Dakota Johnson s’est illustrée dans le film Fifty Shades of Grey. Elle est aussi la fille de parents célèbres – les acteurs américains Don Johnson et Melanie Griffith. Et depuis quelque temps, la comédienne est aussi connue… pour ses habitudes de sommeil.

En décembre, en entrevue avec le WSJ Magazine (publié par le Wall Street journal), Dakota Johnson, 34 ans, y est allée d’une confidence surprenante, après avoir mentionné que, dans la vie, le sommeil était sa « priorité numéro un ». « Je ne suis pas fonctionnelle si je dors moins de 10 heures, a-t-elle précisé. Je peux facilement dormir 14 heures. »

PHOTO CHUCK ZLOTNICK, FOURNIE PAR UNIVERSAL STUDIOS

Dakota Johnson

Oui, vous avez bien lu : 14 heures. De quoi complexer le commun des mortels et ses 7 à 8 heures de sommeil. Si on « priorisait » notre sommeil comme Dakota, dormirions-nous 10, 12, voire 14 heures ?

Le neurologue Alex Desautels dirige la clinique du Centre d’études avancées en médecine du sommeil, à l’hôpital du Sacré-Cœur-de-Montréal. À notre demande, il s’est penché sur l’épineuse affaire du sommeil de Dakota. « J’ai cherché “Dakota Johnson” et “sleep” sur l’internet et ça m’a renversé : il y a 3 pages dans Google. Tout le monde a repris ça », fait-il remarquer. D’une part, dit-il, c’est bien, parce que ça sensibilise à l’importance du sommeil. « Mais 14 heures ? Ça me semble un peu long. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Alex Desautels, neurologue et professeur à l’Université de Montréal, dirige la clinique du Centre d’études avancées en médecine du sommeil, à l’hôpital du Sacré-Cœur-de-Montréal.

Nous ne sommes pas tous égaux en matière de sommeil ; certains ont besoin de plus de sommeil, d’autres moins, et il y a un aspect génétique dans tout cela. « C’est un trait qu’on dit complexe : plusieurs gènes vont interagir pour fixer nos besoins de sommeil », explique Alex Desautels. Des gènes spécifiques ont d’ailleurs été identifiés dans les familles de courts dormeurs : ils font en sorte que le cerveau s’éveille plus facilement et peut rester éveillé plus longtemps, indique Alex Desautels, également professeur à l’Université de Montréal.

Des besoins qui varient

Chez l’adulte, les besoins de sommeil varient en général de 7 à 9 heures, et ce n’est qu’une très petite proportion de la population qui a génétiquement besoin de moins (dans les 6 heures) ou de plus de sommeil (dans les 9-10 heures). « Il y a une variabilité dans les besoins de sommeil et on ne peut pas se fier uniquement à sa durée pour déterminer sa qualité », explique Thanh Dang-Vu, neurologue à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Certaines personnes dorment un peu moins, mais ont plus de sommeil profond, illustre-t-il. L’environnement joue aussi un rôle : un sportif au sommet de son entraînement aura besoin de plus d’heures de sommeil qu’une personne sédentaire. Mais 14 heures ? « C’est extrême et ce n’est probablement pas normal », dit le DThanh Dang-Vu, professeur titulaire à l’Université Concordia.

« C’est très rare et ce n’est pas normal », tranche le professeur Charles Morin, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en médecine comportementale du sommeil à l’Université Laval. Selon une étude pancanadienne menée l’automne dernier et dont les résultats seront publiés cette année, seulement 3 % des quelque 4000 répondants ont dit dormir plus de 9 heures par nuit. « À l’opposé, près de 20 % dorment moins de 6 heures », souligne Charles Morin. Bien des gens vivent donc avec une dette de sommeil en permanence, dit-il.

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Dakota Johnson

Mais revenons à l’autre extrême : Dakota. Quelle mouche l’a donc piquée ?

Première hypothèse : l’exagération. Le DAlex Desautels souligne qu’on est mauvais juge de son propre sommeil : autant les insomniaques ont tendance à sous-estimer la durée de leur sommeil (en moyenne d’une heure), autant les hypersomniaques ont tendance à la surestimer.

Il faut peut-être chercher la réponse dans la routine de vie de Dakota. Dans la même entrevue au WSJ Magazine, l’actrice disait ne pas avoir d’heure fixe de réveil et prendre des bains à n’importe quelle heure du jour. Peut-être que ses heures de coucher sont aussi irrégulières. « Si, en vue d’un examen par exemple, une personne dort de trois à quatre heures pendant plusieurs jours, quand cette personne laisse aller son sommeil, elle peut dormir 12 heures, 14 heures, voire plus », illustre le DThanh Dang-Vu.

Dernière possibilité : l’existence d’une problématique de santé. « Les études épidémiologiques montrent que trop peu de sommeil, c’est mauvais, mais trop de sommeil, c’est mauvais aussi », résume le DDang-Vu. Pourquoi ? Parce que l’hypersomnie peut être le symptôme d’une pathologie sous-jacente, comme l’apnée du sommeil, un trouble prévalent qui entraîne des arrêts de la respiration pendant le sommeil. Des maladies neurologiques, dont le syndrome de Kleine-Levin, sont aussi associées à l’hypersomnie.

Niveau de vigilance

Comment savoir si on dort le nombre d’heures dont on a besoin ? L’un des meilleurs indicateurs, souligne Charles Morin, c’est le niveau de vigilance pendant la journée. Si vous êtes capable de faire vos activités normalement, sans avoir à combattre le sommeil ni à avaler 10 cafés pour rester alerte, vos besoins sont probablement satisfaits.

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Charles Morin

Beaucoup de gens veulent se faire croire qu’ils peuvent fonctionner avec cinq heures, six heures de sommeil, mais dès qu’ils ont l’opportunité de faire une sieste, ils la prennent et s’endorment.

Charles Morin, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en médecine comportementale du sommeil à l’Université Laval

Marilyn Labbé, 45 ans, se considère comme une petite dormeuse naturelle. Elle dort de quatre à cinq heures, entrecoupées d’une période d’éveil dont elle profite pour dessiner. « J’ai toujours vécu comme ça, dit la résidente de l’Estrie. Adolescente, j’allais dormir chez des amis et c’était très long et très plate d’attendre que les autres se lèvent… » Elle ne fait pas de sieste et ne consomme aucune caféine. Pas besoin : elle n’est ni fatiguée ni irritable, dit-elle. « C’est plus les autres que ça inquiète », souligne la mère de famille.

Pascale Montcalm s’est longtemps décrite comme une couche-tard. Même si son réveille-matin sonnait à 6 h la semaine, elle n’acceptait pas de se coucher tôt, « comme si j’avais peur de manquer quelque chose », raconte-t-elle. Aujourd’hui, elle réalise qu’elle ne dormait pas assez. « J’étais moins concentrée, moins alerte, et ça m’arrivait de cogner des clous en conduisant », se souvient-elle. C’est la maternité qui l’a incitée à prioriser son sommeil. Elle se couche aujourd’hui à 21 h, pour dormir de 8 à 9 heures par nuit, parfois 10 heures, mais jamais 14 heures. Elle laisse ça à Dakota.

Participants recherchés

L’Institut universitaire de gériatrie de Montréal recherche des participants de 60 ans et plus, au Québec ou en Ontario, qui se plaignent de leur sommeil et de leur mémoire, pour tester une nouvelle plateforme en ligne visant à démocratiser l’approche cognitivo-comportementale, recommandée pour traiter l’insomnie. Pour plus de renseignements : 514 340-3540, poste 4790, ou e-cosmos@criugm.qc.ca