La mission d’Exploramer de Sainte-Anne-des-Monts a toujours été de faire découvrir la faune et la flore marines du fleuve Saint-Laurent. Mais le musée gaspésien veut aussi ramener dans nos assiettes ces poissons, fruits de mer et algues de chez nous qui sont encore méconnus du grand public.

« On a beau être un musée, l’objectif que je me donne est de faire en sorte qu’il y ait un maximum de sébastes pêchés dans le Saint-Laurent par des bateaux québécois, qu’ils soient revendus au Québec et qu’ils soient mangés par des Québécois, nous dit d’entrée de jeu Sandra Gauthier, directrice générale d’Exploramer et du programme Fourchette bleue. Ce qu’on souhaite, c’est qu’il y ait le moins possible d’exportation de cette ressource-là vers les marchés étrangers. »

Presque disparu des eaux québécoises au début des années 1990, le sébaste atlantique est de retour en force, que ce soit dans le fleuve ou la rivière Saguenay. Protégé par le moratoire sur le poisson de fond en vigueur depuis juillet 1992, le sébaste est de nouveau présent depuis une dizaine d’années – on soupçonne que le réchauffement des eaux profondes aurait favorisé son rétablissement.

Aujourd’hui, les poissons sont si nombreux qu’il n’y a pas suffisamment de nourriture pour assurer sa croissance. « On voit actuellement des sébastes manger leurs petits, affirme Mme Gauthier. Si on veut que ce poisson-là grossisse, il faut rapidement en pêcher une grosse partie pour qu’on puisse assurer la pérennité de la biomasse. »

Il faut donc trouver un marché pour le sébaste, et par ricochet tous les autres produits de la mer québécois.

PHOTO CATHERINE ROY, FOURNIE PAR EXPLORAMER

Le plus récent Salon Fourchette bleue a accueilli plus d’une vingtaine d’exposants et de producteurs de produits de la mer à La Malbaie.

Percer le marché local

Évidemment, on pourrait se tourner vers l’étranger, mais c’est précisément contre quoi militent Exploramer et Fourchette bleue. Or, c’est une tendance lourde qu’il faut inverser. « Le Canada s’est construit sur l’exportation de ses ressources, rappelle Sandra Gauthier. Ça remonte jusqu’à l’époque de la Nouvelle-France. Les produits de la mer du Québec ont donc toujours pris le chemin de l’étranger. Obtenir du poisson frais était impossible à Montréal il y a seulement 100 ans. Et on se rend compte aujourd’hui qu’on a des produits qui sont exceptionnels. »

Les chefs des grands restaurants ont été les premiers à s’intéresser aux produits d’ici, mais, malgré leurs efforts, il a été longtemps difficile de s’approvisionner localement. « La région de Charlevoix a mis sur pied la première route des saveurs dans les années 1990, les produits du terroir sont partis de ce genre d’initiative, se rappelle Jean Soulard, qui était à l’époque chef au Château Frontenac et qui est porte-parole pour le Salon Fourchette bleue, dont la troisième édition vient de se tenir à La Malbaie. Maintenant, on ne parle plus de produits du terroir, tout est là et bien installé, sauf le poisson et les crustacés. Les poissons que les grosses sociétés étrangères achètent nous reviennent principalement par les États-Unis. On a des produits géniaux, mais ils arrivent difficilement sur nos tables. C’est toute une filière qu’il faut développer. »

Cela ne veut pas dire qu’on n’a pas essayé, enchaîne le chef étoilé. « Il y avait des gens qui nous apportaient du flétan ou des pétoncles, mais c’était ponctuel. Personnellement, il m’arrivait de prendre mon auto pour aller à Montréal acheter du poisson frais ! »

PHOTO JÉRÔME LANDRY, FOURNIE PAR EXPLORAMER

Les produits certifiés seront facilement repérables grâce à une identification claire et à de l’affichage en magasin arborant le logo Fourchette bleue.

C’est ici que Fourchette bleue espère faire œuvre utile, en offrant aux restaurants et aux poissonneries du Québec une certification qui atteste leurs efforts à faire découvrir les espèces d’ici qu’on trouve encore rarement dans les assiettes des consommateurs. Jusqu’à maintenant, plus de 200 restaurants et poissonneries ont obtenu leur certification Fourchette bleue, à quoi s’ajouteront au cours de l’année toutes les épiceries Metro du Québec, qui offriront une variété d’algues, de fruits de mer et de poissons du Saint-Laurent, notamment le sébaste atlantique.

Jean Soulard est convaincu que les consommateurs québécois vont emboîter le pas. « Maintenant, on est des foodies au Québec, on est curieux, soutient-il. Le Québécois va essayer ce que vous lui offrez, il va y aller, et si vous le sortez de la gamme de poissons habituels, si vous dites que ça vient de chez nous, il va l’essayer et va vouloir le trouver quand il va aller à l’épicerie. »

Qu’est-ce que Fourchette bleue ?

Créé en 2009, Fourchette bleue est un programme de valorisation des espèces marines du Saint-Laurent méconnues et sous-exploitées, dans une perspective de développement durable et de protection de la biodiversité. Sa plateforme numérique présente plus d’une centaine de fiches sur des espèces marines du Saint-Laurent, avec notamment des informations sur la quantité de la biomasse, les techniques de pêche, les valeurs nutritives, la texture, la saveur, les méthodes de cuisson et même des recettes.

Consultez le site de Fourchette bleue