Haïti a besoin d'aide. Un plan Marshall? Peut-être. Pour l'instant, il faut prendre tous les moyens afin d'acheminer les secours d'urgence. Dans les prochains jours, la communauté internationale devra aussi produire un plan visant à assurer une aide spéciale à la reconstruction. C'est le sens de l'appel lancé par le président français Nicolas Sarkozy pour la convocation d'une conférence sur Haïti. Entre temps, il y a déjà 9000 militaires et policiers civils de l'ONU sur place: ils peuvent beaucoup pour le pays.

L'ampleur de la catastrophe haïtienne impose une action rapide et un engagement de longue durée. Lors du tsunami de 2004 en Asie, la mobilisation mondiale avait été prompte et exceptionnelle. Deux anciens présidents américains, Bill Clinton et George Bush père, s'étaient rendus sur place et avaient été les points focaux de l'aide internationale. Ce fut un très grand succès. Clinton est l'envoyé spécial pour Haïti depuis un an. Il peut mobiliser le monde.

 

Avant le tremblement de terre de mardi soir, la situation économique du pays était fragile, mais montrait des signes d'amélioration. Les bailleurs de fonds avaient annoncé des contributions d'un montant de 350 millions de dollars au titre de l'aide sur une période de deux ans, et toute la dette bilatérale et multilatérale d'Haïti avait été annulée, dégageant ainsi des ressources de 40 millions par an jusqu'en 2014 pour le budget de l'État.

Sur le terrain, la création de plusieurs milliers d'emplois temporaires grâce au lancement de projets nécessitant une main-d'oeuvre nombreuse a permis de répondre aux besoins immédiats. Au début de l'année 2009, l'économiste Paul Collier avait dévoilé un plan pour l'ONU visant à utiliser les atouts du pays, qui le place en bien meilleure position que d'autres États fragiles dans le monde. Le plan de l'économiste s'articule autour de quatre idées fortes: créer des emplois par la reconstruction de certaines infrastructures et la multiplication des zones franches pour y développer l'industrie de l'habillement et l'exportation de mangues; assurer les services de base en associant l'État, le secteur privé, les ONG et la diaspora au sein d'un office de prestation de services indépendant; garantir la sécurité alimentaire en investissant dans la productivité agricole des régions à fort potentiel de production vivrière et en développant les infrastructures routières; enfin, protéger l'environnement en favorisant le reboisement, en établissant clairement les droits de propriété, et en remplaçant le charbon de bois par des bouteilles de gaz. Ce plan reste toujours valable et l'ONU devrait l'appliquer après la période d'urgence que nous connaissons.

Il est de bon ton chez plusieurs observateurs de critiquer l'inaction et l'inefficacité des Casques bleus. L'accusation a été entendue à quelques reprises, mais elle relève du mythe. Partout où des Casques bleus sont déployés et où une catastrophe naturelle frappe, ils répondent rapidement et efficacement aux appels de détresse. La tragédie en Haïti est le baptême du feu pour la Mission des Nations unies pour la stabilisation d'Haïti (MINUSTAH). Tout indique que son leadership a été décapité lors de la destruction du quartier général de la mission. Il y a toutefois 7000 militaires et 2000 policiers civils (l'ONU est sans nouvelle de certains d'entre eux) actuellement déployés dans l'ensemble du pays et ceux-ci peuvent assurer avec la police haïtienne les premiers secours et le maintien de la sécurité. Faut-il augmenter leur nombre? Le Conseil de sécurité en jugera. Pour l'instant, il faut surtout dépêcher des unités militaires spéciales (équipes de secours, ingénieurs pour la reconstruction, hôpitaux de campagne, etc.) afin de parer au plus pressant. Le Canada vient de montrer l'exemple en annonçant que son Équipe d'intervention en cas de catastrophe (DART), composée de 200 personnes hautement entraînées et spécialisées pour ce genre de catastrophe, est prête à être déployée.

Le peuple haïtien mérite toute notre solidarité. La catastrophe est d'une telle ampleur qu'il ne faudra pas chipoter sur l'aide. Montrons-nous à la hauteur.