(Mirabel) Offrir toute l’année des radis d’ici, au goût – et au prix – doux. En misant sur la culture en serre, l’entreprise Leciel compte bien relever ce défi. Mais pour que ce projet lancé l’année dernière soit couronné de succès, ce légume racine souvent mal-aimé devra charmer les Québécois.

« Les enfants sont comme les radis. S’il y en a, c’est correct, mais c’est toujours mieux quand il n’y en a pas… » Cette blague, tirée du spectacle Enfant du siècle de Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques, semble résumer la pensée de bien des gens. Avouons-le, dans un plateau de crudités, les radis sont souvent les derniers à être mangés.

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Leciel permet désormais aux Québécois de manger du radis d’ici même l’hiver.

« C’est un légume qui a mal vieilli », admet Steve Bertrand, directeur général de Leciel. Malgré ce constat, il est convaincu que le radis a un avenir prometteur dans l’assiette des Québécois. Il en est si persuadé que quand est venu le temps de trouver une nouvelle culture à semer dans les serres de l’entreprise familiale fondée par son père Stéphane en 1990, c’est sur ce légume que son choix s’est arrêté.

Pourquoi avoir opté pour ce membre de la famille des crucifères, dont font aussi partie le brocoli, le navet et le chou-fleur ? « C’est un concours de circonstances », répond celui qui a récemment pris la direction générale de l’entreprise autrefois connue sous le nom des Serres Bertrand.

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Steve Bertrand, directeur général de Leciel

Curieux d’observer comment se pratiquait la culture en serre en Europe, son père et lui ont visité les Pays-Bas. « On y allait principalement pour les cultures de poivrons et de fraises. Par hasard, on est passé devant une serre de radis. On n’avait jamais vu ça. […] On est tombé en amour avec la production », raconte-t-il, alors qu’il fait visiter à La Presse les vastes installations de l’entreprise, à Mirabel, en compagnie de sa cousine, Lyna Carpentier, directrice des communications.

Nouvelle aventure

L’été dernier, les serres, qui ont servi à la culture de cannabis de 2017 à 2023, ont été totalement transformées. L’équivalent de près de 1000 camions y a déversé du sable pour recouvrir plus de cinq hectares de terrain.

« Du sable ou de la terre ? », demande-t-on, pensant avoir mal entendu.

La cueillette des radis en images
  • Comment l’équipe de Leciel récolte-t-elle les quelque 300 millions de radis qui poussent annuellement sous ses serres ? Grâce à cette machine, conduite par un opérateur, qui permet de cueillir de nombreux plants à la fois.

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    Comment l’équipe de Leciel récolte-t-elle les quelque 300 millions de radis qui poussent annuellement sous ses serres ? Grâce à cette machine, conduite par un opérateur, qui permet de cueillir de nombreux plants à la fois.

  • « C’est tout un système de courroies qui va venir pincer les feuilles du plant. Vu que le légume pousse dans le sable et que la racine n’est pas très profonde, il est facile à déraciner », explique Steve Bertrand, directeur général de Leciel.

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    « C’est tout un système de courroies qui va venir pincer les feuilles du plant. Vu que le légume pousse dans le sable et que la racine n’est pas très profonde, il est facile à déraciner », explique Steve Bertrand, directeur général de Leciel.

  • Lorsqu’ils sont vendus en casseaux, les radis n’ont pas de feuilles. Celles-ci sont donc coupées par la machine lors de la récolte. Les radis et les feuilles sont recueillis dans une grande caisse poussée par un employé.

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    Lorsqu’ils sont vendus en casseaux, les radis n’ont pas de feuilles. Celles-ci sont donc coupées par la machine lors de la récolte. Les radis et les feuilles sont recueillis dans une grande caisse poussée par un employé.

  • Une fois récoltés, les radis sont lavés par une machine, puis triés selon leur poids. Pour l’instant, les feuilles servent à faire du compost, mais l’équipe de Leciel aimerait trouver un partenaire pour les transformer. Car oui, les feuilles de radis se mangent, notamment en salade.

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    Une fois récoltés, les radis sont lavés par une machine, puis triés selon leur poids. Pour l’instant, les feuilles servent à faire du compost, mais l’équipe de Leciel aimerait trouver un partenaire pour les transformer. Car oui, les feuilles de radis se mangent, notamment en salade.

  • Des employés vérifient la qualité des radis avant qu’ils soient emballés.

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    Des employés vérifient la qualité des radis avant qu’ils soient emballés.

