En faisant route entre la Floride et le Québec, peu après sa première rencontre avec Maxime Deschamps à l’été 2019, Deanna Stellato-Dudek ignorait qu’elle ne reverrait pas son pays d’origine pendant près de deux ans. À partir de mars 2020, début de la pandémie de COVID-19, son statut ne lui permettait pas de franchir la frontière et de revenir.

« Je n’avais pas la résidence permanente, a rappelé la native de la banlieue de Chicago. Donc, si je quittais le Canada, je devais abandonner le patinage. J’ai choisi de continuer à patiner et de poursuivre ce rêve. »

Avec pour conséquence qu’elle n’a pas vu sa famille, dont sa mère et sa grand-mère, pendant deux ans.

« Ça n’a pas été une période facile. Mais je voulais pouvoir vivre cette partie de ma vie. Être une athlète ne durera pas pour toujours. J’ai eu beaucoup de regrets après m’être retirée à 16 ans. Quand j’ai recommencé à patiner à 33 ans, je ne voulais pas quitter le sport avec des regrets supplémentaires. Je veux m’assurer que quand j’aurai fini, j’aie le sentiment d’avoir donné chaque once de moi-même et ne pas me dire : “Si j’avais fait ci, si j’avais fait ça ?” »

Sacrifier sa vie familiale pendant un temps est une chose, ne pas pouvoir pratiquer ce pour quoi on le fait en est une autre. La fermeture des arénas a été particulièrement éprouvante pour le couple, sixième à sa première participation aux championnats canadiens. La deuxième vague, l’automne suivant, a été un nouveau coup dur.

Faute d’avoir reçu sa libération d’U.S. Figure Skating pour représenter le Canada, Stellato-Dudek n’a pu profiter de la permission spéciale du gouvernement autorisant les athlètes d’élite à poursuivre leur entraînement. Ils ont trouvé des solutions.

Pendant l’hiver 2021, Deschamps venait la rejoindre tôt le matin à son appartement de Boucherville pour s’exercer sur la patinoire extérieure d’un parc adjacent. Sur une glace approximative, ils n’exécutaient que des éléments qu’ils maîtrisaient, comme les spirales de la mort qui font aujourd’hui leur renommée. Ils ont terminé troisièmes d’une compétition nationale en ligne, mais le statut de Stellato les a empêchés de prendre part à des évènements internationaux.

Deux ans et demi après son arrivée au Canada, Deanna Stellato-Dudek a enfin obtenu sa libération de l’association américaine. Entraîné par Ian Connolly après le départ de Bruno Marcotte pour Toronto, le couple a disputé sa première véritable saison en 2021-2022, enlevant le bronze aux Championnats canadiens et se classant quatrième aux Championnats des quatre continents.

Le potentiel de Stellato et Deschamps a convaincu l’expérimentée entraîneuse Josée Picard de sortir de sa « quasi-retraite », elle qui donnait un coup de main à l’école des Marcotte, d’anciens protégés, à Sainte-Julie.

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L’entraîneuse Josée Picard

« J’ai toujours cru en elle parce que personne n’a autant de volonté », assure celle qui a entre autres mené Isabelle Brasseur et Lloyd Eisler à un titre mondial et à deux médailles olympiques.

« C’est une adulte, alors la communication n’est pas la même. Et elle est plus en forme que toutes les femmes de 23, 24 ans contre qui elle compétitionne. Elle ne patine pas comme quelqu’un de 40 ans. Je n’ai jamais vu ça de ma vie. »

Obstacles

La coach rappelle que Stellato-Dudek a dû apprendre une nouvelle discipline, plus différente qu’il n’y paraît du simple, avec les lancers et leurs impacts, les portés, les spirales, sans compter la nécessité d’ajuster ses sauts au rythme de son partenaire. « J’ai dû travailler ma force du haut du corps », relève la patineuse.

L’adaptation à un nouveau système de pointage – les notes sur 6 ont disparu pour un complexe agrégat de points techniques et artistiques – a représenté un autre défi.

« J’ai toujours gardé mes yeux sur le but à atteindre », expose la patineuse américaine.

Quiconque est un athlète ou démarre une entreprise ne pense jamais aux obstacles qui se trouveront sur son chemin. Tu penses seulement à l’objectif final et à croiser la ligne d’arrivée. Je me suis toujours concentrée là-dessus, même avant ma rencontre avec Maxime.

Deanna Stellato-Dudek

Avec le temps, elle a aussi appris à composer avec le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) avec lequel Deschamps vit depuis l’enfance.

« Ça a été une longue route pour comprendre ses idiosyncrasies liées au TDAH. Maintenant, je peux vraiment bien les lire et savoir dans quel état d’esprit il se trouve. Ça a été un processus d’apprentissage. »

Pour Maxime Deschamps, qui a arrêté la médication à l’âge de 10 ans, ce problème de santé est encore une aventure au quotidien. « J’ai appris à utiliser les outils pour pouvoir le gérer. Je fais des exercices de neurofeedback. À ce jour, ce n’est pas facile. Ça amène parfois de petites difficultés. Il y a beaucoup de hauts et de bas, en particulier quand je suis fatigué, au retour des compétitions. »

Celui qui entraîne de jeunes patineurs souhaite que son témoignage puisse donner de l’espoir à ceux qui vivent avec un TDAH.