Samedi, j’ai écrit sur les statistiques sportives les plus surévaluées. La chronique prenait fin sur un appel à tous, auquel vous avez répondu avec enthousiasme.

Deux constats.

Primo, vous adorez les stats – surtout celles qui vous font bien paraître dans votre ligue de garage. J’ai compris, pas touche à la deuxième mention d’aide. « Même que dans les années 1930, la LNH décernait jusqu’à trois aides par but », m’a rappelé un gentil lecteur.

Deuxio, vous adorez les stats – mais pas toutes. Vous m’avez transmis des griefs contre une quarantaine de stats différentes. Vos plaidoyers étaient convaincants. Vos arguments, solides. Beaucoup de grain à moudre dans vos propositions. En voici sept.

Les victoires (bis)

Samedi, j’ai expliqué pourquoi les victoires des lanceurs, au baseball, sont surestimées. Plusieurs lecteurs m’ont souligné que la même logique s’applique pour les victoires des gardiens de but et des quarts-arrière.

Pierre Allard : « On comptabilise les victoires et les défaites pour les gardiens de but. En quoi ces données sont-elles pertinentes ? Pourquoi le gardien est-il le seul joueur pour qui ces statistiques sont disponibles ? Le gardien n’est pas plus responsable d’une défaite (ou d’une victoire) qu’un autre joueur. Au hockey, on gagne en équipe, on perd en équipe. »

« Si l’équipe devant le gardien ne performe pas, ajoute Martin St-Georges, c’est certain que ce sera difficile pour lui d’obtenir de beaux résultats. »

Devinez quoi ? Il existe une statistique pour mesurer cela. Le soutien offensif.

Prenons deux gardiens comparables, Jack Campbell (3,41/,888) et Petr Mrazek (3,66/,894). Lorsque Campbell était en action, ses coéquipiers des Oilers d’Edmonton ont compté en moyenne 4,20 buts par match. À l’opposé, les coéquipiers de Mrazek, avec les Blackhawks de Chicago, ont inscrit 2 buts de moins par rencontre (2,24). Sans surprise, Campbell a terminé la saison avec une fiche gagnante (21-9-4) et Mrazek, avec une fiche perdante (10-22-3).

Les mises en jeu

Tous les entraîneurs de hockey consultent les statistiques de mises en jeu. C’est une phase cruciale de l’action, qui décide si une équipe possédera la rondelle – ou la pourchassera. « Oui, c’est très important de gagner les mises en jeu, convient Sébastien Guilbault. Mais la statistique elle-même est impertinente, car elle diverge très peu du 50 %. »

Vérification faite : M. Guilbault a raison. Les trois quarts des centres de la LNH affichent un taux de réussite entre 45 % et 55 %. Et si on se concentre sur les extrêmes, il n’y a que quatre joueurs à plus de 60 %, et deux centres à moins de 40 % (500 mises en jeu minimum). « On parle ici d’un swing d’une ou deux mises en jeu par match tout au plus. Cette statistique est mentionnée ad nauseam par les analystes. Elle est binaire, donc simple à comprendre et à analyser. Mais un vrai statisticien nous dirait probablement que le résultat est essentiellement aléatoire […] pour la très, très grande majorité des joueurs. »

Les points produits

Une statistique controversée au sein de la communauté des statisticiens. « Ça peut démontrer la capacité d’un joueur à produire lorsqu’il y a des coureurs sur les buts, écrit Alexis Desrosiers-Michaud. Mais cette statistique dépend surtout de la capacité des frappeurs précédents à se rendre sur lesdits buts. Pour évaluer un joueur dans cette situation, je préfère regarder la moyenne avec des coureurs en position de marquer, et de manière générale, la moyenne de présence sur les buts ou la moyenne de puissance. »

PHOTO ASHLEY LANDIS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Mike Trout (à droite) reçoit les félicitations de ses coéquipiers des Angels de Los Angeles après avoir frappé un circuit de trois points contre les Blue Jays de Toronto.

