Nous sommes à la mi-janvier et le Canadien est déjà loin. Trop de retard au classement. Trop d’adversaires à devancer. Trop de joueurs blessés. Conséquence : pour le troisième hiver de suite, le Tricolore sera vendeur d’ici la date limite des transactions, le 8 mars.

Mais est-ce un bon moment pour vendre ?

Comme la voyante dans STAT qui a perdu son troisième œil, les oracles sont confus. Pendant l’hiver 2022, le directeur général Kent Hughes avait fait des affaires en or. L’hiver dernier ? Non. Seulement trois petites transactions, dont il ne reste à Montréal qu’un choix de 5e tour. C’est que le CH s’était retrouvé au cœur d’un bazar inhabituel, où l’offre excédait la demande. Tellement de clubs en reconstruction bradaient leurs joueurs que les prix avaient chuté de façon draconienne.

Ce scénario pourrait se reproduire dans les prochaines semaines. Au moins huit équipes – dont le Canadien – ont moins de 5 % de chances de participer aux séries. Deux autres s’en approchent. C’est donc le tiers de la LNH qui pourrait se retrouver du côté des vendeurs. Ça fait beaucoup de monde. Sauf qu’au sein de ce groupe, il y a des clubs qui ont déjà liquidé leurs meilleurs vétérans, et d’autres qui espèrent mettre fin à leur reconstruction. Ça pourrait être de bonnes nouvelles pour le CH.

Selon Kent Hughes, le marché favorisera-t-il les acheteurs ou les vendeurs ?

« C’est trop tôt pour le dire », a-t-il répondu, lundi, lors de son bilan de mi-saison. Le DG du Canadien a souligné le resserrement du classement dans l’Ouest, où 12 équipes peuvent espérer participer aux séries. « L’année dernière, on a vu à la dernière minute que Nashville et Washington sont devenus des vendeurs, et que Calgary a décidé de ne pas être un acheteur. Ça s’est vraiment passé dans la dernière semaine. Pour nous, c’est toujours le même plan. On ne déviera pas de celui-ci. Tout ce qu’on va faire, ce sera pour améliorer notre équipe dans le futur. »

Il est possible que d’ici mars, des équipes rejoignent le groupe des vendeurs. Notamment les Flames de Calgary et les Sénateurs d’Ottawa. Il y a aussi un risque que des joueurs du Canadien se blessent et qu’ils doivent être retirés du marché. Kent Hughes n’est pas pressé pour autant de transiger rapidement. « C’est un équilibre. Les autres équipes attendent, elles aussi. Normalement, les acheteurs ont une liste de souhaits. Lorsque tu cherches un joueur de centre, il y a peut-être [un joueur] classé numéro un sur la liste. Les équipes n’iront pas au deuxième [nom] avant de savoir où ira le premier. »

Dans les circonstances, quels joueurs du Canadien sont les plus susceptibles de terminer la saison ailleurs qu’à Montréal ? Analysons l’effectif par position.

Les gardiens

Kent Hughes ne s’en cache pas, il veut échanger un gardien – sûrement Jake Allen. « Le plan n’était pas d’avoir trois gardiens pour la saison complète. Ce n’est pas encore le plan. Mais je ne peux pas vous dire à 100 % que c’est certain qu’on fera un échange. »

Le problème, c’est la charge d’Allen sur le plafond salarial. Près de quatre millions, pour une autre saison. Ça en fait l’un des 25 gardiens les mieux payés de la ligue. C’est trop d’argent pour un gardien substitut de son calibre.

Le CH pourrait absorber une partie de son salaire. Kent Hughes peut faire ce tour de passe-passe encore une fois d’ici le 1er juillet. Par contre, ça limiterait ses options pour réaliser une transaction majeure au repêchage. Un pensez-y-bien.

