En forçant Richard Bergeron à démissionner du comité exécutif, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, vient de perdre le peu de légitimité qu'il lui restait.

Il faut se dire les vraies affaires: dans aucune ville du monde, un maire n'aurait été réélu après avoir été éclaboussé par autant de scandales de corruption. Mais à Montréal, le 1er novembre 2009, le fameux dicton «diviser pour régner» s'est avéré.

La réalité est que Montréal est une ville profondément divisée et les dernières élections en sont le reflet. D'un côté, il y a ces anglophones, qui sont prêts à voter pour n'importe qui - même un maire miné par une pluie de scandales - pourvu qu'il défende la pérennité de l'anglais à Montréal, et de l'autre, des souverainistes, qui ont voté pour Louise Harel.

Entre les deux, il y a un peu plus du quart des électeurs qui ont voté pour le parti Projet Montréal. Parce que Richard Bergeron a eu ce coup de génie de recruter John Gomery, l'ex-président de la fameuse commission, bon nombre d'anglophones modérés ont voté pour lui, de même que de nombreux souverainistes. Il est important de se rappeler que 69% des Montréalais francophones ont voté Oui lors du dernier référendum. Louise Harel aurait-elle pu se faire élire en faisant le plein des votes souverainistes? Probablement que oui, mais la fadeur de sa personnalité n'a pas joué en sa faveur.

Avec cet éclairage, Projet Montréal pourrait sembler être le parti du consensus. En apparence, oui, mais dans les faits, ce n'est pas du tout le cas. Projet Montréal est, en réalité, un parti radical, qui déçoit de plus en plus son électorat. Autrement dit, c'est un parti qui ne gagne pas à être connu.

Allons-y avec des exemples. Le principal cheval de bataille du parti est sa croisade contre l'automobile. Cette lutte ne va pas dans le sens de la volonté publique qui souhaite la cohabitation entre le système de transport et l'automobile. Luc Ferrandez, le maire de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal et membre de Projet Montréal, fait la guerre au bruit. Un bar de l'avenue du Mont-Royal a été obligé de fermer pendant une semaine parce que le maire se montre très sensible aux plaintes de certains résidants. Pourtant, si le Plateau a une réputation aussi enviable, c'est justement grâce à ses cafés et à ses bars. M. Ferrandez voudrait revenir en arrière au temps où «les hommes mangeaient leur chips et buvaient leur grosse bière en silence».

Que les idées de Projet Montréal lui plaisent ou non, M. Tremblay a le devoir de mettre de l'eau dans son vin, car c'est grâce à la performance de Richard Bergeron qu'il est encore au pouvoir. En donnant à Projet Montréal toute la place qui lui revient, il y a fort à parier que la Ville se retrouvera dans de beaux draps, mais le hic, c'est qu'elle l'est déjà.

Montréal est à la veille d'une situation explosive et c'est tant mieux, parce la métropole a besoin d'importants changements. À commencer par réduire de façon radicale le nombre d'élus, qui est de 216. Imaginez, si l'Inde comptait proportionnellement autant d'élus, il y aurait plus de 200 000 députés.