Une autre option, c’est l’OBI %, pour « Others Batted In ». Le concept est super simple : on prend les points produits par un frappeur et on les divise par le nombre total de coureurs qui étaient sur les sentiers lors de ses présences au bâton. Donc si Mike Trout fait rentrer 30 des 100 coureurs dont il a hérité, son OBI % sera de 30 %.

Les tirs au but

« Je ne suis pas un grand fan des tirs au hockey, écrit Vincent Poirier. On les affiche tout le temps à l’écran, comme si la première équipe à atteindre 30 tirs allait gagner la partie. Or, la qualité des tirs est plus importante que leur nombre. » C’est vrai. C’est pourquoi nous utilisons de plus en plus les buts anticipés (expected goals) dans nos analyses. C’est une formule qui donne une valeur à chaque tir au but, en fonction du taux de réussite historique de tous les tirs effectués du même endroit sur la patinoire.

Concrètement, pour la dernière saison du Canadien, ça donne ceci.

Buts anticipés en 2022-2023

  • Josh Anderson : 24,2 (réel : 21)
  • Nick Suzuki : 18,1 (réel : 26)
  • Cole Caufield : 15,5 (réel : 26)
  • Kirby Dach : 14,7 (réel : 14)
  • Mike Hoffman : 12,6 (réel : 14)

Source : Money Puck

Traduction : Anderson a obtenu un grand nombre de tirs de qualité, mais il a converti moins de buts que prévu. Pour Suzuki et Caufield, c’est le contraire. Ils ont compté plus souvent que la moyenne des joueurs ayant tiré des mêmes endroits qu’eux.

Les tirs bloqués

L’ancien entraîneur-chef des Stars de Dallas Ken Hitchcock détestait la statistique des tirs bloqués. « C’est la statistique la plus inutile. Si tu bloques des tirs, ça signifie que la rondelle est souvent dans ta zone. » Un raisonnement que partage François Bélanger. « Avec une équipe comme le Canadien, dont l’infirmerie est plus occupée que le banc des joueurs, je ne comprends pas qu’on louange les joueurs qui se donnent systématiquement comme cible, même quand c’est 7-2 avec deux minutes à jouer. »

Petite observation à ce sujet : le Canadien, les Flyers de Philadelphie et les Blue Jackets de Columbus ont terminé la saison dans le top 5 pour les tirs bloqués ET les matchs ratés par leurs joueurs en raison de blessures.

Les coups roulés au golf

« Le résultat dépend beaucoup plus de la qualité des coups d’approche au vert que de la performance sur les verts », souligne avec justesse Guy Régnier. « Un joueur peut manquer les 18 verts, réaliser un coup d’approche à deux pieds du trou chaque fois, et prendre un seul coup roulé pour compléter le trou. Ça lui donnerait une ronde de seulement 18 coups roulés ! »

PHOTO JONATHAN ERNST, ARCHIVES REUTERS

Shane Lowry tente un long roulé sur le vert du sixième trou lors de la dernière ronde du Tournoi des Maîtres, à Augusta.

M. Régnier propose une statistique plus pertinente : les coups gagnés (strokes gained). Cette formule ressemble à celles des buts anticipés au hockey. Elle permet de comparer la performance d’un golfeur par rapport à tous les autres joueurs qui se sont retrouvés dans la même situation, sur le même trou.

Le nombre de spectateurs

Une petite dernière avant de passer à l’article suivant ? Une suggestion de Serge Leblanc. « Le nombre de spectateurs dans les gradins. [Surtout] quand on nous annonce 10 000 spectateurs et qu’on se demande, à voir la foule, s’il y en a 3000. »

Il y a une explication. Les équipes annoncent le nombre de billets vendus et non le nombre de spectateurs ayant franchi les guichets. Je peux vous confirmer que certains soirs, dans les dernières années des Expos, il y avait pas mal moins que les 5000 spectateurs annoncés dans le Stade. La marge d’erreur devait être de 3000 billets, 19 fois sur 20.