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Les radis Leciel poussent bel et bien dans le sable, confirme Steve Bertrand. « C’est un réel avantage par rapport aux champs, parce que ça ne salit pas. [Le légume] se lave super bien », fait-il remarquer, en sortant un radis de terre – ou plutôt de sable. À ce sol est toutefois ajoutée de la matière organique, dont de la fibre de coco, autrement « l’eau s’écoulerait et les racines ne seraient pas capables de rien retenir », explique-t-il.

Question de chaleur

Aujourd’hui, jusqu’à 20 millions de radis peuvent pousser simultanément dans les serres chauffées à la biomasse ou refroidies grâce à un système de brumisation, selon la saison. Il y fait entre 13 et 17 °C.

Cette capacité de réguler la température est d’ailleurs un élément qui différencie la culture en serre de la culture en champ. Et cela a un impact direct sur le goût du radis, indique Steve Bertrand.

« En été, durant les canicules, lorsqu’il fait plus de 30 degrés, c’est là que ton radis devient piquant, explique-t-il. Des fois, il devient tellement piquant que c’en est amer. »

Selon lui, c’est ce goût trop prononcé qui a amené des gens à délaisser le radis.

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Des radis blancs, mauves et rouges

Les radis en serre, c’est un gage de constance. Ce que tu vas retrouver comme goût aujourd’hui, tu vas le retrouver dans deux mois, six mois, l’hiver prochain. Il va toujours avoir le même goût.

Steve Bertrand, directeur général de Leciel

Et comment décrirait-il ce goût, justement ? « C’est doux, facile à digérer, frais et croquant », répond-il.

« On veut faire découvrir ce radis qui n’est pas celui qu’on connaît au Québec, mais qui est très connu en Europe, rebondit Lyna Carpentier. Chaque fois qu’on rencontre des gens du Vieux Continent, ils disent que ça goûte comme leur enfance. […] On est quasiment plus près d’un concombre que du radis qu’on connaît. »

Un avenir prometteur

Arrivés sur les tablettes des principales chaînes d’alimentation l’automne dernier, les radis Leciel ont déjà commencé à gagner des adeptes. Les épiciers, qui normalement importaient ce légume du Mexique et des États-Unis l’hiver, ont vu leurs ventes augmenter de plus de 40 %, avance Steve Bertrand.

Une donnée encourageante pour l’entreprise qui espère que son radis de serre séduira les Québécois. Pour le faire connaître, son équipe multiplie d’ailleurs les initiatives. Le samedi 27 avril, Leciel organise un rendez-vous gourmand à sa boutique de Mirabel pour notamment faire découvrir ses radis, mais aussi ses tomates, ses champignons et ses produits transformés. Une douzaine de producteurs locaux seront également sur place lors de cet évènement aux allures de marché.

Consultez le site de Leciel

Un autre acteur

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Les installations des Jardins A. Guérin et Fils, en 2020

Leciel n’est pas le seul producteur québécois cultivant le radis en serre. Les Jardins A. Guérin et Fils, mieux connus sous le nom de JAG, le font depuis 2020. À Sherrington, en Montérégie, bien que la majorité de sa production pousse en champs, l’entreprise cultive le radis rouge biologique en serre. S’il est d’accord pour dire que les conditions de culture à l’intérieur permettent de faire pousser un radis « qui n’est pas piquant », Yannick Guérin, de JAG, souligne qu’on peut également retrouver ce goût plus doux lorsque le légume pousse à l’extérieur. Selon lui, la clé d’un radis doux, c’est la température interne du légume, qui ne doit pas dépasser un certain degré. La composition de la terre utilisée et l’irrigation sont les éléments qui permettent d’atteindre cet objectif. « Nos radis sont rarement piquants, même pendant la saison estivale », promet-il. Il invite ceux qui, par le passé, ont vécu une mauvaise expérience en croquant dans un radis provenant du jardin de leur grand-mère à redonner sa chance à ce légume « mal-aimé » et « mal connu des nouvelles générations ». « En salade, ça ajoute du croustillant, de la couleur. […] L’essayer, c’est l’adopter ! »

Consultez le site de JAG
En savoir plus
  • De 24 à 48 heures
    Temps écoulé entre la cueillette des radis sous les serres Leciel et leur arrivée en épicerie. Pour des produits en provenance du Mexique, cela varie de 7 à 10 jours.
    300 millions
    Nombre de radis que Leciel prévoit produire annuellement
  • De 20 à 40 jours
    Temps que met un plant de radis à pousser en serre. Cette période varie selon la saison.