Pendant une excursion, il y a parfois des moments difficiles, des moments monotones. Cette montagne, il faut la gravir, un pas à la fois, même si le sommet semble reculer au fur et à mesure. Cette rivière, il faut la parcourir, un coup de pagaie à la fois, même si le vent oppose une farouche résistance. Comment faire pour passer à travers ces durs moments ?
Les aventuriers et les alpinistes qui passent des semaines et des mois dans les régions les plus isolées de la planète ont quelques trucs que le randonneur du dimanche peut adapter à sa propre situation.
Frédéric Dion, qui a notamment relié le pôle Sud en ski cerf-volant, aime bien vagabonder en pensées. « Tu fais des liens entre des choses dans ta tête, tu fais le ménage dans le passé, tu fais la paix avec telle personne ou telle situation. Ça peut être hyper riche et hyper souffrant en même temps. »
Il insiste toutefois sur la nécessité de diriger ses réflexions, et non pas de se laisser aller un peu n’importe où. « Pour la personne qui croit qu’elle a la capacité de changer ses pensées, de les orienter, il y a tout un monde qui vient de s’ouvrir. On parle de méditation. »
Il met aussi en branle un petit jeu lorsque les conditions sont trop difficiles, lors d’un ultratrail, par exemple. Il choisit un sujet et le décline selon l’alphabet. « Disons que je prends les prénoms. A. Adélie, c’est ma fille, je pense à elle, je suis heureux. B. C’est mon ami Bertrand, je me demande ce qu’il fait. Au fur et à mesure, tu finis par plonger dans d’autres univers. »
Caroline Côté, qui a accompli un record de vitesse en ski vers le pôle Sud, organise de grandes fêtes dans sa tête. « J’allais célébrer Noël à mon retour. Je pensais aux cadeaux que j’allais acheter, au gâteau que j’allais faire : quel ingrédient faudrait-il acheter ? À quel endroit ? Je le vivais comme si j’étais en train de cuisiner à la maison. »
Nicolas Roux, qui a traversé le Canada du nord au sud au sein de l’expédition AKOR, fait des incursions dans le passé. « J’essaie de reconstituer à quoi ressemblait l’intérieur de mon école primaire : c’était comment quand tu rentrais à gauche ? Il y avait le secrétariat, les toilettes. À quel moment dans ta vie as-tu la disponibilité de faire ça, autrement qu’en expé ? »
Il pense aussi à ses bons coups, à ses échecs.
Tu te trouves à faire des résumés de ta propre vie, tu philosophes, tu pars sur des questions existentielles.
Nicolas Roux, aventurier
Dominic Asselin, un guide de montagne, craint toutefois de tomber dans une boucle sans fin. « Pendant des années, j’avais tendance à régler des problèmes, des choses à faire au bureau ou à la maison. Ça roulait sans cesse, mais je ne réglais jamais rien et à la fin de la journée, j’étais épuisé psychologiquement. »
De la musique dans les oreilles
Maintenant, il glisse un écouteur dans une oreille pour écouter de la musique, pas trop fort pour pouvoir entendre ses clients. « Dans les moments plus critiques où il faut être plus attentif, aux bruits du glacier par exemple, je vais l’enlever. »
Samuel Lalande-Markon, qui a traversé le Québec de l’ouest à l’est et du sud au nord, écoute également de la musique, notamment du classique. « Je peux rentrer dans les grandes œuvres. Dans l’expédition Transboréale, j’ai renoué avec mes premières amours de musique symphonique. J’ai notamment écouté plusieurs fois la 5e symphonie de Mahler, qui est vraiment complexe et dense. Tu pars un album comme ça puis, boum, il y a une heure qui vient de passer. »
Caroline Côté écoute des livres audio, notamment ceux qui ont un lien avec la mer, avec les marins qui étaient livrés à eux-mêmes pendant des mois.
Le fait d’écouter des livres de personnes qui se sentent plus seules que moi, ça me fait du bien.
Caroline Côté, aventurière
Elle écrit également de petits mots à ses proches sur sa balise inReach afin de raconter des situations cocasses.
Frédéric Dion se tourne vers la prise d’images pour rompre la monotonie. « Quand ça devient trop difficile physiquement, j’arrête, je pose la caméra, je fais du cadrage, je passe devant. C’est un moment de repos. »
Les moments difficiles se vivent mieux en groupe, avec blagues, chansons, devinettes. Encore faut-il avoir les bons partenaires !
« Il y a des personnes avec qui c’est le match parfait. Quand j’étais avec Daniel [Barriault] et Jacob [Racine], je pense que n’importe quelle épreuve aurait été une joke », lance Frédéric Dion.
Suggestion vidéo
De la grâce en canot
Le style libre en canot consiste à effectuer des mouvements délicats et esthétiques sur une trame sonore. Marc Ornstein est un des maîtres de cet art.
Chiffre de la semaine
330
C’est le nombre d’hectares que compte le parc-nature du Cap–Saint-Jacques, le plus grand parc de Montréal.