Dans le marché montréalais, le mélodrame des gardiens de but est presque élevé au rang de tradition. Ce dossier étant réglé jusqu’à nouvel ordre, ce sont visiblement les défenseurs qui alimenteront les discussions dans un avenir appréciable.

Sur le plan défensif, le Tricolore a connu une saison difficile. À cinq contre cinq, l’équipe a été parmi les pires du circuit pour les chances de marquer accordées. La responsabilité n’incombe évidemment pas qu’aux défenseurs, mais ce sont logiquement eux qui sont sur la ligne de front en cette matière.

Souvent, au cours des sept derniers mois, on a assisté à des scènes de confusion dans le territoire du CH. Le schéma hybride, combinant des couvertures de zone et homme à homme, mérite encore beaucoup de rodage.

Le groupe, on l’a répété des centaines de fois, est jeune. Kaiden Guhle, Justin Barron, Arber Xhekaj et Jordan Harris ont moins de 24 ans. En ajoutant Johnathan Kovacevic, qui est un peu plus vieux, on arrive à un total de 519 matchs d’expérience partagés entre cinq joueurs. À titre comparatif, notons qu’à eux deux, Mike Matheson et David Savard en ont disputé 1419, séries éliminatoires incluses.

Sans égard à l’identité de ses membres, que doit améliorer cette escouade défensive ? « Probablement la maturité », a suggéré Guhle, mardi, avant le match contre les Red Wings de Detroit.

On s’est améliorés en deuxième moitié de saison, ça se voyait dans les matchs. Jamais on n’a senti qu’on était largués, même contre les meilleures équipes. Il faut jouer pendant 60 minutes, de la bonne manière. C’est cliché, mais c’est ce qu’on doit faire pour passer au prochain niveau.

Kaiden Guhle

Mercredi, Mike Matheson a abondé dans le même sens en parlant de « constance », un thème récurrent.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Mike Matheson

« C’est vrai pour toute l’équipe, a-t-il nuancé. C’est la chose la plus difficile à acquérir dans cette ligue. Les jeux arrivent tellement vite, et ce ne sont jamais les mêmes. Plus on sera constants, spécifiquement comme défenseurs, plus ça va nous aider. » Le vétéran s’enorgueillit par ailleurs que son équipe « n’arrête jamais de travailler ».

David Savard, qui a lui aussi parlé aux journalistes mardi, a salué le fait qu’il y a, autour de lui, « de plus en plus de gars prêts à se sacrifier ». Il faudra, selon lui, poursuivre dans cette veine.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

David Savard

Les gars n’ont pas peur de se lancer devant des tirs ou de recevoir de grosses mises en échec. Ce sont des choses qu’on n’aura pas le choix de faire pour rentrer en séries éliminatoires.

David Savard

Abondance

Cela étant, l’identité de la défense évoluera forcément en fonction de ceux qui la composent. Et là, il y a du monde à la messe.

Les huit défenseurs nommés plus haut ont disputé de 44 à 82 matchs en 2023-2024. Lane Hutson et Logan Mailloux ont obtenu de courtes auditions en fin de parcours, mais les deux voudront certainement lutter pour un poste l’automne prochain. Et on parle moins de lui ces jours-ci, mais le choix de premier tour au dernier repêchage, David Reinbacher, ne voudra pas être en reste.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Lane Hutson

Dans sa boule de cristal, David Savard voit un groupe « de jeunes qui font bien circuler la rondelle et qui relancent bien l’attaque », dont certains apprécient particulièrement le jeu plus physique – Xhekaj et Mailloux en tête.

« Un beau mix de jeunes qui vont pouvoir jouer de manière offensive ou physique, selon le match qu’on joue, a-t-il résumé. Il faut continuer à développer ces gars-là, ça va être correct. »

Plus que jamais, il devient clair que le général de cette défense, dans un futur peut-être moins éloigné que l’on croit, sera Kaiden Guhle. L’Albertain a fait des pas de géant au cours de la dernière année, et à sa deuxième saison seulement dans la LNH, c’est lui que Martin St-Louis envoyait dans la mêlée pour contrer les meilleurs attaquants du monde, Connor McDavid et Nathan MacKinnon en tête.

« C’est le fun de voir sa progression, mais je pense qu’il a encore beaucoup de place pour s’améliorer, a dit David Savard. Je pense qu’on n’a pas encore vu son plafond. »

Le même Guhle, malgré ses 22 ans, s’est dit « prêt » à accepter un rôle de leadership accru, si d’aventure Hutson, Mailloux ou un autre perçait la formation en octobre.

« Il n’y a pas longtemps, j’étais dans leurs souliers, a-t-il rappelé. Je ressentais la même nervosité qu’eux, la même pression. Je suis prêt à relever le défi de les accueillir et de leur rendre la vie plus facile. »

Dans tous les cas, la compétition interne sera élevée. Le directeur général Kent Hughes a révélé en point de presse que des agents de défenseurs de l’organisation, conscients de la congestion à cette position, l’avaient déjà appelé pour connaître la place de leurs clients dans les plans de l’équipe.

