Je reviens d'un court séjour dans la magnifique Baie des chaleurs en Gaspésie. Après un aller en voiture sur des routes, ma foi, en excellent état, j'avais prévu revenir par le train de Via Rail après avoir laissé ma conjointe qui fait la tournée des écrivains à l'école de ce coin de pays. Autour de moi on me disait quel bonheur j'avais de faire ce voyage en train avec tout ce que ça représente en termes de confort et de détente. Ma visite sur le site internet de Via laissait entrevoir effectivement une expérience inoubliable dans un confort inégalé. Peut-être pour toutes les autres destinations «canadian» de Via Rail, mais pas pour le trajet Montréal-Gaspé. Ce fut plutôt l'enfer!

J'invite d'ailleurs nos politiciens en campagne électorale à se faire accompagner par le président de l'entreprise pour vivre cette expérience, ils ne seront pas prêts effectivement de l'oublier... et j'espère qu'ils auront beaucoup de temps devant eux.

Le wagon-lit date certainement de la deuxième guerre mondiale (j'exagère à peine), comme tous les autre wagons d'ailleurs. L'espace de la cabine fait environ quatre par six pieds (les claustrophobes s'abstenir). Il faut vraiment le voir pour le croire. Au tarif régulier avant taxes, un aller-simple Chandler-Montréal coûte tout de même 331$, sans repas.  En tout et partout, trois valeureux employés pour nous accompagner et nous servir, ce qu'ils feront avec dévouement et empressement. Aucun cuisinier sur le train, que des plats réchauffés au micro-ondes ou des sandwichs. Le voyage dure en principe... 16 heures.

Accusant un retard trop important à l'aller à partir de Montréal, le train qui devait se rendre à Gaspé ne s'est jamais rendu. C'est par autobus que les passagers sont parvenus à New-Carlisle, à deux pas d'une statue de René Lévesque, où le train les attendait.  Le même retard (plus de trois heures) a eu lieu sur le voyage de retour (mais Via nous offre un rabais sur le prochain voyage!). Il n'y avait pas de tempête ou autres intempéries. On m'a expliqué un problème électrique entre locomotives... À plusieurs reprises (approches de ponts, de viaducs ou de virages en montagne), et encore une fois j'exagère à peine, le train roulait à moins de 20 kilomètres à l'heure. On a beaucoup de temps pour admirer les paysages majestueux. Le seul problème, c'est un train de nuit! Plusieurs fois pendant le voyage, lors des nombreux arrêts, aucune lumière ou ventilation dans nos cabines exiguës.

Je crois beaucoup en ce mode de transport qui fonctionne bien dans la plupart des pays européens et dans certaines régions canadiennes. Même le train Montréal-Québec semble très bien fonctionner. La prospérité économique, touristique et culturelle de la Gaspésie passera inévitablement par le développement de cette infrastructure de transport (de passagers et de marchandises). Les rails appartiennent depuis peu aux Gaspésiens. Comme une grande entreprise, il faudra que cette communauté dynamique s'assure de remettre «le train sur ses rails», avec l'aide de tous les partenaires économiques (incluant Via Rail) et politiques (incluant le gouvernement fédéral). Cette campagne électorale fédérale printanière est sans aucun doute un moment privilégiée pour interpeller les partis politiques en présence, afin de faire du train un enjeu majeur pour les gaspésiens bien sûr, mais pour tous les québécois. Des wagons neufs pour le Montréal-Gaspé valent bien deux ou trois F-35, M. Harper?

J'invite d'ailleurs les Normand Brathwaite, Daniel Boucher, Lawrence Jalbert et Isabelle Boulay, qui ne cessent de nous vanter avec raison cette magnifique région, d'unir leurs voix pour qu'enfin on offre à la Gaspésie une infrastructure ferroviaire digne du XXIe siècle. Originaire de New-Richmond et députée de Bonaventure, la vice-première ministre du Québec, Nathalie Normandeau, devrait elle aussi prendre ce train au bond dans les jours à venir!

Après plus de 20 heures, nous sommes finalement arrivés à Montréal. Le slogan de Via Rail: «La façon humaine de voyager... Voyagez dans le confort du train». Pas sur le train Montréal-Gaspé. Je retourne à Bonaventure prochainement. Pour 348$, j'y serai en 2h20... en avion!