Cette nouvelle tombe comme un orage imprévu. Des membres du Comité international olympique (CIO) proposent de modifier la charte de l’organisme pour permettre à Thomas Bach d’en demeurer le président au-delà de la limite prévue.

Si l’initiative va de l’avant, ce sera un immense recul sur le plan de la gouvernance. Après la trop longue présidence de Juan Antonio Samaranch (20 ans), le CIO a jugé bon de se moderniser à ce chapitre : les futurs présidents seraient limités à deux mandats totalisant 12 ans.

Bach connaissait les règles lorsqu’il a obtenu le boulot, en septembre 2013. Il doit tirer sa révérence en 2025, mais comme plusieurs chefs, tout indique qu’il se considère désormais comme indispensable. Comme si, sans son leadership éclairé, il n’y avait point de salut pour le mouvement olympique ! J’imagine qu’à force de brasser des affaires avec des autocrates (le Russe Vladimir Poutine et le Chinois Xi Jinping), il a pris quelques notes.

Ce coup de force des alliés de Bach s’est produit lors de la session du CIO à Bombay, en Inde, qui prend fin ce mardi. Des membres ont évoqué publiquement l’idée de lui accorder un mandat additionnel de quatre ans. Bach aurait pu écarter la possibilité sur-le-champ. Il ne l’a pas fait, remerciant plutôt ceux qui l’ont ainsi appuyé.

Bach a-t-il été consulté avant que cette proposition soit lancée ? Rien ne le prouve, mais il faudrait être naïf pour croire le contraire. Tout cela ressemble plutôt à une opération soigneusement planifiée.

En point de presse, lundi, Bach a déclaré : « C’est humain, j’ai été vraiment touché […] Pour cette raison, c’est une question de respect et de relations personnelles de ne pas balayer un tel signe de soutien. »

Les limites de mandat sont pourtant essentielles aux principes de bonne gouvernance. Elles permettent l’émergence de nouvelles idées et évitent qu’une personne, au fil du temps, en vienne à dominer entièrement un organisme, ce qui empêche un débat sain.

Plusieurs fédérations sportives internationales ont vécu cette situation. Celle de hockey sur glace, à l’époque de René Fasel, en a constitué un exemple éloquent. C’est toujours un problème lorsqu’un dirigeant estime que sa présence est ab-so-lu-ment essentielle à la bonne marche d’un organisme.

La question n’est pas de savoir si Bach est efficace ou non à la tête du CIO. Dans un contexte géopolitique exigeant, il fait de son mieux, avec de bons et de moins bons coups. Reconnaissons aussi qu’il est cohérent dans ses prises de position, même si on est en désaccord avec lui.

Mais la question n’est pas là. L’enjeu, c’est de respecter les règles de gouvernance qui ont été adoptées pour les bonnes raisons. Si Bach s’accroche au pouvoir, tout le CIO perdra en crédibilité. Et ressemblera de plus en plus à ces pays où les leaders changent les règles pour s’accrocher à leur poste.

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Au-delà de l’avenir de Bach, les nouvelles abondent en olympisme.

Commençons par le sport. Les Jeux d’été de Los Angeles 2028 en accueilleront cinq nouveaux : baseball/softball, lacrosse, cricket, squash et flag football.

Pour le baseball/softball, c’est le yoyo habituel. Ils étaient au programme de Tokyo en 2021, mais ne seront pas à ceux de Paris l’été prochain. Un jour ou l’autre, il faudra statuer pour de bon. Le sport olympique trouve aussi son sens dans la durée.

La surprise est l’ajout du flag football, un sport parrainé par la puissante NFL. Le commissaire Roger Goodell a applaudi la nouvelle. Son circuit estime que 20 millions de personnes dans 100 pays pratiquent ce sport. On jouera deux demies de 20 minutes à cinq contre cinq.

PHOTO JOHN LOCHER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le flag football fera partie du programme des Jeux olympiques de 2028 à Los Angeles.

Quant au cricket, soyons rassurés : la version retenue est le T20, avec des matchs de moins de trois heures. Tout cela signifie que le breaking (breakdance), inscrit aux Jeux de Paris l’été prochain, aura connu une courte carrière olympique.

Le pentathlon moderne a aussi assuré sa survie. Le volet hippique, qui a causé une controverse aux Jeux de Tokyo après qu’une concurrente eut frappé un cheval, sera remplacé par une course à pied avec obstacles.

Aucune décision n’a encore été prise pour la boxe, une discipline aux prises avec un énorme problème de gouvernance. L’haltérophilie a sauvé sa place en se pliant à une nouvelle politique en matière de contrôles antidopage.

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Avec des Jeux à Paris l’été prochain, à Los Angeles en 2028, à Brisbane (Australie) en 2032 et plusieurs pays – dont l’Inde – intéressés à ceux de 2036, le CIO est bien positionné pour son volet estival.

Les Jeux d’hiver demeurent cependant un problème. Ceux de 2026 auront lieu à Milan/Cortina d’Ampezzo, mais l’incertitude demeure pour la suite.

Le CIO attribuera ceux de 2030 et de 2034 au même moment l’an prochain. La France, la Suisse et la Suède sont des candidates probables pour les premiers, et les États-Unis (Salt Lake City) pour les seconds.

Il est cependant évident que les Jeux d’hiver sont en voie de changement. L’annonce par le comité organisateur de Cortina d’Ampezzo que les épreuves de bobsleigh, de luge et de skeleton ne seront pas tenues en Italie en fournit une nouvelle preuve.

Le projet de construction d’une piste a suscité une forte opposition pour des motifs environnementaux et financiers. Tout indique que ces épreuves seront déplacées à Innsbruck, en Autriche. Selon le site Inside The Games, ce sera la première fois que des épreuves olympiques d’hiver ne seront pas présentées dans le pays hôte.

Ce problème se reproduira sans doute dans l’avenir et il faudra s’interroger sur le maintien de ces trois disciplines au programme olympique.

Le CIO n’en est pas là. Mais déjà, Bach affirme qu’à partir de 2040, seuls dix pays dans le monde pourront accueillir des Jeux d’hiver en raison des changements climatiques. Cela signifie que le modèle traditionnel d’attribution des Jeux d’hiver tire à sa fin. L’idée d’établir une rotation entre deux ou trois pays, de manière à maximiser l’utilisation des installations, est même avancée.

Bach rêve sûrement de diriger cette réflexion. Mais s’il respecte la Charte olympique, il rejettera cette très mauvaise idée de s’accrocher au pouvoir et quittera son poste comme prévu en 2025.

Sources : Agence France-Presse, Associated Press, Inside The Games, Reuters