Montréal a un je-ne-sais-quoi pour les débats de gardiens de but. Patrick Roy ou Brian Hayward ? Jeff Hackett ou José Théodore ? Jaroslav Halak ou Carey Price ?

Le dernier épisode du feuilleton met en vedette Jake Allen et Samuel Montembeault. Si on se fie aux statistiques de la saison dernière, Montembeault devrait indéniablement être le gardien numéro un de l’organisation. En plus, il a brillé devant les filets de l’équipe canadienne au Championnat du monde. Mais après un camp d’entraînement cahin-caha, la direction a refusé d’officialiser son statut. Même qu’elle lui a préféré Allen pour la première partie de la saison, face aux Maple Leafs, à Toronto.

Vous connaissez la suite : Allen a mal paru en accordant deux mauvais buts, dans une défaite de 6-5 en tirs de barrage.

Montembeault a donc obtenu le départ suivant. Le premier de la saison du Canadien à Montréal, samedi soir. « J’étais nerveux », nous a-t-il confié. D’autant qu’il n’avait pas joué depuis sept jours. « Ça m’a donné une semaine pour me préparer, pour travailler sur des choses. J’ai fait de la vidéo avec Éric [Raymond, l’entraîneur des gardiens]. On sentait qu’il manquait certaines choses pour que mon exécution soit meilleure. »

Ces séances ont porté leurs fruits.

Samuel Montembeault a été étincelant. Vingt-huit arrêts et trois buts sauvés, dans une courte victoire de 3-2 face aux Blackhawks de Chicago.

Bon, c’est vrai, les Hawks ne sont pas exactement le Canadien des années 1950. Ni les Red Wings des années 1990. Enlevez le prodige Connor Bedard de leur alignement, et c’est peut-être le pire adversaire sur papier de la dernière décennie. Sauf que les joueurs du Tricolore, fidèles à leurs mauvaises habitudes, s’assuraient que le banc des punitions restait toujours au chaud pour la personne suivante. Conséquence : Montembeault a dû affronter l’avantage numérique des Blackhawks pendant 10 min 24 s. C’est long. Très long. Surtout lorsque la rondelle se retrouve sur la palette du bâton de Connor Bedard.

Tous les 10-15 ans, un joueur s’impose dans la Ligue nationale grâce à un atout exceptionnel. Pensez à Wayne Gretzky et sa vision du jeu. À Mario Lemieux et sa capacité à contrôler la rondelle. À Connor McDavid et son accélération. La force de Connor Bedard ? C’est son tir balayé, dont il est capable de modifier l’angle pendant qu’il est en mouvement. « Auston Matthews est aussi comme ça », fait remarquer Montembeault.

Comme gardien, si tu t’établis trop rapidement, il va en profiter et changer son angle. Cole [Caufield] est vraiment bon lui aussi pour ça. Contre des joueurs comme ça, il ne faut pas que tes pieds soient fixés trop vite.

Samuel Montembeault

Bedard a cadré cinq tirs, dont un très difficile à arrêter, en deuxième période. Montembeault l’a bloqué in extremis avec sa mitaine. « Il a failli m’avoir cette fois-là. » Le Québécois a aussi réalisé un arrêt spectaculaire contre Corey Perry, bien positionné dans l’enclave. Le gardien du Canadien s’est étiré de tout son long, tel Andrés Galarraga, pour réussir le grand écart et empêcher l’ailier des Hawks de compter.

« C’était un bel arrêt, même si j’ai été un peu impatient. Éric [Raymond] va sûrement me le dire quand on va regarder le match sur vidéo. Quand Perry a reçu la rondelle, je me suis tout de suite mis à genoux. Mais c’était difficile de deviner s’il allait tirer rapidement ou essayer de me contourner. »

Selon le site Evolving Hockey, qui additionne les probabilités de réussite de chaque tir en fonction de leur qualité et de leur provenance, les Blackhawks auraient dû inscrire 5,25 buts samedi soir. C’est donc dire que Samuel Montembeault en a sauvé trois. Pour une seule partie, c’est un résultat remarquable. Pour vous donner un ordre de grandeur, dans toute la saison dernière, il a « sauvé » 12 buts en 40 parties.

Samuel Montembeault a donc remporté haut la main le premier épisode du duel des gardiens. Et s’il parvient à aligner quelques départs consécutifs comme celui de samedi, on n’aura pas à attendre très longtemps pour deviner le punch du feuilleton.

Le gardien numéro un, ce sera lui.