Depuis le début de la saison, les équipes aux prises avec des gardiens blessés se sont toutes retournées vers leurs filiales ou le ballottage. Il y a donc de bonnes chances que le ménage à trois se poursuive jusqu’au dernier match.

Les défenseurs

Il y a plus de monde ici qu’à la messe. Et plus les mois passeront, plus les décisions seront difficiles.

Quelque part la saison prochaine, Kaiden Guhle, Justin Barron et Jayden Struble devraient rejoindre Michael Matheson, David Savard, Jordan Harris et Johnathan Kovacevic dans le groupe de joueurs que le Canadien devra protéger du ballottage. En parallèle, Arber Xhekaj, Logan Mailloux, Lane Hutson, David Reinbacher, William Trudeau et Adam Engström vont réclamer une chaise. Joli goulot d’étranglement.

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David Savard

« À terme, le ballottage peut vous forcer la main », a expliqué Kent Hughes.

Le Canadien aurait intérêt à échanger un défenseur contre un attaquant, comme il l’a fait en 2022, en laissant partir Alexander Romanov pour acquérir Kirby Dach. Personne n’avait anticipé ce geste. Romanov, 22 ans, jouait autant à l’époque (20 minutes par match) que Guhle cette saison.

« Lorsque nous aurons l’occasion d’équilibrer [notre formation], nous le ferons », a indiqué Hughes. « Est-ce que je sens que nous avons le fusil sur la tempe pour le faire dès maintenant ? Non. »

La suite dépendra beaucoup des adversaires du CH. Si les Flames, les Sénateurs et les Blues de St. Louis décident d’échanger des défenseurs (Noah Hanifin, Chris Tanev, Colton Parayko, Jakob Chychrun), le Canadien aura peut-être intérêt à attendre au repêchage. Autrement, David Savard, qui possède un contrat raisonnable, pourrait s’avérer une bonne option pour un club à la recherche de renforts.

Les attaquants

Selon TSN, le CH et Sean Monahan ont conclu une entente de principe pour que le joueur de centre soit échangé à un club aspirant aux séries lorsque l’occasion s’y prêtera. Questionné sur la véracité de cette affirmation, Kent Hughes a patiné avec autant d’élégance que Joannie Rochette aux Jeux olympiques.

« Généralement, lorsque vous discutez d’une entente d’un an avec un joueur, et que vous convainquez ce joueur de venir dans une équipe en construction comme la nôtre, le joueur évalue ses opportunités. Vous venez pour obtenir un nouveau départ, après plusieurs saisons marquées par des blessures. Vous désirez vous rétablir, mais aussi avoir du temps de jeu. Voyons où nous en serons à la date limite des échanges. »

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Sean Monahan

Traduction libre : à moins d’une blessure, Monahan sera échangé.

Dans ce cas-ci, le Canadien se retrouve dans une position avantageuse. Pour le moment, à part Elias Lindholm, peu de centres de qualité sont au cœur des rumeurs de transaction. Le contrat de Monahan (2 millions) s’insère très bien sous le plafond salarial. Peut-il rapporter un choix de premier tour ou l’équivalent ?

Je le crois. D’autant que les équipes de tête ont presque toutes conservé leur choix de premier tour. Après, est-ce que le CH veut continuer d’accumuler des choix ? Pas sûr. Il en a déjà 11 pour chacune des deux prochaines séances. C’est énorme. Kent Hughes a d’ailleurs laissé entendre qu’il comptait se servir de ses choix pour se procurer des joueurs un peu plus vieux.

À terme, le Canadien devra acquérir au moins un attaquant d’impact. Peut-être même deux. La meilleure façon d’y parvenir, autrement qu’en repêchant parmi les cinq premiers, ce sera en combinant des choix, des espoirs ou un défenseur, comme les Ducks d’Anaheim viennent de le faire pour acquérir Cutter Gauthier. Mais de façon réaliste, dans le marché actuel, ses chances de succès seront meilleures à l’été que cet hiver.