La première chose que fait Josée Picard après être entrée dans son bureau, à l’aréna de Sainte-Julie, c’est d’aller chercher la petite chienne maltipoo offerte par Maxime Deschamps à Deanna Stellato-Dudek pour son 40e anniversaire, l’été dernier. La patineuse l’a prénommée Goldy.

En ce lundi printanier de la fin de février, la paire se limite à deux séances de 50 minutes sur la glace, plutôt que les trois habituelles. Plutôt que de nous reléguer aux gradins, Mme Picard invite les deux représentants de La Presse à l’accompagner sur le bord de la bande. « À mon âge, je ne mets plus les patins », sourit-elle.

Stellato-Dudek et Deschamps répètent leur programme court sur la version du Cirque du Soleil d’Oxygène, de Diane Dufresne, un « hommage à Montréal ». « Je voulais quelque chose de québécois pour les Championnats du monde », explique celle qui en est à sa 51e année comme entraîneuse. « Je suis arrivée avec Oxygène, mais le Cirque du Soleil, c’est eux. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Deanna Stellato-Dudek et Maxime Deschamps discutent avec l’entraîneuse Josée Picard.

L’entrevue se déroulera dans une salle où Stellato-Dudek commence son travail de régénération en s’étirant et en massant les muscles de ses jambes avec une balle. « Elle fait trois à quatre heures de récupération chaque jour », révèle Deschamps. Physio, bain de glace, thérapie par ventouses et par lumière rouge, tout y passe.

En français ou en anglais ? Maxime Deschamps propose qu’on s’essaie en français afin de mesurer les progrès de sa partenaire. La maîtrise de la langue de Tremblay par la femme de Chicago est étonnante. Elle comprend l’essentiel des échanges entre le patineur, la coach et le journaliste, et ponctue ses réponses de phrases en français. Son secret : Duolingo, cette application pour l’apprentissage ludique des langues.

« J’étudie chaque jour depuis que je suis arrivée ici. Si je n’essayais pas, je trouve que ce serait un manque de respect pour les Québécois. »

Pour preuve, elle ouvre l’application sur son téléphone, qui révèle une « série » de 1712 jours consécutifs avec au moins une leçon, ce qui nous ramène à juin 2019 !

Faut-il s’étonner qu’elle aborde chaque journée d’entraînement comme si elle était aux Jeux olympiques ?

« On veut être champions ! »

Considéré au mieux comme une curiosité à ses débuts, le couple a prouvé qu’il devait être pris au sérieux l’an dernier. Médaillé d’argent à Skate America, tout juste derrière les champions mondiaux, il a remporté ensuite le Grand Prix de France, se qualifiant pour la finale de Turin où il a conclu à la troisième place. Après un premier titre national, le duo a décroché le bronze aux Quatre continents avant d’aboutir au pied du podium aux derniers Championnats du monde, au Japon.

Ces résultats sont d’autant plus remarquables que Stellato-Dudek a été ralentie par une sérieuse infection respiratoire en plein cœur de la saison. Elle a mis trois mois à s’en défaire, période pendant laquelle la paire a dû réduire la charge à l’entraînement.

« J’ai dû suivre des cours de chant parce que l’une de mes cordes vocales a paralysé, précise-t-elle. Je ne pouvais respirer que par la moitié de ma gorge. J’ai dû m’habituer à respirer par le nez, ce qui n’est pas normal durant une activité cardiovasculaire comme la nôtre. »

Avec l’obtention de sa résidence permanente au printemps, Stellato-Dudek est devenue admissible aux programmes gouvernementaux de soutien aux athlètes. Le meilleur couple canadien peut maintenant compter sur un appui financier et accéder à des professionnels de la santé.

« Comme j’ai été retirée longtemps, j’avais économisé beaucoup d’argent. Pendant un temps, j’ai vécu de ça, jusqu’à ce qu’on commence à gagner des bourses en compétition. »

La prochaine étape est l’obtention de sa citoyenneté canadienne, nécessaire pour une participation aux Jeux olympiques de Milan Cortina, en 2026.

PHOTO GREG BAKER, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Deanna Stellato-Dudek et Maxime Deschamps ont remporté l’or aux Championnats des quatre continents, en février.

Stellato-Dudek et Deschamps ont poursuivi sur leur lancée cette saison, remportant coup sur coup la Classique d’automne à Montréal, les Internationaux Patinage Canada, la Coupe de Chine et les Championnats des quatre continents. À deux reprises, ils ont devancé les champions mondiaux japonais Riku Miara et Ryuchi Kihara. Leur médaille de bronze à la finale du circuit Grand Prix, où ils ont raté l’or par un peu plus de deux points, les a laissés sur leur appétit.

Avec l’appui de la foule montréalaise, leur objectif est clair pour les Mondiaux au Centre Bell. « On veut être champions », affirme Maxime Deschamps sans l’ombre d’une hésitation. Lovée dans la veste de Josée Picard, Goldy a semblé approuver.