Bien qu’on en entende souvent parler, la migraine reste une maladie chronique méconnue et souvent invalidante pour les personnes qui en sont atteintes. Elle touche par ailleurs trois fois plus de femmes que d’hommes.

Une céphalée, plus couramment appelée maux de tête, est un symptôme qui peut être causé par une multitude de facteurs. La migraine est quant à elle une maladie qui cause des crises de mal de tête accompagné d’autres symptômes comme des nausées, des vomissements et de l’hypersensibilité sensorielle par rapport aux sons, à la lumière, aux odeurs et aux mouvements.

Cela fait en sorte que la migraine est invalidante pour la personne qui en souffre et cette dernière peut être contrainte de s’absenter du travail (ou de l’école pour un enfant) faute d’un traitement adéquat.

Environ 12 % des Canadiens vivent avec la migraine, selon l’organisme Migraine Canada, et elle touche toutes les tranches d’âge.

Au cours des dernières années, des médicaments efficaces contre la migraine sont devenus accessibles, mais ils restent peu connus des médecins de famille, selon la Dre Elizabeth Leroux, neurologue spécialisée en médecine des céphalées.

Elle explique qu’une meilleure compréhension du CGRP (calcitonin gene-related peptide) — une petite protéine qui joue beaucoup de rôles différents dans le corps, mais qui est associée à la migraine — a permis la mise en marché de comprimés et d’anticorps qui peuvent bloquer cette protéine. « En bloquant cette protéine, chez certaines personnes, on a des résultats très impressionnants au niveau de la sévérité de la maladie », indique-t-elle.

Pourtant, même si des traitements efficaces sont disponibles, des migraineux continuent de ne pas être pris au sérieux lorsqu’ils consultent un médecin.

Dre Leroux, qui travaille dans une clinique de Montréal, affirme qu’elle entend régulièrement des histoires de patients qui n’ont pas été écoutés par leur médecin de famille. À la lumière des résultats normaux de l’appareil d’imagerie médicale, le médecin répond au patient qu’il ne peut rien faire pour lui.

Cette situation enrage Dre Leroux. Elle-même a été témoin de préjugés de la part de professionnels de la santé lorsqu’elle a décidé de se spécialiser en céphalée. Des collègues lui auraient dit : « c’est une gang de femmes qui chialent tout le temps, pourquoi tu t’en vas perdre ta carrière là-dessus ? ».

Dre Leroux, qui a fondé les organismes Migraine Québec et Migraine Canada, estime que cette passivité médicale vient d’un manque d’informations, mais aussi d’une stigmatisation.

Elle souhaite que l’on cesse de dire que les migraineux sont simplement stressés ou ne boivent pas assez d’eau, deux préjugés qui perdurent encore aujourd’hui, selon la neurologue.

« Je pense qu’il y a de gros progrès en recherche, mais qui malheureusement ne se rendent pas aux patients puisque notre système ne s’est pas vraiment intéressé à la migraine », affirme Dre Leroux.

Elle ajoute qu’il existe aussi une stigmatisation basée sur le genre. « Ça touche les femmes et on sait que les maladies qui touchent les femmes, souvent, c’est plus facile de les ignorer ou les stigmatiser », a-t-elle déclaré.

Elle précise que certaines personnes auront seulement quelques crises de maux de tête par année, mais pour d’autres cela se produit quotidiennement.

Plusieurs conditions ou déclencheurs vont influencer le cerveau d’un migraineux, dont des facteurs génétiques. Les femmes sont plus touchées par les migraines, notamment en raison de l’influence du cycle menstruelle qui crée des variations hormonales.

Dre Leroux estime que la fréquence des migraines chez les patients et l’impact des absences sur le système d’emploi au Québec justifient la mise en place d’un réseau de cliniques.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a d’ailleurs classé la migraine comme l’une des trois pathologies les plus invalidantes en 2019.

« J’essaie de donner le message que la migraine, c’est une maladie neurologique chronique coûteuse, invalidante, pas reconnue, stigmatisée de la femme, a déclaré Dre Leroux, qui participera vendredi, à l’occasion de la Journée de la femme, à un évènement sur les migraines organisé par la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) qui sera diffusé sur Facebook.

« L’espoir, c’est la recherche, la science, l’éducation et un réseau de cliniques au Québec. […] Mais je comprends que dans le système de santé actuel, qui est centré sur les urgences et les hôpitaux, c’est sûr que ce n’est pas la priorité. […] En ce moment, c’est plate, mais on a de belles options qui ne sont pas utilisées et j’aimerais ça que les gens arrêtent de penser que c’est de leur faute », conclut Dre Leroux.

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