Je n'ai pas l'habitude de plaider mes causes dans les médias: j'ai assez de difficulté à le faire devant les tribunaux! Cela étant dit, comme vous m'interpellez directement dans votre chronique, insinuant une forme de malhonnêteté intellectuelle au motif que j'aurais représenté Lola moyennant compensation, je me permets une brève réplique.

D'emblée, je précise que même si je suis on ne peut plus flatté que vous me décriviez comme étant un de «deux brillants avocats», je n'aurais certes pas la prétention de duper la Cour d'appel du Québec par des acrobaties intellectuelles. De toute façon, nul besoin de faire appel à la haute voltige juridique. En effet, le plus haut tribunal de la province a retenu nos prétentions pour une raison très simple qui semble vous échapper totalement. Car la preuve a clairement démontré que, bien que le législateur québécois tentait de justifier son traitement discriminatoire sur la foi de la présomption que les conjoints de fait avaient bel et bien choisi de se soustraire au régime de protection, cette hypothèse s'avérait totalement fausse.

En outre, il est erroné de prétendre, comme votre article le tient pour acquis, que les «1,2 million de couples québécois qui ont choisi de vivre en union libre» l'ont fait sachant que, ce faisant, ils renonçaient au régime de protection que prévoit le législateur pour tous les couples mariés. En réalité, comme le souligne la Cour d'appel dans son jugement (et comme le démontrait la preuve présentée par le procureur général du Québec lui-même), la majorité des conjoints de fait croient (à tort) qu'ils bénéficieront de la même protection que celle qu'impose l'État aux couples mariés. Les conjoints de fait ne choisissent donc pas sciemment de se soustraire au régime de protection que la loi accorde aux couples mariés, pas plus que la majorité des couples ne se marient pour obtenir cette protection.

Justifier la discrimination sur la base de présomptions qui n'ont aucune assise dans la réalité serait, vous en conviendrez, un précédent dangereux puisque, justement, la discrimination est le fruit de préjugés - comme l'histoire nous l'a trop tragiquement enseigné à maintes reprises. Peut-on se permettre de laisser le législateur promouvoir des pratiques discriminatoires sur la foi de préjugés, même ceux qu'endossent les classes bien pensantes de notre société?