Huit heures de sommeil, c’est souvent présenté comme la norme, comme le chiffre magique vers lequel il faut tendre. Est-ce universel ? En a-t-il toujours été ainsi ? Tour d’horizon de certaines réalités.

Variation culturelle

La durée de sommeil varie d’un pays à l’autre. Selon une étude publiée en 2018 dans The Economist, les Japonais dorment en moyenne à peine plus de 6 h 15 minutes par nuit, soit une heure et demie de moins que les champions – les Néo-Zélandais. Les Canadiens se situent dans le haut du peloton avec près de 7 h 25 minutes de sommeil en moyenne. Les courtes nuits de sommeil sont associées aux pays plus pauvres (Philippines, Malaisie) et aux pays valorisant la productivité (Japon, Corée du Sud) ou encore à ceux où l’on retrouve la prière du matin (Arabie saoudite, Égypte).

On dort moins qu’avant… ou pas

Dans nos sociétés modernes, dormons-nous moins qu’avant ? Certaines études avancent que oui (d’une heure à une heure et demie de moins en moyenne), d’autres suggèrent que non. Il y a une dizaine d’années, le psychiatre Jerome Siegel, de l’Université de la Californie à Los Angeles, a étudié les habitudes de sommeil dans trois tribus de Tanzanie, de Namibie et de Bolivie. Il a constaté que ces chasseurs-cueilleurs dormaient un peu moins de six heures et demie par nuit et qu’ils se couchaient environ trois heures après le coucher du soleil. Bref, pas mal comme nous !

Huit heures consolidées, un modèle « anormal » ?

Selon la théorie (très médiatisée) de Roger Ekirch, professeur d’histoire à Virginia Tech, les gens de l’époque préindustrielle divisaient leur nuit de sommeil en deux blocs et ils profitaient de ce moment d’éveil en pleine nuit pour prier, méditer, noter leurs rêves, faire l’amour ou même visiter des voisins. Le sommeil consolidé de huit heures ne serait donc pas « naturel », a suggéré Ekirch. Des chercheurs ont par la suite argué que, jadis, il existait simplement une plus grande diversité de pratiques de sommeil.

Attention aux gadgets connectés

Les gens se fient de plus en plus aux montres et aux autres applications pour « mesurer » la durée de leur sommeil. Si on se réserve trop peu de temps pour le sommeil, ça permet d’en prendre conscience, mais attention : non seulement ces gadgets ne sont « pas très précis », mais ils peuvent provoquer chez certains de l’« othosomnie », indique Thanh Dang-Vu, neurologue à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. « Les gens qui ont un grand attachement envers ces valeurs peuvent développer une forme d’anxiété de performance par rapport à leur sommeil », la voie royale… vers l’insomnie.

Les personnes âgées ont les mêmes besoins

S’il est vrai que les enfants et les adolescents ont besoin de dormir plus, il est faux de dire que les personnes âgées ont besoin de moins de sommeil que les adultes plus jeunes, indique le professeur Charles Morin, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en médecine comportementale du sommeil à l’Université Laval. « On a besoin de la même quantité de sommeil en vieillissant, mais on a plus de difficulté à aller chercher du sommeil de qualité », explique-t-il. Certaines personnes âgées acceptent cette réalité, d’autres développent de l’anxiété par rapport à cela (et, par ricochet, de l’insomnie !), et d’autres encore compensent en faisant une sieste l’après-midi.

Dormir assez, c’est important

Combler ses besoins de sommeil, c’est important. « Pendant ces huit à neuf heures, nos ancêtres étaient complètement vulnérables à tout, mais malgré cela, c’est un trait qui a été conservé dans l’évolution. C’est sûr que c’est important », résume le neurologue Alex Desautels. La privation de sommeil est associée à une augmentation du risque de diabète, d’obésité, de dépression, de certains types de cancer et de maladies cardiovasculaires, et diminue l’efficacité du système immunitaire. Il n’existe pas de preuve que les gens ayant génétiquement besoin d’un peu moins de sommeil courent ces mêmes risques.