(Ottawa) Les militants du Parti libéral du Canada ont écarté l’idée d’exiger que Justin Trudeau se présente aux prochaines élections fédérales en ayant en main un programme chiffré de retour à l’équilibre budgétaire.

Ce qu’il faut savoir

  • Le Parti libéral du Canada a tenu un congrès national de trois jours à Ottawa.
  • Les délégués ont rejeté une motion émanant de l’aile québécoise qui demandait au parti de se doter d’un plan de retour à l’équilibre budgétaire chiffré en prévision de la prochaine campagne électorale.
  • Deux ministres du gouvernement Trudeau – François-Philippe Champage et Jean-Yves Duclos – soutiennent que la rigueur budgétaire fait partie de l’ADN du Parti libéral du Canada.

La résolution parrainée par la section québécoise du Parti libéral du Canada (PLC) a été rejetée samedi par un vote de 97 contre et 76 pour. Le vote a eu lieu sans qu’un seul membre présent dans la salle réclame un débat. À peine 200 des quelque 4000 délégués inscrits ont participé à cette portion des délibérations.

La résolution exigeait que le PLC « se dote d’une proposition chiffrée et claire de retour à l’équilibre budgétaire » et que cette proposition fasse partie du programme électoral en prévision du prochain scrutin.

Simon Daigle, un membre de l’association libérale de Laurier–Sainte-Marie, a présenté la résolution en rappelant que le Canada avait accumulé des dépenses élevées durant la pandémie de COVID-19 et que la dette avait explosé de façon extraordinaire et sans précédent en période de paix.

Les membres ont toutefois préféré donner les coudées franches à leur chef en matière de gestion des finances publiques.

Interrogé à ce sujet, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a affirmé que les militants s’étaient exprimés en faveur d’une gestion pragmatique des finances publiques.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne

« La voix est aux membres. Mais je pense que la rigueur budgétaire fait partie de l’ADN du Parti libéral. En même temps, il faut se donner un peu de flexibilité. On sort par exemple de la pandémie de COVID-19. Quand on gouverne, on ne peut pas toujours anticiper tout ce qui peut arriver », a affirmé le ministre François-Philippe Champagne.

Il a ajouté qu’il importe, selon lui, de faire la distinction entre « dépenses » et « investissements ».

« Il y a des postes de dépenses qui sont des investissements », a-t-il dit en citant l’exemple des investissements dans le secteur de la fabrication des batteries pour les véhicules électriques ou encore la production de vaccins.

Pour moi, c’est investir dans l’avenir. Je pense qu’on peut faire des choix stratégiques, comme on l’a fait récemment, tout en étant rigoureux. Évidemment, on va écouter ce que les membres ont à dire. Mais gouverner, c’est faire des choix.

François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

Il a aussi avancé que les investissements de 13 milliards de dollars dans la méga-usine de fabrication de batteries de Volkswagen à St. Thomas « vont rapporter des dividendes pendant des générations ».

Son collègue du cabinet, le ministre de la Santé Jean-Yves Duclos, a offert une analyse similaire. Il a rappelé que le gouvernement fédéral n’avait pas d’autre choix que de soutenir les familles, les travailleurs et les entreprises durant la pandémie afin d’éviter une profonde récession.

PHOTO SPENCER COLBY, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos

« Nous avons des conditions fiscales qui sont encore parmi les meilleures du G7 et du G20. Les investissements que nous faisons contribuent à la croissance économique. Ce n’est pas une surprise ou une coïncidence si le Canada se retrouve en plus forte croissance économique que tous les pays du G7 et s’il affiche un taux de chômage si bas », a affirmé M. Duclos au dernier jour du congrès libéral.

Le Parti conservateur a affirmé que le rejet de cette résolution par les libéraux était une mauvaise nouvelle pour les contribuables. « C’est assez représentatif du courant de l’extrême gauche du Parti libéral du Canada, version 2023. Les “vieux rouges” ne se reconnaissent plus dans ce parti et c’est dangereux pour l’avenir économique du pays », a affirmé le député conservateur Pierre Paul-Hus, qui est le lieutenant politique du chef conservateur Pierre Poilievre au Québec

Avant de quitter le congrès, vendredi, pour se rendre à Londres afin d’assister au couronnement du roi Charles III, Justin Trudeau avait jeté de l’eau froide sur la justesse d’adopter une telle résolution.

Le plus important pour moi, c’est de créer une économie forte et résiliente dans laquelle on peut continuer d’investir et de créer de bons emplois. On sait que c’est essentiel de démontrer une responsabilité fiscale, ce qu’on est toujours en train de faire.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Dans son plus récent budget, qui a été déposé en mars dernier, le gouvernement Trudeau a renvoyé aux calendes grecques le retour à l’équilibre budgétaire. Depuis leur arrivée au pouvoir en 2015, les libéraux de Justin Trudeau n’ont jamais présenté un budget équilibré.

Si les délégués ont rejeté la résolution sur l’équilibre budgétaire, ils ont adopté celle prônant la fin des subventions au secteur fossile d’ici 2025 et se sont prononcés en faveur du droit d’avoir quatre semaines de congés. Ils souhaitent également la tenue d’une assemblée citoyenne sur la réforme électorale et la création d’une zone de circulation entre le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. Ils ont aussi voté pour l’établissement d’un revenu de base garanti et d’un train à grande vitesse électrique dans le corridor Québec-Windsor.