Ne pas connaître le contexte de reconstruction du Canadien, un quidam aurait pu s’étonner du caractère décontracté et enjoué du post mortem de la direction, mercredi matin.

Le CH, après tout, rate les séries pour une troisième saison consécutive. Il termine aussi parmi les cinq pires clubs de la LNH pour une troisième année de suite.

Montréal termine au 26e rang pour les buts marqués par match, au 27e rang pour les buts accordés, au 27e rang en supériorité numérique et au 24e rang en infériorité.

Ainsi l’audacieuse question du collègue Simon-Olivier Lorange à cet effet au DG Kent Hughes lors du point de presse était-elle importante. Elle rappelait à l’organisation qu’il y avait des voix plus critiques dans un contexte où l’espoir prend presque toute la place. Elle a aussi permis à Hughes de nous en dire davantage sur les indicateurs internes de l’équipe, entre autres la façon de réagir collectivement aux contre-attaques adverses.

Et malgré la position défavorable au classement, il y a eu amélioration au plan statistique collectivement. Le Canadien a obtenu huit points de plus que la saison précédente. Il a gagné une fois de moins à la régulière, mais a amené le match en prolongation à trois contre trois ou en tirs de barrage dix fois de plus.

Montréal a marqué cinq buts de plus et surtout en a accordé 24 de moins. Les unités spéciales se sont améliorées légèrement. Le taux de succès en supériorité numérique est passé de 16,1 % à 17,5 % et l’infériorité numérique de 72,7 % à 76,5 %.

On a surtout vu de beaux talents éclore. Le capitaine et premier centre Nick Suzuki a atteint des sommets personnels avec 77 points, dont 33 buts. Ses partenaires de trio, Cole Caufield et Juraj Slafkovsky, ont atteint les 65 et 50 points respectivement après une première moitié de saison en demi-teinte. Pour les partisans de l’équipe, habitués à des clubs soporifiques à l’attaque menés par un gardien d’exception, ce n’est pas rien.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Nick Suzuki

Notre columnist Alexandre Pratt fait bien néanmoins de réfréner les ardeurs lui aussi. Les partisans des Red Wings ont été enthousiasmés en 2021-2022 par l’éclosion de deux recrues choisies tôt au repêchage, Moritz Seider et Lucas Raymond.

Detroit est passé proche cette année, non sans avoir embauché une pléiade de vétérans, mais ils rateront les séries pour une huitième année de suite. Ils ont repêché dans le top dix chaque printemps depuis 2017.

Ottawa aussi s’est emballé la saison précédente après une saison de 90 points de Tim Stützle, les 83 points, dont 35 buts, de son ailier Brady Tkachuk, l’entrée en scène convaincante du défenseur Jake Sanderson et les acquisitions de Jakob Chychrun et du gardien Joonas Korpisalo. Les Sénateurs ont obtenu deux maigres points de plus que le CH cet hiver et rateront le détail pour une septième année de suite.

Que dire des Sabres de Buffalo ? Fiche de 42-33-7. Une saison de 94 points de leur centre Tage Thompson, quatre marqueurs de 30 buts ou plus, Thompson, Alex Tuch, Jeff Skinner et Dylan Cozens. La grande éclosion du défenseur Rasmus Dahlin avec 73 points. Buffalo a chuté de sept points au classement et ferme son vestiaire avant le début des éliminatoires pour un treizième printemps de suite.

Tous ne loupent pas leur reconstruction. Les Rangers, bâtis par le VP opérations hockey du Canadien, Jeff Gorton, et souvent cités par celui-ci, en sont la preuve, quoique Panarin et Fox leur est tombé du ciel. Vancouver connaît une saison épatante. Le chemin de croix a été long à Edmonton, mais on semble enfin connaître du succès durable. Idem pour Toronto.

En bref, le CH est sur la bonne voie, mais il n’y a jamais de garantie malgré de jolis progrès. Voici cinq éléments essentiels pour qu’il connaisse du succès durable.

La santé de Kirby Dach

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Kirby Dach

Montréal a besoin d’un deuxième centre pour appuyer Nick Suzuki. Dach, un droitier de 6 pieds 4 pouces et 217 livres, a impressionné à sa première saison à Montréal, en 2022-2023, avec 38 points en 58 matchs, un temps d’utilisation de 22 minutes en moyenne en fin de saison et un fort camp d’entraînement en septembre, mais il a disputé seulement 60 matchs en deux ans, et seulement 18 à sa deuxième année professionnelle, en 2020-2021. Un deuxième centre de haut niveau a manqué cruellement aux Sénateurs et aux Red Wings ces dernières années. Dach, troisième choix au total en 2019, a seulement 23 ans, ne l’oublions pas. Mais il doit être sur la glace, pas en clinique.

L’émergence d’un jeune défenseur de premier plan

Les équipes de tête ont toutes des défenseurs dominants : Hedman à Tampa, Makar au Colorado, Fox à New York, Hughes à Vancouver, Heiskanen à Dallas, McAvoy à Boston. Mike Matheson vient de connaître sa meilleure saison en carrière à 30 ans avec 62 points. Mais aussi une fiche de -24, la pire de l’équipe sur un pied d’égalité avec Brendan Gallagher. Vrai qu’on lui en demande beaucoup, match après match, contre les meilleurs éléments adverses, sans qu’il n’entre dans la catégorie des Hedman et compagnie.

