepte plus qu'on tente de me fermer les yeux. Je n'accepte plus que mon système démocratique soit bafoué. Je n'accepte plus que mon gouvernement se comporte en roi et vive son règne sans me rendre de comptes. Le politicien m'est redevable. Pas l'inverse.

Quand je lis que Tony Clement a probablement menti, je suis en colère. Je sens que ma démocratie s'effrite. Je sens que mon droit de parole n'a aucun poids dans la balance de la justice. Je me sens à la merci de mon gouvernement. Ce matin, je me questionne et je me demande si j'aurai la force de montrer à mon fils ces mêmes valeurs que m'a inculquées mon père. Peut-être que je lui dirai simplement : «La politique ? Ne t'en approche pas mon garçon. Ça ne vaut pas la peine.»

Ce qui m'attriste le plus? Je crois de plus en plus qu'un jour, il comprendra.