La volatilité des marchés du pétrole est sans précédent, au moins depuis la guerre du Golfe (1990-91). Le brut est passé de 147 $ US, en juillet, à 87 $, la semaine dernière. Alors que certains ont prédit un baril de pétrole à 200 $ pour 2010, d'autres affirment que la chute pourrait bien se poursuivre pour atteindre les 50 $. Tout comme une forte hausse, une baisse trop prononcée, est inquiétante pour les producteurs, les distributeurs et même pour les consommateurs. En période de turbulence, il n'est pas inutile de rappeler les avantages de la stabilité.

La thèse selon laquelle le prix auquel un baril de pétrole se transige est l'expression directe des coûts de production (l'offre) et la demande mondiale de consommation, est fausse. L'économie réelle, comme disent les politiciens, n'a pas évolué au cours des derniers mois pour justifier une chute de 60 % du brut. Cette baisse est sans commune mesure avec celle de la consommation de pétrole au cours de l'été. On constate également que le prix n'est pas, à court terme, une mesure de rareté. Le pétrole n'est ni plus ni moins abondant aujourd'hui qu'il y a trois mois.

Débandade

La libéralisation des marchés des capitaux, legs du président Clinton et du président de la Banque fédérale de réserve des États-Unis, Alan Greenspan, a stimulé la création de nouveaux produits financiers. C'est ainsi que les banques négocient sur les matières premières et le pétrole comme elles investissent dans les actions et les devises. Les marchés à terme servent autant aux entreprises à se protéger des fluctuations (hedging) qu'à chercher à faire des profits ; c'est la spéculation. En simplifiant, il est possible d'acheter à crédit des contrats dans l'espoir que les cours monteront avant la date de revente. Ou encore, on joue à la baisse : on vend du brut que l'on ne possède pas en espérant que le prix aura baissé quand le contrat viendra à échéance. Trois facteurs influencent l'activité sur ces marchés : la valeur du dollar, la disponibilité du crédit et le taux d'intérêt. La volatilité du marché s'accroît avec l'importance de la spéculation. Privés de crédit et contraints de couvrir leurs achats, les spéculateurs se retirent et les cours croulent.

Un pétrole trop cher provoque l'inflation, entraîne une baisse de consommation et un ralentissement de l'activité. Trop bon marché l'offre se contracte, les pays de l'OPEP diminuent les quotas de production, l'exploration s'interrompt, des pays producteurs comme la Russie et le Canada voient leurs revenus baisser et les énergies alternatives perdent leur attrait. Dans un cas comme dans l'autre, les déséquilibres provoqués par les fluctuations soudaines des revenus l'emportent, pour les collectivités, sur les gains réalisés par petit nombre d'opérateurs. Les marchés visent aujourd'hui un seuil psychologique autour de 100 $ le baril. C'est probablement le prix de la stabilité, ce qu'il faudra payer pour éviter une récession mondiale.

L'auteur est professeur, directeur du département de science politique et chercheur associé au Centre d'études

et recherches internationales de l'Université de Montréal (CÉRIUM.ca).