Un projet-pilote mis de l’avant par le CHUM et la chaîne Pharmaprix proposera à une centaine de femmes une prise en charge de proximité après leur grossesse, notamment en ce qui concerne des risques cardiovasculaires qui leur sont propres.

Des complications comme l’hypertension gestationnelle, le diabète gestationnel et la prééclampsie doivent être suivies pendant la grossesse, mais aussi après l’accouchement parce qu’elles peuvent se traduire par un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires.

Mais comme les femmes accordent souvent à ce moment la priorité au nouveau-né au détriment de leur propre santé, les docteures Christine Pacheco et Jessica Forcillo ont décidé de leur proposer un suivi mieux adapté à leur réalité.

« Le projet consiste à développer un nouveau modèle de soins innovateurs pour adresser la problématique de l’évaluation du risque cardiovasculaire de femmes qui ont une complication pendant leur grossesse », a résumé la docteure Pacheco.

Les docteures Pacheco et Forcillo sont les cofondatrices de la Clinique Cardio F du CHUM, qui se spécialise dans les maladies cardiovasculaires des femmes.

Une collaboration avec la chaîne Pharmaprix offrira aux premières participantes à cette étude des soins de proximité grâce à un accès à un(e) pharmacien(ne) et à une infirmière praticienne spécialisée.

Jusqu’à 10 % des femmes pourraient être touchées par un problème de santé pendant leur grossesse, a rappelé la docteure Pacheco, et celles qui le sont ont ensuite un risque deux fois plus élevé de maladies cardiovasculaires.

« On a plusieurs données convaincantes dans la littérature qui nous disent que les femmes qui ont une problématique de pression ou de diabète pendant la grossesse sont plus à risque d’avoir un problème de santé cardiovasculaire plus tard, un infarctus, un AVC, une insuffisance cardiaque », a-t-elle indiqué.

Il est donc plus que pertinent, poursuit-elle, de profiter du fait que la patiente est en contact avec le système de santé pour faire de la prévention en agissant tôt sur plusieurs facteurs de risque, d’autant plus que jusqu’à la moitié des rendez-vous médicaux pris par les femmes après leur accouchement seront ratés pour des raisons qu’on imagine facilement.

Et si la nouvelle maman sera souvent trop débordée pour aller rencontrer son médecin, elle n’aura quand même pas le choix de se rendre à la pharmacie pour se procurer certains produits dont elle a besoin pour son bébé ― d’où l’idée de ce projet-pilote.

« On veut vraiment trouver des façons de faciliter le suivi de ces patientes-là, a expliqué la docteure Forcillo, qui est chirurgienne cardiaque au CHUM. C’est aussi une manière de les sensibiliser et de les éduquer aux facteurs de risque (de maladies cardiovasculaires) qui sont non traditionnels. Par exemple, on a quatre fois plus de chances de faire de l’hypertension plus tard si on en a fait pendant la grossesse. »

Une collaboration a donc été établie avec le programme Aimez-vous, de Pharmaprix, afin de rejoindre les femmes dans leur milieu. Du matériel visuel sera déployé dans 15 pharmacies participantes pour informer les femmes, et leurs conjoints, de l’existence de ce programme, qui représente une première canadienne.

Le projet-pilote permettra dans un premier temps d’évaluer l’assiduité des participantes à leur rendez-vous en pharmacie.

L’implication d’infirmières praticiennes spécialisées et de pharmacien(ne)s dans ces « cliniques virtuelles », a dit la docteure Forcillo, permettra à Cardio F d’offrir un suivi très serré à ces femmes.

« On veut toucher les femmes de divers horizons, a dit la pharmacienne-propriétaire El-Shaimaa Saliem. Notre rôle sera vraiment de faciliter le recrutement et le suivi des patientes de la pharmacie communautaire. On veut supprimer une des barrières à l’accès aux soins à laquelle sont confrontées certaines femmes. »

Le fait que les clientes se rendent déjà en pharmacie facilitera leur recrutement, a-t-elle estimé. Et comme les patientes consultent souvent leur pharmacien(ne) à la recherche de conseils, il devient plus facile de les orienter quant à leurs habitudes de vie, d’ajuster la médication au besoin ou encore d’amorcer des demandes de consultation, a dit Mme Saliem.

« Comme les patientes sont déjà des clientes, la relation de confiance existe déjà et ça facilite une communication ouverte », a-t-elle ajouté.

Le recrutement d’une première cohorte d’une centaine de patientes permettra de vérifier si le nouveau modèle proposé favorise l’assiduité du suivi, a expliqué la docteure Pacheco, qui est cardiologue à l’Hôpital Pierre-Boucher et membre associée au CHUM.

« Si on va chercher les femmes là où elles sont, si on minimise les déplacements et si on offre un suivi serré en collaboration interprofessionnelle, on pense vraiment que ça va améliorer la fréquence et l’assiduité au suivi », a-t-elle dit.

Le projet pourrait ensuite être appelé à prendre plus d’ampleur, ce qui permettra de mesurer l’impact de l’initiative non seulement sur l’assiduité, mais aussi sur des devenirs cliniques, comme la réduction de l’incidence d’une hypertension mal contrôlée ou d’évènements cardiovasculaires.