(Ottawa) Il a roulé les manches de sa chemise, pris des selfies et dit : Better is always possible. Au cas où ce n’était pas encore clair, Justin Trudeau a semblé vouloir dissiper tout doute jeudi soir au congrès national du Parti libéral : la campagne électorale est déjà commencée.

Deux mots résument le discours d’ouverture livré jeudi soir par le premier ministre : Pierre Poilievre. Tantôt nommément, tantôt indirectement, il s’en est pris à son rival en prévision du prochain scrutin, qui aura lieu au plus tard à l’automne 2025, mais qui pourrait survenir avant.

À son adversaire conservateur qui fustige les politiques libérales « trop wokes », il a assené une réplique qui a été applaudie à tout rompre, ayant recours à ce terme fourre-tout certain d’attirer l’attention. « Trop wokes !? Hé, Pierre Poilievre, il est temps que tu te réveilles ! », s’est-il exclamé en anglais.

À travers des cris d’enthousiasme et des We love you ! de la foule, il a ensuite énuméré quelques-unes des idées que le leader de l’opposition taxe de « wokisme », dont les investissements dans les énergies vertes, ou encore la création d’un programme national de services à la petite enfance.

« En passant, quand nous voyons que la participation des femmes à l’économie a atteint des niveaux jamais vus, laissez-moi vous dire quelque chose : une place de garderie à 10 $ par jour n’est pas une politique woke, c’est une politique économique », a-t-il plaidé.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre

Et à la vision conservatrice d’un Canada « brisé », il a opposé celle, « optimiste », de ses troupes rassemblées au Centre Shaw, à Ottawa, où la salle était évidemment moins hostile que ne l’est la Chambre des communes en ce moment, alors que le gouvernement Trudeau est empêtré dans les affaires d’ingérence chinoise.

La solution de rechange que propose le Parti conservateur est « trop sombre », a encore insisté le chef libéral.

Est-ce que le populisme de Pierre Poilievre va vous faire voir un médecin plus rapidement ? Est-ce que ses coupures vont aider un jeune à trouver un logement ? Est-ce que ses slogans vont créer plus d’emplois pour nos communautés ? Non. Parce qu’il n’a pas de plan sérieux.

Justin Trudeau

Conseiller d’investir dans les cryptomonnaies, courtiser des groupes anti-femmes sur YouTube, diriger une formation dont certains élus vont luncher avec une politicienne allemande « xénophobe », tout cela est « le contraire d’un leadership responsable », a-t-il enchaîné.

Son propre bâton de pèlerin, il jure qu’il le reprendra lorsque reviendra le temps de se lancer sur le chemin de la prochaine campagne électorale. « Lorsque les Canadiens devront faire un choix important en ce moment important, ce sera l’honneur de ma vie d’être là », s’est exclamé Justin Trudeau.

Poilievre aussi dans la mire de Joly

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

La ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly

Le premier ministre a été précédé sur scène par la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, qui ne s’est pas privée non plus de décocher des flèches à l’intention du chef conservateur, l’accusant d’être prêt à « tout faire pour satisfaire les éléments les plus extrêmes de sa base ».

« Et ceux qui croyaient qu’il se calmerait une fois qu’il aurait gagné la course au leadership le constatent maintenant : il ne changera pas. C’est l’exception qui confirme la règle : Pierre Poilievre, on ne gagne jamais à le connaître ! », s’est-elle moquée.

La ministre Joly n’a pas non plus épargné les bloquistes : « Ce n’est pas le Bloc québécois qui est capable de défendre nos intérêts contre la droite radicale et de nous faire progresser au sein du pays. On se rappelle que lorsque Stephen Harper a coupé les vivres à Radio-Canada, le Bloc avait 49 députés en Chambre. »

Ni Justin Trudeau ni Mélanie Joly n’ont fait mention du NPD dans leur allocution.

En attendant Chrétien et Clinton

Le congrès biennal libéral, qui pourrait être le dernier avant les prochaines élections fédérales, s’est ouvert jeudi dans la capitale fédérale, et il se poursuit jusqu’à samedi. Justin Trudeau quittera l’évènement avant sa conclusion pour s’envoler vers Londres, où il assistera au couronnement de Charles III.

La journée de vendredi sera marquée par les participations de l’ancien premier ministre libéral Jean Chrétien et de l’ex-candidate démocrate à l’élection présidentielle, Hillary Clinton. Le premier partagera la scène avec le ministre François-Philippe Champagne, et la deuxième, avec la vice-première ministre, Chrystia Freeland.