(Québec) « Ça me fait de la peine de voir la baisse d’appuis des Québécois à mon égard. […] Je sais que les Québécois actuellement souffrent beaucoup de l’augmentation des prix. Et je vais essayer de voir comment je peux mieux les aider. »

Le premier ministre François Legault a attribué au contexte économique sa glissade dans l’opinion publique la semaine dernière, un contexte qui n’est pas près de s’améliorer. Il a une fois de plus évoqué l’idée de donner un bol d’oxygène aux contribuables.

Il n’y aura toutefois pas de chèque ou d’aide financière ponctuelle dans la mise à jour économique du ministre des Finances, Eric Girard, mardi.

Il faut plutôt s’attendre à ce que le gouvernement mise sur l’indexation du régime fiscal pour démontrer qu’il protège le pouvoir d’achat des contribuables.

En clair, la valeur des crédits d’impôt et d’autres mesures fiscales va augmenter pour tenir compte de l’inflation.

Des exemples ? Le crédit d’impôt solidarité, destiné aux ménages à faible revenu, sera revu à la hausse afin de suivre l’augmentation du coût de la vie. Idem pour le soutien aux aînés, l’allocation familiale, la prime au travail et les seuils d’imposition. Les prestations d’aide sociale vont être bonifiées de la même façon.

Indexation automatique

Ce n’est pas une surprise, ni un nouveau cadeau. La loi prévoit en effet que les paramètres fiscaux doivent être indexés chaque année. L’impact financier est néanmoins important dans le contexte inflationniste actuel.

En décembre 2022, Eric Girard a annoncé que le taux d’indexation du régime fiscal pour 2023 est fixé à 6,44 %, ce qui représente une augmentation de 2,2 milliards de dollars de la valeur des crédits d’impôt et d’autres mesures. C’était du jamais-vu depuis l’indexation automatique instaurée en 2002.

Pour cette année, si l’on tient compte de la méthode de calcul des Finances, il faut s’attendre à ce que le régime fiscal soit indexé d’environ 5 %. La mesure se chiffrera encore en milliards de dollars.

En entrevue à La Presse en septembre, Eric Girard expliquait que le temps des chèques est fini dans la mesure où le gouvernement a indexé son régime fiscal pour 2023 et qu’il avait déjà fait beaucoup pour aider les Québécois à faire face au coût de la vie avec son « bouclier anti-inflation » (500 $ au printemps 2022, puis de 400 à 600 $ à l’automne de la même année, une baisse d’impôt qui est apparue sur le chèque de paie en juillet). François Legault avait donné l’impression de le contredire par la suite en évoquant une « aide spéciale » destinée à certains contribuables.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le ministre des Finances, Eric Girard, en entrevue éditoriale à La Presse, le 5 septembre dernier

Or, le moment est venu de « synchroniser la politique fiscale du gouvernement avec la politique monétaire [de la Banque du Canada] pour ramener l’inflation à 2 % tel que prévu », disait Eric Girard après avoir été accusé d’avoir fait le contraire et d’avoir alimenté l’inflation avec le versement de chèques. L’indexation du régime fiscal devrait ainsi être la mesure refuge du gouvernement pour démontrer qu’il se soucie du portefeuille des contribuables.

Nuages noirs

Ce n’est pas banal : le Québec est désormais le champion de l’inflation au pays. La variation annuelle de l’indice des prix à la consommation (IPC) s’élevait à 4,8 % en septembre, comparativement à 3,8 % pour l’ensemble du Canada.

Le Québec connaît également un ralentissement économique plus marqué. Le recul du produit intérieur brut (PIB) a atteint 1,9 % au deuxième trimestre ; 0,2 % au Canada.

Avec son rapport préliminaire sur le PIB au troisième trimestre, Statistique Canada a avancé la semaine dernière que le pays pourrait être entré dans une récession technique, un bien mauvais présage pour le Québec.

