(Ottawa) Hillary Clinton a lancé une mise en garde aux libéraux réunis en congrès à Ottawa vendredi : la tolérance des progressistes aux idées « loufoques » que des politiciens, surtout de droite, calquent sur celles d’autocrates comme Vladimir Poutine doit avoir « ses limites ».

Ce qu’il faut savoir

  • Le Parti libéral tient son congrès national à Ottawa.
  • En soirée, deux invités de marque ont pris la parole devant les quelque 4000 militants libéraux : l’ancien premier ministre Jean Chrétien et l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton.
  • Justin Trudeau a dû quitter le congrès libéral vendredi afin d’assister au couronnement du roi Charles III à Londres ce samedi.

« Je ne veux pas être alarmiste, mais je pense qu’au Parti démocrate des États-Unis – je parle pour nous, pas pour vous –, on se targue d’être tolérant […] Mais parfois, il y a des choses que l’on ne devrait pas tolérer », a dit l’ancienne secrétaire d’État qui s’entretenait avec la vice-première ministre Chrystia Freeland.

« J’ai siégé au Sénat pendant huit ans. J’ai servi avec beaucoup des gens qui sont encore là… Je ne les reconnais pas », a soufflé l’invitée vedette de la grand-messe libérale.

PHOTO SPENCER COLBY, LA PRESSE CANADIENNE

L’ex-secrétaire d’État américaine et ex-candidate à la présidentielle Hillary Clinton

« Je ne reconnais pas des gens avec qui j’ai travaillé, qui sont maintenant prêts à nier le résultat de l’élection [de 2020]. Qui versent dans des théories du complot loufoques voulant que l’insurrection du Capitole, qu’ils ont vue de leurs yeux, ne se soit pas vraiment produite », s’est-elle désolée.

L’ancienne candidate démocrate à la présidentielle rebondissait sur l’avertissement que venait de formuler Chrystia Freeland au sujet de quelques-unes des propositions du chef conservateur Pierre Poilievre, sans toutefois le nommer.

Quand quelqu’un dit : “Je veux congédier le gouverneur de la Banque du Canada”, il faut le prendre au sérieux. Quand quelqu’un dit : “Je veux abolir CBC et aussi Radio-Canada”, qui est tellement important pour notre pays, on doit le prendre au sérieux.

Chrystia Freeland, vice-première ministre et ministre des Finances

« On doit comprendre que les gens qui disent ça, c’est vraiment leur objectif, et ils veulent vraiment changer sérieusement notre société », a prévenu Mme Freeland.

Chrétien toujours fougueux

Le ton sérieux de l’échange Clinton-Freeland contrastait avec celui, badin, de la discussion qu’avaient eue avant elles l’ancien premier ministre libéral Jean Chrétien et le ministre François-Philippe Champagne. Le « p’tit gars de Shawinigan » a montré qu’il n’avait rien perdu de son sens de l’humour et de son flair politique.

PHOTO SPENCER COLBY, LA PRESSE CANADIENNE

L’ancien premier ministre du Canada Jean Chrétien

Emboîtant le pas de Justin Trudeau, qui avait tiré à boulets rouges sur Pierre Poilievre la veille dans un discours enflammé devant les troupes, M. Chrétien a décrit le chef conservateur comme un leader en colère qui carbure au négativisme.

« Non, M. Poilievre, le Canada n’est pas brisé », a-t-il dit.

Il a soutenu que M. Poilievre campe tellement à droite sur l’échiquier politique que cela doit mettre l’ancien premier ministre Stephen Harper mal à l’aise.

« Je ne devrais pas mettre le nom de Poilievre avec le nom de Harper parce que je me sens mal à l’aise. Poilievre est tellement négatif, tellement à droite que Harper a l’air raisonnable », a-t-il lancé au grand plaisir de la foule.

« Si ça continue comme cela, il va demander à devenir membre du Parti libéral », a-t-il ajouté.

Un nouveau mandat, selon Chrétien

Aux troupes libérales, M. Chrétien a prédit que Justin Trudeau obtiendrait un nouveau mandat des Canadiens aux prochaines élections. D’autant, selon lui, que le gouvernement libéral actuel a su naviguer dans des eaux houleuses durant la pandémie tout en maintenant les finances publiques dans un bon état.

Depuis 60 ans, il n’y a eu que 10 surplus budgétaires dans les finances canadiennes. Et, M. Poilievre, c’étaient toujours des gouvernements libéraux.

Jean Chrétien, ancien premier ministre du Canada

Revenant sur ses longues années de service, M. Chrétien a rappelé que le Parti libéral a été au pouvoir durant les années de grandes réformes comme la création de l’assurance médicaments, le régime de pensions, l’adoption d’un drapeau, le rapatriement de la Constitution et la légalisation des mariages entre conjoints du même sexe.

Le rappel de cette dernière réforme lui a valu une ovation des militants. Et M. Chrétien a également été chaudement applaudi quand il a cité la décision du Canada de ne pas participer à la guerre en Irak.

Le congrès biennal libéral, qui pourrait être le dernier avant la prochaine campagne électorale, prendra fin samedi, notamment avec l’adoption de résolutions proposées par les militants des quatre coins du pays.