À tous ceux qui lui ont posé la question, Hughes a répondu qu’il était « trop tôt », à ses yeux, pour décider de qui restera et qui partira. « Aucun défenseur ne partira pour l’été dans l’attente d’être échangé », a-t-il précisé. On présume que la revue de l’effectif se mettra rapidement en branle, et qu’on identifiera soit les hommes en trop, soit ceux qu’on serait prêt à sacrifier dans une transaction.

On ne peut prédire avec exactitude de quoi aura l’air la défense du Canadien au prochain camp d’entraînement. Ce qu’on sait, toutefois, c’est qu’il s’agira d’un dossier sous haute surveillance d’ici là.

En bref

Gallagher : un regain après sa suspension

Il est assez ironique, comme l’a souligné Brendan Gallagher, de constater que la suspension dont il a écopé en janvier est devenue une occasion de relancer sa saison. Le vétéran a dû réfléchir pendant cinq matchs après avoir asséné un coup de coude à la tête d’Adam Pelech, des Islanders de New York. Sa punition a été rallongée du fait qu’elle coïncidait avec la semaine de congé hivernale du CH. À son retour, Gallagher a amassé 15 points, dont huit buts, en 29 matchs. Avant la suspension, il avait 16 points en 48 rencontres, mais présentait surtout un différentiel de -24. « J’ai pu passer du temps avec notre entraîneur d’habiletés, parler avec Martin St-Louis et cibler des éléments à travailler », a raconté Gallagher, mardi. Le recul, dit-il, lui a permis de mieux calibrer son jeu. Le numéro 11 est aussi heureux d’avoir su rester en santé pendant toute la campagne, ce qui ne lui était pas arrivé depuis 2018-2019. Il regarde l’avenir avec optimisme. « Je crois pouvoir être un bon joueur dans cette ligue et contribuer aux succès de l’équipe », a-t-il résumé.

Alex Newhook, joueur de centre

Alex Newhook s’est amené chez le Canadien avec la bonne vieille étiquette en forme de question : « Centre ou ailier ? » Il a amorcé la saison à l’aile, a rapidement été muté au centre après que Kirby Dach s’est blessé et est retourné à l’aile quand Christian Dvorak a été en mesure de jouer. Il s’est ensuite lui-même blessé et, à son retour, il est devenu centre à temps plein puisque Sean Monahan avait été échangé. On pourrait croire que le feuilleton est terminé, mais un instant ! À moins d’une transaction, il y aura cinq joueurs de centre au prochain camp d’entraînement, avec Dach, Dvorak, Nick Suzuki et Jake Evans. Cela importe toutefois peu à Newhook, qui se dit « heureux d’avoir embrassé ce rôle quand c’était [son] tour d’en donner davantage », mais qui est surtout fier d’avoir « prouvé [qu’il] peut être fiable chaque soir ». Du reste, « je vais jouer n’importe où », dit-il. Le Terre-Neuvien, en s’affirmant comme joueur de centre, a par ailleurs vu son efficacité au cercle de mise au jeu monter considérablement en deuxième moitié de saison.

Jake Evans se voit à Montréal longtemps

Jake Evans est l’un des rares joueurs actuels du CH qui écoulera la dernière année de son contrat la saison prochaine. Cette situation coïncidera avec son retour probable sur un trio de soutien, alors qu’il a joué un rôle plus offensif en 2023-2024, et avec un possible surplus de joueurs de centre. Il ne semble toutefois se formaliser de rien de tout cela. La congestion au centre « est un heureux problème », croit Evans. L’Ontarien a rappelé qu’il n’avait jamais été celui qui avait le plus gros ego et qu’il appréciait les missions défensives qu’on lui confie, notamment en désavantage numérique. Autrement, on verra bien comment la situation évolue, mais il ne semble pas pressé de tester le marché des joueurs autonomes. « Je veux être ici pour longtemps, a-t-il assuré. J’adore jouer ici. J’aime où s’en va cette équipe et je veux en faire partie. »

Un rôle à définir pour Harvey-Pinard

Rafaël Harvey-Pinard a connu une saison décevante sur plusieurs plans. Deux blessures à la même jambe lui ont fait rater 37 matchs, et il a été limité à deux buts. Il a aussi été ballotté entre tous les trios, y compris quelques matchs à la droite de Cole Caufield et Nick Suzuki. Quel sera son rôle à long terme dans la LNH ? Ce n’est pas encore clair, et ce flou ne déplaît pas au Saguenéen. « Je me vois dans un rôle plus défensif, a-t-il dit d’emblée. C’est quelque chose dont on a parlé avec Martin [St-Louis] : je peux jouer sur le quatrième trio, mais s’il se passe de quoi, je peux patcher des trous sur d’autres lignes. Je pense que je suis capable de le faire, je l’ai fait par le passé. » Au rayon des éléments positifs, notons que ses ennuis offensifs n’ont visiblement pas ébranlé la perception de ses entraîneurs, puisque Harvey-Pinard n’a jamais été laissé de côté lorsqu’il était en santé – on ne saurait en dire autant de Jesse Ylönen, de Michael Pezzetta et de Tanner Pearson. « C’est une belle marque de confiance, a estimé l’ailier. Je pense que je suis quelqu’un qui fait bien les détails sur la patinoire, surtout défensivement. Je ne mets pas l’équipe à risque. C’est en partie pour ça que je suis resté dans la formation. »