Entre le bruit incessant et le manque d’intimité, Michel Bernier raconte avoir vécu « l’enfer » lors de son hospitalisation sur une civière dans un corridor à l’hôpital de la Cité-de-la-Santé, à Laval, le mois dernier. Une quarantaine de civières sont actuellement utilisées pour désengorger les urgences de l’établissement.

Ce qu’il faut savoir

En février, Michel Bernier a été hospitalisé une semaine durant sur une civière dans le corridor à l’hôpital de la Cité-de-la-Santé, à Laval.

Une quarantaine de civières sont utilisées dans l’ensemble des unités de soins de l’établissement pour désengorger les urgences.

M. Bernier et sa conjointe déplorent le manque de confidentialité causé par l’utilisation des civières dans le couloir, puisqu’il était en mesure d’entendre les discussions entre les professionnels de la santé sur l’état de santé des patients de l’étage.

« J’ai passé la semaine au complet dans le corridor, devant le poste de garde. Tout ce qui me séparait du poste, à peu près à trois pieds de moi, c’était un rideau. »

Michel Bernier a été hospitalisé en février à l’hôpital de la Cité-de-la-Santé pour des calculs biliaires qui provoquaient d’importants maux de ventre. Après une journée aux urgences sur une civière, on l’a informé qu’une place à l’étage s’était libérée. « J’étais content. Je me suis dit que j’allais enfin avoir une place confortable. »

PHOTO FOURNIE PAR MICHEL BERNIER

Le poste de garde (à gauche) était situé à quelques pieds seulement de la civière de Michel Bernier (à droite).

L’équipe médicale l’a conduit jusqu’au cinquième étage. Mais à sa grande surprise, il a plutôt été laissé dans le couloir, allongé sur sa civière. L’emplacement de sa civière était délimité par du ruban adhésif noir et jaune au sol. Il y restera pendant une semaine.

C’est l’enfer. Aucun bouton d’alarme s’il y a un problème, aucun contrôle sur l’éclairage et pour la toilette, je dois utiliser celles des chambres adjacentes.

Michel Bernier

Le soir, vers 20 h 30, les lumières étaient tamisées. « Mais on ne les fermait pas. » Il entendait tout ce qui se passait au poste de garde. De jour comme de nuit. « Il y avait des appels téléphoniques à tout bout de champ. Je les entendais même parler de stratégie syndicale. Je n’ai pas dormi de la semaine. »

Les patients de son étage étaient généralement des personnes âgées, certaines avec des problèmes cognitifs. « Un monsieur hurlait à toute heure du jour et de la nuit. Un autre chantait en face de moi. C’était le chaos à l’étage », se remémore-t-il.

Désengorger les urgences

Dans la dernière année, Québec a demandé aux établissements de santé de mettre en place un protocole de surcapacité hospitalière. Ce protocole permet aux étages de recevoir un plus grand nombre de patients et d’ainsi libérer les urgences qui atteignent un taux d’occupation susceptible de compromettre la sécurité des patients.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

L’hôpital de la Cité-de-la-Santé, à Laval

L’utilisation des civières sur les étages de l’hôpital de la Cité-de-la-Santé a donc pour but d’augmenter le nombre de lits disponibles dans l’hôpital pour les patients des urgences en attente d’hospitalisation, indique la conseillère en communication au Centre intégré de santé et de services sociaux de Laval, Isabelle Miller. Elle soutient que la capacité des urgences est « trop souvent insuffisante » pour les besoins de la population.

À Laval, la surcapacité est utilisée sur l’ensemble des unités de soins. « Certaines civières utilisées sont dans des chambres, d’autres dans les corridors », indique Mme Miller. Elle précise que l’utilisation de la surcapacité fluctue de jour en jour, mais que l’utilisation moyenne est d’environ 40 civières.

« C’est inhumain »

Après sept jours dans le couloir, Michel Bernier a craqué. « J’étais en pleurs, en crise. Ils m’ont trouvé une chambre. » Il est demeuré à l’hôpital une semaine supplémentaire, avant d’obtenir son congé.

« Le personnel médical, que ce soit les préposés, les infirmiers ou les médecins, c’est de la soie. C’est vraiment du bon monde. C’est l’administration de l’hôpital qui ne fonctionne pas », soutient Michel Bernier. Sa conjointe, Anne Guimond, a fait une plainte à l’établissement. « Ce qu’on a vécu, c’est inhumain », dit-elle.

Le couple déplore notamment le manque de confidentialité causé par l’utilisation des civières dans le couloir, puisqu’il était en mesure d’entendre toutes les discussions entre les membres du personnel de la santé.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Michel Bernier et sa conjointe Anne Guimond

Au changement de shift, on savait tout ce que les patients avaient comme maladie. Il n’y avait aucune confidentialité des patients.

Anne Guimond, conjointe de Michel Bernier

Quand elle demandait des nouvelles sur son mari, le personnel de la santé n’était pas toujours autorisé à lui répondre. Elle attendait donc le changement de quart de travail à 15 h et « entendait tout » sur l’état de santé de M. Bernier, lorsque le personnel discutait.

Début janvier, une lettre d’opinion intitulée « La médecine de corridor, de la maltraitance pour les aînés » parue dans Le Devoir faisait état d’une situation similaire. Lise Labelle y rapportait que son mari de 88 ans a été couché sur une civière dans un couloir durant sept jours et six nuits, à l’hôpital de la Cité-de-la-Santé, soit durant la moitié de son séjour.

Lisez la lettre d’opinion « La médecine de corridor, de la maltraitance pour les aînés »

« À mon avis, c’est de la maltraitance à l’endroit d’une personne âgée que de l’exposer au vu et au su de tous les employés et des visiteurs qui circulent dans un corridor alors qu’on doit utiliser une chaise d’aisances avec un seul rideau pour s’isoler un peu. Où est le respect pour la personne âgée qui a payé des impôts toute sa vie et qui continue d’en payer encore ? », pouvait-on y lire.