La Presse a révélé jeudi que le NPD figure maintenant au deuxième rang derrière le Bloc dans les intentions de vote des Québécois. Cet appui est peut-être nouveau, mais il est le résultat d'une tendance déjà lourde dans l'opinion publique: les Québécois préfèrent appuyer des partis qui n'ont pas de chance de former le gouvernement. Ils aiment le statut d'opposition à Ottawa. Ils semblent accorder une plus grande confiance à leurs politiciens lorsqu'ils sont dans l'opposition, éloignés du pouvoir et de ses effets corrupteurs.

Trop longtemps, les deux grands partis fédéralistes ont fait croire aux électeurs québécois que leur statut de minorité au Canada leur imposait le devoir de voter du côté du pouvoir pour que le gouvernement fédéral soit plus sensible aux demandes de la province. Or, après 20 ans d'existence du Bloc québécois, force est d'admettre qu'être au gouvernement ou dans l'opposition n'a aucun effet direct sur la part que le Québec obtient de la «tarte» canadienne.

La théorie du vote du «bon bord» n'a pas servi à renforcer le Québec au Canada. Elle a plutôt institutionnalisé le «patronage» à Ottawa et accru le fossé entre les «deux solitudes», en donnant au Canada une image du Québec comme la province la «plus corrompue» au pays, comme le titrait le Maclean's à l'automne dernier.

C'est précisément ce stéréotype qui vole en éclats avec l'appui majoritaire des Québécois au Bloc et au NPD. En s'excluant volontairement du pouvoir, les Québécois ne veulent plus qu'on les blâme pour le patronage à Ottawa. Le scandale des commandites et les travaux de la commission Gomery ont fait honte aux Québécois. C'est pour cette raison qu'ils ont retiré leur soutien au Parti libéral du Canada. Monsieur Ignatieff fait son possible, mais son parti est toujours au banc des punitions où l'opinion publique québécoise lui a ordonné de s'asseoir après le scandale des commandites.

En appuyant le Bloc et le NPD, les Québécois se donnent bonne conscience à Ottawa. Ils ne veulent plus être au gouvernement, mais préfèrent plutôt exercer la balance du pouvoir au Parlement. Ils préfèrent un gouvernement minoritaire dont ils sont exclus, mais qui peut être plus étroitement surveillé et contrôlé par les forces de l'opposition qui détiennent la balance du pouvoir au parlement. Le Parlement peut ainsi jouer plus activement son rôle de «chien de garde» du gouvernement et contrebalancer la centralisation du pouvoir au bureau du premier ministre.

Le Bloc peut bien se dire souverainiste, mais le cadre institutionnel et les normes dans lesquels il déploie son action à Ottawa font de lui un rouage essentiel au fédéralisme canadien. Quand il dit ne pas vouloir jouer la politique de la «terre brûlée», le Bloc affiche une position proche du fédéralisme qu'il serait grand temps d'éclaircir.