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

Logan Mailloux, Lane Hutson et David Savard

Lane Hutson a laissé une impression favorable après ses deux matchs. Et, si son talent offensif n’est pas à établir, il a été fiable défensivement malgré sa petite taille. David Reinbacher, cinquième choix au total en 2023, a un profil qui pourrait s’apparenter à celui de Moritz Seider. Il est vite devenu un pilier à Laval malgré ses 19 ans.

Kaiden Guhle a montré qu’il pouvait être efficace contre les meilleurs trios adverses, à seulement 21, 22 ans, mais il vient de subir une autre commotion cérébrale. Il est permis de le garder à l’esprit, sans en faire des nuits blanches. Les entraîneurs du CH ont aimé le match de Logan Mailloux, son gabarit imposant, sa robustesse, ses premières passes, l’amélioration de son jeu défensif. Il y a beaucoup de talent à développer, mais encore de l’incertitude. La défense est encore en chantier.

L’arrivée d’un autre attaquant dominant

Kent Hughes a répété mercredi l’importance d’améliorer l’attaque, idéalement avec un autre ailier au gabarit imposant. Montréal semble tenté de repêcher un attaquant en juin. La question ne se posera pas s’il remporte la loterie (ses chances se situent à 8,5 %). L’arrivée d’un surdoué comme Macklin Celebrini accélérerait évidemment le processus. Mais au cinquième rang (24,5 %) ou au sixième (44 %), le CH pourrait s’offrir un Cayden Lindstrom ou Tij Iginla, ou encore de non moins doués Ivan Demidov ou Berkly Catton, mais de plus petits formats. Mais ces garçons de 18 ans n’arriveront pas à maturité avant trois ou quatre ans, sinon plus, et Hughes restera sans doute à l’affût si un ailier dans le début de la vingtaine se libère quelque part ailleurs, dans une transaction semblable à celle de Dach ou Alex Newhook.

L’amélioration de la défense homme à homme

L’entraîneur des défenseurs, Stéphane Robidas, citait en exemple les Hurricanes de la Caroline sur les ondes de BPM sports en fin d’après-midi mercredi. La défense homme à homme du CH, bien qu’hybride dans certains contextes, ne fait pas l’unanimité, mais elle en est à ses balbutiements, rappelle Robidas, et les Hurricanes eux-mêmes ne l’ont pas maîtrisée en criant ciseaux. Il y a eu beaucoup de mouvement de personnel en défense depuis deux ans et la maîtrise de ce système de jeu, qui requiert des défenseurs mobiles et intelligents, ne se fera pas avant d’obtenir un peu de stabilité.

Un gardien solide

Samuel Montembeault a été heureux d’entendre son patron Kent Hughes confirmer son statut de numéro un mercredi. Montembeault, 27 ans, s’est amélioré d’année en année depuis son arrivée avec le Canadien en 2021. Sa moyenne de buts alloués est passée de 3,77 à 3,42, puis à 3,14 cette année. Il a disputé 41 matchs cet hiver, un sommet en carrière, une somme importante compte tenu du ménage à trois.

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Samuel Montembeault

Montembeault n’a évidemment pas atteint le statut de gardien de premier plan dans la LNH, mais il est assez efficace pour assurer une certaine stabilité devant le filet. Il est sous contrat pour trois autres années, à un salaire annuel très raisonnable de 3,1 millions. Voyons si Cayden Primeau, 24 ans, s’améliorera au point de menacer son poste.

De plus jeunes, Jakub Dobes, 22 ans, fumant à Laval en deuxième moitié de saison, et Jacob Fowler, fraîchement repêché, le meilleur gardien de la NCAA, fiche de 36-6-1, moyenne de 2,14 et taux d’arrêts de ,926 à Boston College, pourront se développer à leur rythme.

Ottawa, Detroit et Buffalo ont peiné ces dernières années parce qu’ils n’avaient pas de gardien de qualité, quoique les Sabres semblent enfin avoir trouvé le leur en Ukko-Pekka Luukkonen.

Kucherov superstar

Quelques jours après Connor McDavid, Nikita Kucherov est devenu le cinquième joueur de l’histoire après Wayne Gretzky, Mario Lemieux, Bobby Orr et McDavid à obtenir au moins 100 aides en une saison. Il a désormais 144 points, six de plus que Nathan MacKinnon, en tête des compteurs de la LNH.

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Nikita Kucherov (à gauche)

Kucherov peut parfois être un individu détestable. Ses propos méprisants à l’endroit de Montréal et du Canadien après la conquête de la Coupe Stanley en 2021 étaient navrants. Son manque d’effort flagrant lors du concours d’habiletés au match des étoiles ne l’a pas honoré.

Mais quel joueur de hockey. L’obtention du trophée Hart remis au joueur le plus utile ne constituerait pas un vol, malgré la brillance de MacKinnon et McDavid.

À ne pas manquer

  1. Simon-Olivier Lorange, Alexandre Pratt et Stéphane Waite font le bilan du Canadien dans le balado Sortie de zone animé par Jérémie Rainville.
  2. Les joueurs du Canadien tiennent mordicus à participer aux séries l’an prochain. Guillaume Lefrançois rapporte leur propos en cette journée de bilan mercredi.
  3. Pour sa part, Simon-Olivier Lorange se penche sur l’avenir du Canadien en défense.