Il y a un mois, vous vous lanciez un défi.

Peut-être avez-vous nommé un objectif clair. Ou alors, vous êtes comme moi, davantage du type souhait vague que résolution franche. (Extrait de mon dialogue intérieur : « Bouger mon corps tout en préservant ce qui ressemble à un équilibre travail-famille-amis, ce serait bien. J’aimerais vivre vieille et relativement en santé, mais bon, qu’est-ce que je contrôle là-dedans ? Vaut mieux essayer quand même. Ah pis je veux avoir des gros muscles pour faire peur aux gens. »)

Bref, il y a 28 jours, vous entamiez une quête plus ou moins claire. Si vous êtes toujours en selle, bravo ! Ce n’est pas rien, considérant que trois mois après la prise d’une résolution de nouvelle année, 50 % des gens l’auront abandonnée. Après un an ? Seuls 12 % d’entre nous la tiendront encore.

C’est Robert J. Vallerand qui m’a appris ces statistiques. J’ai appelé le professeur titulaire de psychologie à l’UQAM pour savoir comment transformer une résolution en passion. Le titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les processus motivationnels et le fonctionnement optimal m’a répondu que du côté de la motivation, ce qui importe, c’est la personne, l’environnement et l’activité.

Allons-y dans l’ordre.

Qui suis-je ? C’est la question d’une vie, mais plus on sait y répondre, mieux on peut choisir ses objectifs.

Si on opte pour une activité qui correspond à l’idée qu’on se fait de soi, on a davantage de chances de l’adopter, constate le chercheur. J’ai toujours cru avoir une fibre artistique et être nulle en mathématiques ? Pourquoi ne pas commencer à apprendre à jouer de la guitare plutôt qu’à maîtriser Excel ? Plus encore, mieux on se connaît, mieux on comprend pourquoi on souhaite relever un nouveau défi. Et la question est cruciale.

« Autant que possible, on le fait par choix plutôt que pour plaire aux autres, explique Robert J. Vallerand. Il faut éviter de se remettre en question, de se réveiller et se demander : “est-ce que j’y vais ou pas ?” Quand la motivation est autodéterminée, les gens développent plus rapidement une routine et une automatisation de l’activité. J’ai de la misère à me lever le matin ? La veille, je prépare mon sac pour qu’il m’attende devant la porte ! Je mets des conditions en place pour éviter les entraves. Par contre, si je n’ai pas fait le choix de cette nouvelle activité et que j’y vais de reculons, c’est quasiment un contrat pour l’échec. »

L’environnement, maintenant. Les encouragements de nos proches nous motiveront, mais leurs doutes, même discrets, nous affecteront. Robert J. Vallerand offre un exemple concret : « Si je me lance en dessin et que je m’inscris à des cours les mardis à 19 h, mais que ma conjointe trouve que ce n’est pas la période idéale, il y a une entrave et je pars à -10. »

(En même temps, c’est vrai que ce n’est pas l’heure idéale pour la gestion familiale.)

Et l’activité, elle ? Il faut qu’elle nous intéresse. Ou du moins que certaines parties de ladite activité nous intéressent. Ça semble évident, mais il est là, le bémol des souhaits de début d’année. « Un grand pourcentage des résolutions que prennent les gens, ce sont des choses qu’ils veulent améliorer, mais pas nécessairement des choses qui seront intéressantes », explique Robert J. Vallerand en citant deux classiques : arrêter de fumer et boire moins d’alcool.

PHOTO FOURNIE PAR L'UQAM

Robert J. Vallerand, professeur titulaire de psychologie

Ce qui se cache derrière tout ça, c’est un désir chez l’être humain de s’améliorer. La littérature scientifique est claire là-dessus : même si les gens échouent, ils recommencent l’année suivante…

Robert J. Vallerand, professeur titulaire de psychologie

Vient ensuite la question de la durée. En six mois, on devrait savoir si une nouvelle activité a le potentiel de nous enflammer, selon Robert J. Vallerand, qui s’appuie sur une recherche menée sur le développement de la passion au temps zéro : « On a pris des adolescents qui n’avaient jamais touché à un instrument et qui en étaient à leur premier trimestre avec cours de musique obligatoire. Quand on les suit sur six mois, seuls 30 % vont développer une passion. Ils peuvent continuer à s’impliquer, mais ça ne veut pas dire qu’ils vont le faire avec passion. »

Et si on valorise socialement les gens motivés, il faut demeurer prudent quant au type de passion qu’on génère. Notre nouvelle source de plaisir est-elle harmonieuse ou obsessive ? La première s’intègre bien dans notre quotidien, la seconde peut nous faire perdre le contrôle.

« L’obsessive se développe surtout quand on veut compenser pour un manque d’activités plaisantes dans le reste de notre vie, souligne le chercheur. À court terme, ça peut être adaptatif : je viens de rompre, je vais m’investir à fond dans une activité, je me sens mieux, je surinvestis, ça devient addictif et ça peut mener à des conséquences mésadapatatives. »

S’isoler pour conserver une nouvelle habitude n’est pas nécessairement signe de succès.

Un dernier truc pour tenir bon ? Finir au sommet.

Quand Robert J. Vallerand travaillait auprès de jeunes, on lui avait recommandé de terminer toute activité tandis que les enfants étaient au paroxysme du plaisir ; ça leur donnerait envie de jouer à nouveau. Il l’ignorait à l’époque, mais ce conseil était ancré dans la science : « L’amygdale est très importante, c’est là que se trouve la mémoire affective. On sait avec la recherche que lorsque les gens pensent à l’activité, ils pensent à leur high et non pas aux débuts quand c’était plus difficile. »

En somme, il vaut peut-être mieux déposer la guitare quand on a enchaîné deux accords, plutôt qu’en apprendre un troisième. Voilà qui précise ma résolution pour 2024 : devenir complice avec mon amygdale cérébrale (et les gros poids qui rendent assez musclée pour faire peur).

Consultez les publications de la Chaire de recherche du Canada sur les processus motivationnels et le fonctionnement optimal