C’est la nouvelle boisson énergisante de l’heure. Celle dont tout le monde parle sur les réseaux sociaux, fraîchement arrivée au pays et apparemment « meilleure pour la santé », la coquette canette aux couleurs vitaminées surpasserait toutes les autres sur le marché. Ah bon ? Pas exactement, nuancent deux expertes en nutrition. Prétentions, nuances et vérité, en cinq temps.

1. La petite histoire

Celsius de son petit nom, cette boisson énergisante a été lancée en 2004. C’est à un certain Steve Haley que l’on devrait le concept, dans lequel PepsiCo a massivement investi en 2022, pour en devenir l’un des actionnaires prioritaires. Il faut savoir que le rappeur Flo Rida a poursuivi l’entreprise l’an dernier, pour une histoire d’entente financière non respectée qui a beaucoup fait jaser. S’il a gagné sa cause, l’affaire (de plus de 80 millions de dollars !) n’a pas empêché la marque de continuer de gagner en popularité : aujourd’hui, on dit que Celsius serait la boisson énergisante connaissant la croissance la plus rapide aux États-Unis. Se déclinant en cinq parfums pétillants (Peach Vibe, Sunset Vibe, Saveur d’orange, Saveur de kiwi et goyave et Tropical Vibe), les canettes de 355 ml viennent d’atterrir dans toutes les épiceries du pays au début du mois.

2. Les prétentions

Sur papier, Celsius se veut la marque de choix pour une « vie active ». La marque, qui joue à fond la carte de la santé, dit aussi se démarquer des autres boissons du genre avec une « formule unique » et des « ingrédients plus santé, tels le gingembre, le guarana, le thé vert et sept vitamines essentielles ». En outre, peut-on lire sur le site de la marque, les boissons Celsius ne contiennent ni sucre, ni aspartame, ni sirop de maïs, ni saveurs artificielles, ni gluten.

Côté énergie, les canettes Celsius vendues aujourd’hui au Canada contiennent 140 mg de caféine, ce qui respecte le maximum admis (180 mg par portion) au pays. À titre de comparaison, un Red Bull (250 ml) en contient 80 mg et un café ordinaire, 95 mg. À noter que la boisson a toutefois fait l’objet d’un rappel en décembre dernier au pays, pour cause d’étiquetage non conforme (non bilingue) et surtout parce que la teneur en caféine dépassait alors le maximum prescrit par l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Invitée à réagir, Celsius réplique : « En fait, le produit Celsius concerné par le rappel de Santé Canada n’a pas été fabriqué pour le marché canadien et n’a pas été importé dans le pays par des canaux autorisés par l’entreprise. »

3. La réalité

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Les canettes de Celsisus sont en vente partout au Canada.

Alors ? Quoi penser ? Ces boissons révolutionnent-elles le genre, ou pas ? « Rien de nouveau » ici, « du gros remâché », quoique sous un « nouvel emballage », répond sans hésiter Mélanie Olivier, nutritionniste, présidente de Vivaï et experte en nutrition sportive. Les ingrédients qui se veulent santé, tel le gingembre, qu’on retrouve par ailleurs dans plusieurs autres boissons du genre, « sont en quantité minimale, sans aucun effet sur la santé », tranche-t-elle.

Côté vitamines, ajoute la docteure en nutrition Isabelle Huot, « on dépasse l’apport recommandé : 250 % pour la vitamine B12 et 118 % pour la vitamine B2 », illustre-t-elle. Quel intérêt ? « On donne l’impression que c’est mieux [...] mais est-ce qu’on a besoin de ça ? [...] C’est de la multivitamine surdosée avec un café », ironise-t-elle.

Surtout, s’entendent les deux expertes, s’il n’y a certes ni sucre ni aspartame, les boissons Celsius sont sucrées au sucralose, l’un des « pires » édulcorants pour le microbiote. Le sucralose peut en outre « déjouer le cerveau et stimuler des fringales pour des aliments qui apportent du vrai sucre », souligne Isabelle Huot. « Je n’encourage pas ça, et surtout pas au quotidien. » Et il suffit d’une gorgée pour le confirmer, cela goûte effectivement drôlement sucré !

4. L’enjeu des jeunes

C’est la principale préoccupation d’Isabelle Huot, qui souhaite vivement que la vente de ce type de boissons soit mieux encadrée. « Les emballages sont attirants, on vante la performance, ça dégage la santé, c’est attirant pour les jeunes ! », déplore-t-elle. Certes, le produit est déconseillé aux moins de 14 ans, est-il indiqué en tout petit sur le produit. On dit aussi de se limiter à une consommation par jour. « Mais ça m’inquiète, parce que c’est bon au goût. Et on va avoir tendance à en boire davantage. »

Si on ne recommande pas aux enfants de consommer de boissons énergisantes, les adolescents (13 ans et plus) ne devraient quant à eux pas dépasser 2,5 mg de caféine par kilogramme de poids corporel. « Au-delà de ça, cela peut amener des palpitations, on a vu des cas d’arythmie cardiaque, cela peut entraîner de l’insomnie, provoquer de l’anxiété, etc. » Plusieurs experts commencent aussi à se prononcer en ce sens sur TikTok. Ce n’est pas tout, ajoute Isabelle Huot : « On donne l’impression qu’on a besoin de ça pour performer tant à l’école que dans une activité sportive ! [...] Mais la meilleure boisson, ça reste l’eau ! »

5. Et les adultes, alors ?

Cela étant dit, en mal de caféine, avant un entraînement ou une longue soirée au boulot, est-ce qu’une canette ici ou là peut vraiment faire du tort à un adulte majeur et vacciné, docteur ? De nouveau, nos deux interlocutrices s’entendent : en manque d’énergie, mieux vaut ici prendre un bon vieux café, un thé, ou pourquoi pas un matcha.

« Le danger avec ces boissons, c’est que les gens ne savent pas s’ils réagissent à la source de caféine ou pas. Et si on jumelle avec d’autres stimulants, un café, un thé, du chocolat ou une autre boisson sportive, ça s’accumule ! », met en garde Mélanie Olivier. Sans parler des risques, bien connus, associés aux mélanges avec l’alcool ou d’autres substances.

Et si vraiment vous avez une rage de boisson énergisante, une option ou plutôt un « moindre mal », disent Mmes Olivier et Huot, serait sans doute le Guru, ou encore Ooya Infusions, des produits québécois et naturels, sans mauvais édulcorant dans leur liste d’ingrédients. « En même temps, les boissons pétillantes, les dentistes ne sont pas fous de ça non plus, rappelle la nutritionniste. Comme dirait l’autre : en as-tu vraiment besoin ? »