À l’été 2020, les Canucks de Vancouver étaient la « saveur du mois ». Leur retour en séries éliminatoires, après « seulement » quatre ans de misère, prouvait aux équipes en reconstruction qu’il existait un chemin rapide vers le succès.

Pour le directeur général du Canadien, Marc Bergevin, les Canucks représentaient un modèle à suivre. « Je regarde ce qui se passe à Vancouver. Les jeunes qu’ils sont allés chercher au repêchage. C’est de là que le noyau d’une équipe doit venir, absolument. On le voit à Vancouver. C’est la progression que le Canadien de Montréal fait en ce moment. »

Trente mois plus tard, que sont devenus les Canucks ?

Une équipe meurtrie. Déchirée. À la dérive. Le club est plus proche de la dernière place que le Canadien. Le sentiment général des partisans, là-bas, c’est qu’on vient de gaspiller une génération dorée, et qu’on retournera dans la cave pour une autre décennie.

À qui la faute ?

Certainement pas aux recruteurs. Ils ont trouvé Bo Horvat (200 buts), Brock Boeser (130 buts), un défenseur d’élite (Quinn Hughes), leur gardien numéro un (Thatcher Demko) ainsi que le meilleur marqueur de la cohorte de 2017, Elias Pettersson. Plus Jared McCann, échangé trop tôt, qui brille maintenant avec le Kraken de Seattle. Cinq de leurs joueurs comptent plus de points, cette saison, que le meilleur marqueur du Canadien, Nick Suzuki.

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Quinn Hughes

Pour paraphraser Ding et Dong, les Canucks sont pourris.

Pourris de talent.

Malheureusement, les leaders du club, eux, ne sont pas à la hauteur. J’ai rarement vu une équipe de direction aussi dysfonctionnelle. OK, peut-être celle de l’Impact de Montréal, dans sa période flocon de neige. Hum… Après réflexion, non. Les Canucks, c’est pire.

Vous savez, lorsqu’on dit qu’une équipe est aussi solide que son maillon le plus faible ? Eh bien, à Vancouver, le maillon le plus faible, c’est l’équipe de gestionnaires.

Le président des opérations hockey, Jim Rutherford, a lui-même mis le feu à la cabane, récemment, en déclarant publiquement qu’il avait rencontré plusieurs candidats pour le poste d’entraîneur-chef. Le problème ? L’entraîneur-chef en place, Bruce Boudreau, était toujours en poste. Le pauvre homme, qui roule sa bosse dans le hockey professionnel depuis 48 ans, a vécu le supplice de la goutte pendant plus d’une semaine, avant d’être finalement congédié dimanche.

La grosse classe.

Mettons qu’on est loin du « plus beau congédiement de l’histoire » vécu par Joël Bouchard avec le club-école des Ducks d’Anaheim. Le modus operandi de la direction a causé un malaise dans le vestiaire. « Les gars sont à terre, a réagi le défenseur Tyler Myers. Ce ne sont pas des temps faciles. Il se passe pas mal d’affaires… »

En effet, il se passe plein d’affaires. Tellement que si Réjean Tremblay avait mis toutes les intrigues suivantes dans une saison de Lance et compte, on l’aurait accusé d’exagération.

Les Canucks sont rendus à trois entraîneurs-chefs en 13 mois. Les trois sont sur leur liste de salariés. Les trois gagnent plus de deux millions cette saison. Applaudissements au ralenti.

La direction des Canucks est aussi dans la ligne de mire de l’Association des joueurs, qui enquête sur sa gestion d’une blessure à une main subie par Tanner Pearson, dans un match face au Canadien. Pearson s’est fait opérer trois fois. Ça ne s’est pas passé comme prévu. Il ratera le reste de la saison. « Cette situation a été mal gérée », a déploré le jeune défenseur Quinn Hughes aux médias locaux. Sa déclaration a déclenché une tempête sur les côtes de la Colombie-Britannique.

Quoi d’autre ?

Des intrigues hors glace impliquant des membres de l’organisation font les manchettes. En septembre, le propriétaire de l’équipe, Francesco Aquilini, s’est fait poursuivre par quatre de ses enfants pour des sévices physiques et psychologiques – des allégations qu’il nie. En novembre, le club et sa directrice générale adjointe, Émilie Castonguay, ont été visés par une plainte pour discrimination déposée par une ancienne employée des opérations hockey. « Je me sens brisée. J’en ai assez de me cacher », a écrit Rachel Doerrie sur Twitter. « Les allégations de Mme Doerrie sont absolument fausses », s’est défendue Émilie Castonguay.

Les dirigeants des Canucks viennent par ailleurs de consentir une prolongation de contrat de sept ans à l’un des meilleurs joueurs de l’équipe, J.T. Miller, 99 points la saison dernière. Personne ne contestera ses talents de hockeyeur. Mais exerce-t-il une bonne influence auprès des jeunes de l’organisation ? J’en doute.

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J.T. Miller

Lors d’une récente fin de partie, le gardien Collin Delia attendait les instructions de Bruce Boudreau pour rentrer au banc, afin d’être remplacé par un attaquant supplémentaire. Miller s’est impatienté. Il a d’abord engueulé Delia, avant de retourner derrière le filet avec la rondelle, et de frapper la barre horizontale avec son bâton, pour forcer Delia à quitter son demi-cercle. Une scène humiliante. Pour Delia. Pour Boudreau. Pour l’organisation. Un geste contre-productif.

En agissant ainsi, Miller suscite parmi ses coéquipiers la crainte de commettre une erreur. Personne ne veut être le prochain joueur ridiculisé par Miller à la télévision nationale. Les joueurs des Canucks pourraient donc avoir tendance à jouer plus nerveusement. Réaction de Miller : « Je ne comprends pas pourquoi les gens en parlent. »

C’est un problème.

Les Canucks mettront des années à se remettre des cinq derniers mois. Déjà, le capitaine Bo Horvat, qui deviendra joueur autonome à l’été, a annoncé son désir de quitter l’organisation. Quand le leader de ta formation souhaite ouvertement changer d’air, ça n’envoie pas un bon message aux autres hockeyeurs de la LNH. Pensez aux joueurs qui possèdent des clauses de non-échange. Croyez-vous qu’ils autoriseront un transfert vers Vancouver à court terme ?

Moi non plus.

Imaginez maintenant les joueurs autonomes.

Les Canucks ont bien repêché. Ils possèdent plusieurs jeunes surdoués. Or, le talent n’est qu’une composante de la réussite. Pour connaître du succès, une équipe doit aussi offrir un encadrement et un environnement de travail de qualité. C’est là que les Canucks ont échoué.

Aux autres équipes, maintenant, de ne pas répéter les mêmes erreurs.