Les pertes d'emplois records en janvier au Canada et la poursuite de l'hécatombe aux États-Unis suscitent l'inquiétude. Plusieurs autres indicateurs confirment que ce qui s'annonçait à la fin de l'été dernier comme un simple ralentissement au pays sera finalement un repli important de l'activité économique, potentiellement aussi douloureux que ceux du début des années 80 et 90.

La crise financière de l'automne dernier a été exacerbée par deux événements majeurs: la faillite de la grande banque d'affaires américaine Lehman Brothers et l'imbroglio au Congrès américain autour du plan Paulson. Il n'en fallait pas plus pour précipiter l'économie mondiale en récession. Les consommateurs et les entreprises, dont la confiance s'effritait, ont vu l'accès au crédit se resserrer. L'activité économique a périclité, entraînant le chômage à la hausse et générant le pessimisme et la méfiance des agents économiques.

 

Aux États-Unis, les pertes d'emplois s'établissent à 3 572 000 depuis le début de la récession, en janvier 2008. Récemment, c'est l'équivalent de 123 000 emplois qui sont perdus chaque semaine et rien n'indique que cette saignée s'arrêtera rapidement! À ce rythme, plus de cinq millions de travailleurs américains pourraient perdre leur gagne-pain, soit près de trois fois la perte moyenne des neuf dernières récessions. Si ce chiffre est atteint, la correction actuelle serait nettement plus sévère, en nombre et en proportion, que celle de la grande majorité des périodes récessionnistes de l'après-guerre.

Au Canada, les pertes d'emplois se sont accélérées depuis novembre et atteignent 213 000 (-1,3%). Les indices précurseurs présagent d'autres pertes importantes et d'un relèvement accru du taux de chômage. Lors des récessions du début des années 80 et 90, l'emploi avait diminué de 5,4% et de 3,5%, respectivement. Des pertes additionnelles d'emplois près de 700 000 et 400 000 postes, au cours des prochains mois, seraient nécessaires pour atteindre ces niveaux, des chiffres plausibles, mais peu probables.

Le Québec et l'Ontario sont particulièrement touchés. Le Québec affiche actuellement un taux de chômage légèrement inférieur à celui de l'Ontario, mais ce taux reflète une faible croissance de sa population active. À moyen terme, cette situation est préoccupante parce qu'elle pourrait nuire à la capacité de l'économie québécoise de répondre au besoin des entreprises lors de la reprise économique.

Actions audacieuses

La gravité de la situation économique est évidente. Les gouvernements tentent le tout pour le tout afin d'améliorer le fonctionnement du marché du crédit et de remettre l'économie à flot. Aux États-Unis, le plan de l'administration Obama est colossal. En parallèle, la santé des grandes banques internationales demeure fragile malgré l'amélioration graduelle du fonctionnement du système financier.

Au Canada, le récent budget fédéral comportait d'importantes mesures de stimulation économique et d'autres actions pourraient encore être annoncées. Le gouvernement du Québec devra aussi mettre la main à la pâte. L'augmentation des dépenses en infrastructures est une bonne façon de relancer l'activité économique, mais les travaux en cours sont déjà nombreux. Les possibilités d'accélérer la cadence et de multiplier les chantiers sont limitées.

Les gouvernements devront trouver des moyens originaux pour stimuler l'activité économique. Des transferts directs aux particuliers, tels que des bons de consommation qui obligeraient les ménages à dépenser rapidement, pourraient être envisagés. De telles mesures sont onéreuses pour les gouvernements et doivent être minutieusement établies pour assurer un effet optimal et limiter le gaspillage. Cependant, dans le contexte actuel, il n'y a pas de doute que l'inaction serait beaucoup plus coûteuse à long terme.

L'auteur est vice-président et économiste en chef aux Études économiques du Mouvement des caisses Desjardins.