(Ottawa) Un vent de nostalgie soufflera peut-être sur le congrès national du Parti libéral du Canada, qui se met en branle jeudi dans la capitale fédérale.

Toujours adulé pour ses succès électoraux, l’ancien premier ministre Jean Chrétien prendra la parole devant les militants du parti vendredi soir. Ce sera l’un des moments forts de cette grand-messe libérale de trois jours, qui pourrait constituer le dernier rassemblement du genre avant les prochaines élections fédérales.

D’autant que Jean Chrétien, qui a soufflé ses 89 bougies en janvier, demeure un raconteur hors pair qui sait plaire à une foule de partisans en maniant l’ironie pour mettre ses adversaires sur la défensive. Celui qui sera toujours le « p’tit gars de Shawinigan » pour ses admirateurs sait ramener les enjeux politiques au gros bon sens des défis que doivent relever au quotidien les gens ordinaires.

Justin Trudeau s’adressera aux militants jeudi soir avant de s’envoler le lendemain pour Londres où il assistera au couronnement du roi Charles III.

Entente avec le NPD

En principe, le prochain scrutin fédéral ne devrait pas avoir lieu avant deux ans et demi, si l’entente conclue entre les libéraux de Justin Trudeau et le NPD de Jagmeet Singh, l’an dernier, tient le coup jusqu’en juin 2025. Cette entente assure la survie des libéraux minoritaires aux Communes lors des votes de confiance comme ceux qui portent sur le budget, par exemple. En échange, le gouvernement Trudeau s’est engagé à mettre en œuvre certains programmes qui sont chers au NPD, comme le programme national de soins dentaires.

Dans les cercles libéraux, toutefois, on évoque la distincte possibilité qu’ils doivent monter dans les autocars de campagne au printemps 2024, soit après la présentation du prochain budget.

« Plus tôt que tard, le NPD va chercher une façon de sortir de cette entente », a-t-on confié récemment dans l’entourage de Justin Trudeau.

Coup de barre

En prévision de la prochaine campagne, des militants libéraux souhaitent que leur parti donne un léger coup de barre à droite. L’aile québécoise du Parti libéral du Canada a en effet soumis une résolution qui sera débattue de façon « accélérée » durant le congrès national. La résolution est toute simple. Elle préconise l’élaboration d’un plan précis de retour à l’équilibre budgétaire.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Les anciens premiers ministres du Canada Paul Martin et Jean Chretien (à droite), en 2006

De toute évidence, ces militants libéraux du Québec sont nostalgiques de la gestion des finances publiques de Jean Chrétien et de son ancien ministre des Finances Paul Martin. Le tandem Chrétien-Martin a navigué dans des eaux houleuses durant les années 1990 pour éliminer le déficit, devenu un lourd boulet financier à l’époque, et engranger d’alléchants surplus qui ont permis de rembourser la dette accumulée, de réduire le fardeau fiscal des contribuables et de réinvestir dans les programmes sociaux.

Ils souhaitent ainsi que le parti se dote « d’une proposition chiffrée et claire de retour à l’équilibre budgétaire » et ils réclament que cette proposition fasse partie du programme électoral du parti lors des prochaines élections.

Dans la résolution, on souligne que le gouvernement fédéral a engagé d’énormes dépenses durant la pandémie de COVID-19 et que la dette accumulée a augmenté « de façon extraordinaire et sans précédent en temps de paix ».

La dette accumulée a presque doublé depuis que les libéraux sont arrivés au pouvoir. La dette est ainsi passée de 634 milliards de dollars en 2015-2016 à 1221 milliards de dollars cette année.

Le gouvernement Trudeau a enregistré un déficit record de 327 milliards de dollars en 2020-2021, au plus fort de la pandémie.

Inquiétude ambiante

Dans son dernier budget, la ministre des Finances Chrystia Freeland prévoit que les frais d’intérêt de la dette vont aussi doubler au cours des prochaines années, passant de 24,5 milliards en 2021-2022 à 50,3 milliards de dollars en 2027-2028. La ministre Freeland a aussi remis aux calendes grecques le retour à l’équilibre budgétaire. Au cours des six prochaines années, elle prévoit d’ajouter 174 milliards de dollars à la dette accumulée.

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La ministre des Finances Chrystia Freeland

Résultat : « Cette situation inquiète plusieurs Canadiens », selon les militants libéraux du Québec, et les électeurs vont accorder une grande importance à la saine gestion des finances publiques lors de la prochaine campagne. Ils se disent convaincus que le Parti conservateur « aura une proposition à cet effet » pour courtiser les électeurs inquiets.

Parmi la quinzaine de résolutions qui doivent être examinées en priorité, celle de l’aile québécoise du PLC risque de provoquer des débats passionnés. D’autant que le gouvernement Trudeau n’a jamais présenté un budget équilibré.

Les libéraux de la Colombie-Britannique proposent une résolution visant à créer une assemblée citoyenne sur la réforme électorale. Ceux de la Saskatchewan croient qu’il faut envisager de rendre obligatoire le vote, sous peine de se faire imposer une amende modique. Les libéraux de la Nouvelle-Écosse préconisent la construction d’un réseau ferroviaire « abordable, accessible, moderne et pratique » pour le transport en commun.

Les jeunes libéraux, qui ont réussi à convaincre les dirigeants du parti d’aller de l’avant en campagne électorale en 2015 avec la légalisation de la marijuana, proposent pour leur part la création d’une zone de libre circulation entre le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Australie et le Royaume-Uni. Quant aux libéraux de l’Ontario, ils réclament que l’on modifie le Code canadien du travail afin d’accorder aux travailleurs quatre semaines de congé pour chaque année complète de travail au lieu des deux semaines prévues en ce moment.

Plusieurs de ces résolutions pourraient être adoptées. Mais aucune d’entre elles n’est contraignante. Au bout du compte, Justin Trudeau et ses proches collaborateurs décident des promesses qui font partie du programme électoral. Il reste que la résolution proposée par les militants libéraux du Québec exprime une forme de nostalgie de l’ère Chrétien-Martin.