Jessica Brodeur est une passionnée d’activité physique, et ses réseaux sociaux regorgent de photos « avant-après ». Mais pas dans l’ordre habituel. Rencontre avec la pétillante jeune femme, ex-concurrente de bikini fitness, qui vient de publier le récit des troubles alimentaires qui ont longtemps contrôlé sa vie et de son rétablissement.

Jessica Brodeur nous accueille dans son bungalow de la Rive-Sud , tout sourire, les yeux rieurs, vêtue d’une combinaison d’entraînement. Pour la prise de photo, elle nous entraîne au sous-sol, là où se trouve son petit gym. C’est ici que Jessica – instructrice certifiée – anime des entraînements virtuels.

En personne, la jeune femme de 35 ans dégage la même chose que sur sa page Instagram (@jessbrod_fit) : de l’énergie, de la joie et de la bonne humeur.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Jessica Brodeur

Jessica Brodeur a pourtant traversé une période sombre dans un passé pas si lointain. Cinq ans de troubles alimentaires. Orthorexie (l’obsession de manger sainement), bigorexie (l’impression de n’être jamais assez musclé), hyperphagie (les compulsions alimentaires, mais sans méthodes compensatoires) : elle a vécu des périodes de grande détresse, affamée et recroquevillée en boule sur le sofa, honteuse d’avoir mangé une cuillère de beurre d’amande, ou encore engourdie par des orgies alimentaires.

Engrenage

De retour d’un congé de maternité, déjà soucieuse de son poids, Jessica Brodeur a été embauchée au service de marketing d’une grande entreprise de gyms. Elle a décidé d’utiliser les services mis à sa disposition (nutritionniste, kinésiologue). Pourquoi pas ? Dans son récent livre, Le corps que j’ai maintenant, Jessica Brodeur évoque cette première pesée, sur une balance qui mesure le taux de gras et de muscles.

Elle vient alors de mettre le pied dans un engrenage qui la mènera, cinq ans plus tard, à demander de l’aide, mais cette fois auprès d’une psychologue et d’une nutritionniste spécialisée en troubles alimentaires. L’alimentation, l’entraînement et l’image corporelle en étaient venus à prendre « toute la place ».

Elle a perdu beaucoup de beaux moments. Avec son fils, avec son amoureux, avec ses collègues, ses amis. « Mes conversations étaient toujours axées sur ça, se souvient-elle. Et c’est aussi tout le contrôle que tu t’imposes en voyant les autres manger. Tu es concentrée à gérer tout ça, et à te dire : “Je fais donc la meilleure chose que tout le monde...” »

Jessica Brodeur l’admet : elle éprouvait un certain sentiment de supériorité à l’époque. Les concours de bikini fitness auxquels elle a participé (précédés de restrictions alimentaires intenses et suivis de crises d’hyperphagie tout aussi intenses) lui ont procuré beaucoup de fierté. « J’étais supérieure, et j’étais récompensée », écrit-elle dans son livre. Elle le réalise aujourd’hui : ça traduisait un manque d’estime de soi.

On va chercher une valorisation rapide dans une société où on félicite quelqu’un quand il perd du poids.

Jessica Brodeur

L’avant et l’après
  • Jessica Brodeur

    PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @JESSBROD_FIT

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Écouter son corps

À travers son rétablissement, qu’elle a entrepris en 2019, Jessica s’est tranquillement défaite des règles rigides qu’elle s’imposait et de son obsession des calories et des valeurs nutritionnelles. Elle a appris à ressentir et à écouter les signaux que son corps lui envoie. « À force de ne pas respecter ce que mon corps me disait de faire, je n’étais plus connectée », résume-t-elle. Elle a fait la paix, aussi, avec les aliments qui l’ont longtemps obsédée, comme le beurre d’arachide et les biscuits Oreo.

Et depuis le début, Jessica Brodeur partage son vécu sur sa page Instagram, souvent avec humour et légèreté, mais en abordant les vraies affaires : la diversité corporelle, la grossophobie médicale, l’importance de ne pas commenter l’apparence des autres, l’inclusion des personnes de toute taille dans le monde de l’activité physique et dans la société en général, le mirage des photos « parfaites » sur Instagram...

« Ce qui se cache derrière les photos de moi “avant”, c’est beaucoup de détresse, de mal-être et d’émotions désagréables, dit-elle. Et l’après, c’est moi qui suis plus heureuse et plus en santé que jamais. »

« Même si tu vis dans un corps qui est plus gros que le corps standard, tu n’as pas besoin de le changer, et tu as le droit de vivre une vie heureuse, tu as la même valeur comme personne », croit celle qui a gagné cette semaine le prix ÉquiLibre, remis par l’organisme du même nom voué à la promotion d’une image corporelle positive.

Le corps que j’ai maintenant

Le corps que j’ai maintenant

Cardinal

288 pages