Cinq à sept millions de dollars. C’est ce que le gouvernement du Québec allongera pour accueillir deux matchs présaison de la Ligue nationale de hockey au Centre Vidéotron, en octobre 2024. Ça vous scandalise ? Attendez. Il y a pire.

Lisez l’article de Tommy Chouinard « Québec accorde de 5 à 7 millions pour la visite des Kings à Québec »

J’ai appris qu’il y a eu une autre proposition sur la table.

Un projet qui n’aurait absolument rien coûté à l’État.

Un match préparatoire du Canadien.

L’information m’a été confirmée par la présidente, sports et divertissement, du Groupe CH, France Margaret Bélanger. Le Tricolore désirait retourner à Québec à l’automne 2024, après une absence de six ans. Le plan était simple : louer le Centre Vidéotron et agir comme promoteur. Aucune subvention n’allait être nécessaire. « On leur a demandé pour l’an prochain. Ils nous ont dit non. »

Qui, « ils » ?

Les patrons de Gestev, la filiale de Québecor qui gère le Centre Vidéotron et qui a conclu l’entente avec le gouvernement pour attirer les Kings de Los Angeles, les Bruins de Boston et les Panthers de la Floride. Radio-Canada a rapporté mardi soir qu’un contrat d’exclusivité avec les Kings était déjà signé lorsque le Canadien a offert d’organiser une partie sans l’aide de l’État.

Je résume : la ville de Québec aurait pu présenter sans frais un match du Canadien. Le gouvernement a plutôt investi entre 5 et 7 millions de notre argent pour compenser trois clubs d’ailleurs qui appartiennent à des milliardaires. Tout ça, moins d’une semaine après nous avoir prévenus que les prochains mois seront difficiles.

Ce n’est plus juste maladroit.

C’est indécent.

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Le gouvernement du Québec n’est évidemment pas le premier État à allonger des millions pour présenter des évènements sportifs. Tout le monde le fait. Les exemples locaux abondent, des régates de Salaberry-de-Valleyfield aux Grands Prix cyclistes de Québec et Montréal. Ça ne m’offusque pas, tant que ça reste raisonnable.

Justement, est-ce qu’une aide de 5 à 7 millions pour deux matchs présaison, c’est raisonnable ? Le ministre des Finances, Eric Girard, estime que oui. « C’est cohérent avec ce qu’on fait pour d’autres évènements sportifs d’envergure, comme la Coupe Memorial, la Coupe des Présidents au golf ou la Formule 1. » Je suis en désaccord. Tant d’argent public pour des matchs sans enjeu de la LNH, c’est inhabituel.

J’ai demandé à France Margaret Bélanger si le gouvernement avait participé au montage financier des parties disputées par le Canadien à Québec, dans le passé. En 2018, par exemple.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

France Margaret Bélanger

« Non. C’est gratuit, dans le sens qu’on transporte notre partie là-bas. C’est notre produit, on fait notre propre vente de billets, on paye nos taxes. » Elle m’a précisé que le gouvernement n’avait versé aucune subvention pour les parties présaison des Blue Jays de Toronto au Stade olympique, ainsi que pour celles de la NBA au Centre Bell, auxquelles son groupe a participé.

Le comparatif avec la F1 et la Coupe des Présidents est également difficile à justifier. Le Grand Prix du Canada est une vitrine touristique exceptionnelle. Le taux d’occupation des hôtels à Montréal dépasse alors 96 %, avec un prix moyen de 500 $ la nuitée. La Coupe des Présidents est un évènement populaire. La journée finale de la dernière édition a été regardée par 1,89 million d’Américains. C’est un meilleur auditoire aux États-Unis que les deux dernières classiques hivernales de la LNH. Deux matchs préparatoires des Kings ne peuvent que souffrir de cette comparaison. Les retombées touristiques et médiatiques seront presque nulles.

Vous ne me croyez pas ?

Alors je vous propose un petit jeu. Nommez-moi les villes dans lesquelles ont eu lieu les matchs présaison suivants cet automne :

  • Sénateurs d’Ottawa – Penguins de Pittsburgh
  • Stars de Dallas – Blues de St. Louis
  • Kings de Los Angeles – Sharks de San Jose
  • Coyotes de l’Arizona – Blues de St. Louis

Ces matchs vous ont-ils fortement marqué ?

C’est bien ce que je pensais. Vous trouverez les réponses à la fin de cette chronique.

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Si au moins ces deux matchs représentaient un test pour évaluer le marché de Québec en vue d’un déménagement de franchise ou d’une expansion, la Coalition avenir Québec aurait un argumentaire plus solide. Mais non. C’est exclu d’emblée.

« Il n’y a pas de signal pour la LNH, a reconnu le ministre Eric Girard. [Ce sera] une semaine de hockey pour les gens de Québec. Je vois ça plus comme une célébration du hockey. Peut-être aurons-nous l’occasion de faire des évènements autour de la présence des Kings pour le hockey mineur, le hockey universitaire ou le hockey féminin. […] Les Kings, c’est le fun. Ils ont des joueurs québécois. Luc Robitaille [est leur président]. Il faut être clair. Si le président des Kings n’est pas un Québécois, ils ne viennent probablement pas ici. »

À propos des Kings, une petite note sur leurs actionnaires, qui profiteront de notre généreuse contribution financière. Philip Anschutz est sur la liste des 400 personnes les plus riches selon Forbes depuis 1982. Son surnom ? « The Man Who Owns L. A. » L’homme qui possède Los Angeles. Sa fortune est évaluée à 11 milliards US. Son partenaire minoritaire, Edward Roski, a des actifs de 6,1 milliards US. Les Bruins de Boston et les Panthers de la Floride, eux aussi la propriété de milliardaires, devraient également être dédommagés pour leur déplacement, si la coutume est respectée.

Sans vouloir verser dans la démagogie, je dois souligner qu’en parallèle, des dizaines de municipalités d’ici attendent une aide financière de Québec pour construire ou rénover un centre sportif. « Le ministère a reçu un très grand nombre de demandes, dépassant largement l’enveloppe financière disponible pour le programme », peut-on lire dans un document obtenu par La Presse à l’été 2022.

Désolé, les coffres sont vides.

Sauf pour la LNH.

Réponses, dans l’ordre : Halifax, Independence (Missouri), Salt Lake City et Wichita.