Eric Girard disait il y a un mois qu’« il ne faut pas être alarmiste ». « Normalement, le troisième trimestre devrait être positif, et on n’aura pas deux trimestres consécutifs négatifs, qui est la définition traditionnelle du début d’une récession », ajoutait-il.

Le ministre doit aujourd’hui admettre que la performance de l’économie québécoise est moins bonne qu’anticipé. Il faut s’attendre à ce qu’il révise à la baisse sa prévision de croissance économique qui, à 0,6 %, était plutôt faible. Québec a déjà réduit d’au moins 1 milliard de dollars les revenus attendus cette année.

Eric Girard avait toutefois prévu un coussin financier pour absorber le choc : la « provision pour éventualités » de 1,5 milliard cette année sera de toute évidence utilisée pour éviter un plus gros déficit. On garde le cap sur un retour à l’équilibre budgétaire en 2027-2028.

La route sera difficile. Dans un rapport rendu public vendredi, l’Institut du Québec signale qu’un resserrement financier important s’annonce après cinq ans de dépenses élevées, notamment en raison de la pandémie et du bouclier anti-inflation.

Il emploie même un mot honni chez les caquistes : austérité.

La croissance annuelle de 2,2 % des dépenses de portefeuille prévue par le gouvernement entre 2023 et 2028 « se compare aux périodes de grande rigueur, voire d’austérité, que la province a connues au cours des dernières décennies », notamment sous la gouverne de Philippe Couillard, écrit-il. « Ce retour à une croissance plus modeste des dépenses risque d’être ardu, alors que l’inflation – qui reste plus élevée que dans les prévisions du dernier budget – continuera d’exercer des pressions sur les coûts. »

Cette « austérité » avait été coûteuse pour les libéraux dans l’opinion publique, ce qui n’augure rien de bon pour le gouvernement Legault.

Dans ce contexte, les négociations avec les 600 000 employés de l’État s’annoncent encore plus difficiles. Le mouvement de grève des syndicats débute ce lundi. Le fossé est important entre les parties.

Banques alimentaires et autres enjeux

Malgré ses soucis financiers, Québec répondra à des enjeux importants avec sa mise à jour économique. Il accordera des fonds supplémentaires aux banques alimentaires, qui crient famine. On sera près des 18 millions réclamés.

Le fonds d’urgence annoncé pour l’itinérance plus tôt cet automne, 15,5 millions d’argent frais, devrait devenir récurrent, donc garanti pour les années à venir.

La mise à jour devrait contenir l’impact financier de la « Déclaration de réciprocité » entre le gouvernement et les municipalités, la formule qui remplace le pacte fiscal. Quelque 500 millions supplémentaires seront versés pour les aider à s’adapter aux changements climatiques au cours des prochaines années, selon l’entente que La Presse a obtenue. La somme sera intégrée au plan vert du gouvernement.

On a également révélé plus tôt cet automne que la mise à jour économique contiendra des fonds additionnels pour la construction de logements sociaux et abordables.

Le gouvernement Legault égalise la mise du fédéral et investira lui aussi 900 millions au cours des prochaines années, pour des investissements totaux de 1,8 milliard grâce à la récente entente Ottawa-Québec.

On confirmera les 265 millions de dollars pour 2024 destinés au financement des sociétés de transport qui sont déficitaires.

Il y a eu collision entre le gouvernement et les municipalités du Grand Montréal, qui jugent cette aide insuffisante. En entrevue à La Presse, la mairesse Valérie Plante a mené une charge contre le gouvernement, l’accusant d’avoir pris « plusieurs décisions », comme celle-ci, qui « ont un impact négatif sur la région métropolitaine ».

À Québec, on s’étonne de cette sortie. Et on fait circuler des tableaux selon lesquels les 82 municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) auraient des « excédents de fonctionnement non affectés » de 803 millions selon les rapports financiers de 2022. Ce serait 76 millions pour Montréal.

Ça promet pour la suite…