De la terre à la table
C’est à contresens que Julie Aubé a pris le circuit « de la terre à la table », en l’abordant d’abord sous l’angle de la nutrition pour aboutir les mains au potager et les bottes dans le foin.
Fille de la campagne, elle envisageait initialement la ville comme un lieu de passage pratico-pratique, le temps de faire ses études. Elle s’est finalement accroché les pieds dans le bitume (la faute de son amoureux, Pascal Hudon, propriétaire de la boucherie Pascal le Boucher du quartier Villeray). Il faudra une pandémie pour qu’un vieux rêve vienne la hanter : celui d’avoir un grand jardin, trois poules et un nid tranquille à la campagne. Le projet de ferme qui a suivi est un « accident de parcours », dit-elle, quoiqu’on puisse douter qu’il relève d’un simple hasard.
Nutritionniste, autrice de livres de recettes (Mangez local 1 et 2), chroniqueuse et productrice d’évènements (Prenez le champ !), Julie Aubé est une éternelle étudiante et une fidèle défenderesse de l’alimentation de proximité. On voit donc une suite logique au fait que ses six acres de terre soient vite devenus un terrain expérimental pour une microferme qui héberge 100 poules, des parcelles potagères, un verger prometteur et une nouvelle haie brise-vent qui tempère le souffle du vent, qui est puissant le long du Saint-Laurent.
La semaine de notre entretien, elle termine le blitz de rencontres et d’entrevues qui accompagne la sortie de son livre, avant de mettre le cap sur la campagne. « Je déménage mon robot culinaire et ma machine à pâtes, et je m’en vais vivre à Saint-Roch-des-Aulnaies pour la saison estivale ! », annonce-t-elle. Fermière durant la belle saison, Julie Aubé a trouvé son équilibre dans ce partage saisonnier entre un appartement urbain et une vieille âme au toit rouge, située sur un lopin de terre entre Québec et Rivière-du-Loup.
Les agriculteurs, ces héros
Comme une enfant impressionnée de patiner sur la même glace que ses idoles, Julie Aubé avoue candidement que les agriculteurs sont ses héros. « J’admire leur débrouillardise et leur capacité à rebondir face aux imprévus. Chaque année est tellement différente des autres. Il y a la météo, les prédateurs, la main-d’œuvre difficile à recruter et des ressources très limitées. En petite agriculture, ils doivent porter mille chapeaux et tout faire, de la planification à la mise en marché. C’est du 7 jours sur 7 ! Et tout ça pour nous nourrir… Pour moi, ils méritent toute notre admiration. »
Il y a quelque chose de noble dans ce travail, ajoute-t-elle encore en s’excluant de l’équation. Julie Aubé est une nutritionniste sans cabinet. Elle écrit des livres de recettes sans être cheffe. Elle sort un récit d’aventures sans se dire écrivaine. Elle poursuit une formation en agroforesterie sans être experte en la matière. Pour couronner le tout, elle pratique l’agriculture en s’excluant de la bande, comme une éternelle groupie invitée à jouer dans la cour des grands.
« Parfois, je me demande encore : “Je suis une vraie quoi ?” » Chose certaine, la dame est une « vraie » : une véritable apprentie de tout volontairement placée dans une posture inconfortable qui lui permet de garder ses antennes en alerte, note-t-elle.
On n’a jamais fini d’apprendre et si ça touche quelque chose, c’est l’humilité. Se donner le droit d’essayer des choses dans la vie, même si on ne les maîtrise pas, je pense que ça nous rend plus riches comme êtres humains.
Julie Aubé
Et c’est entre autres pour faire la preuve qu’une ferme à la campagne est un projet accessible qu’elle a voulu en immortaliser les détails sur papier.
De gratitude et de fierté
Les aventures rurales de la fermière de cœur ont connu leurs défis, leurs embûches et des échecs, autant que des victoires.
« Chère campagne, j’ai besoin de me faire bercer par l’hiver pour me remettre des orages de la saison dernière, mais j’ai toujours faim de toi », écrit-elle dans Cœur de fermière, après une saison particulièrement difficile où, dépassée par la quantité de travail, elle doit se résoudre à voir pourrir les tomates amoureusement arrosées pendant l’été. Vivante, indomptable, Julie Aubé persiste.
Il y a peut-être une quête de sens dans cette volonté de faire pousser ce qui nourrit, réfléchit-elle. La même qui, depuis 15 ans, la conduit à parler d’alimentation de proximité.
Ça a plein de sens dans ma vie… parce que les aliments ne sont plus anonymes, parce qu’on connaît les gens qui les ont produits et qu’on peut y associer des histoires, des paysages, des saveurs. Ça s’accompagne d’une gratitude et d’une fierté, et c’est aussi écologiquement logique.
Julie Aubé
L’avenir passe par plusieurs choses, notamment par l’agriculture à petite échelle, laquelle exige une collaboration entre mangeurs et agriculteurs, croit-elle. « Comme consommateur, il faut être investi de la mission de soutenir les agriculteurs, ce qui demande une certaine motivation qui, elle-même, vient de l’affect. » Et c’est là une bonne raison de plus d’avoir voulu écrire ce récit dans une parfaite biodiversité professionnelle.
Cœur de fermière
Les Éditions de L’Homme
235 pages
Roch et ses Rockeuses
L’agricultrice réactive cet été son kiosque à légumes et à œufs frais, ainsi que la production de pâtes fermières qu’elle fabrique de ses mains à partir des œufs de ses poules, affectueusement surnommées « les Rockeuses », et de la farine du moulin du village : une autre façon de chatouiller la sensibilité des gourmands qui parcourent la route des vacances.
De la fête des Mères jusqu’à l’Halloween, si tout se passe comme prévu, on trouvera également un micro-ondes et des tables chez Roch le fermier, pour déguster ces créations maison dans une version « prêt-à-manger ». Durant les Jours en n’Oeufs (les 9, 19 et 29 de chaque mois), des activités sont prévues à la ferme.
Consultez le site de Roch le fermierLa « fameuse papillote de patates » de Julie Aubé
C’est l’une des recettes qui accompagnent des moments du récit de Cœur de fermière. Pour savourer les bonheurs simples… pommes de terre incluses.
Ingrédients
- Du beurre (plus que tu penses)
- Des oignons coupés en lanières (plus que tu penses)
- De l’ail haché (plus que tu penses)
- Des pommes de terre du Québec, pelées ou pas et coupées en morceaux de taille similaire
- Du sel (plus que tu penses)
- De la sauce piquante locale, au goût et selon son intensité
Préparation
- 1. Au centre d’une grande feuille de papier d’aluminium, déposer des noix de beurre, puis, en étages, des lanières d’oignons, de l’ail haché, les pommes de terre, le sel et la sauce piquante. Puis, encore l’ail, encore des oignons, et encore du beurre.
- 2. Fermer hermétiquement la papillote et la cuire au four préchauffé à 190 à 200 °C (375 à 400 °F) ou sur le barbecue à feu moyen-vif, au moins 30 minutes, ou plus selon la taille des morceaux.
Note : Préparez une papillote qui nourrit plus que le nombre de convives : vous voulez des restes, une base parfaite pour accompagner l’omelette du lendemain ou encore pour préparer une salade de patates. Ajoutez-y, au goût, des herbes du jardin (thym, origan, etc.).