Certaines des principales entreprises alimentaires de la planète, y compris des joueurs de premier plan au Canada et au Québec, ont amélioré leurs efforts pour favoriser une alimentation saine, mais elles pourraient en faire encore plus, conclut un rapport publié jeudi par une chercheuse de l’Université Laval.

La meilleure note globale, soit 75 %, va au mastodonte Unilever, qui a mis en place une stratégie claire en appui à une alimentation plus saine ; a énoncé des cibles publiques pour la proportion de ses ventes provenant d’aliments sains ; s’est engagé à dévoiler publiquement ses progrès envers l’atteinte de ces cibles ; et a instauré une politique qui limite la publicité à l’intention des jeunes de moins de 16 ans, a ainsi expliqué la professeure Lana Vanderlee, de l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels de l’université québécoise.

La pire note globale, 18 %, a été octroyée à Red Bull. La note moyenne était de 49 %, « soit une amélioration modeste depuis notre dernier rapport en 2018 », écrivent les auteurs.

La québécoise Saputo obtient la meilleure note globale à l’échelle canadienne, soit 55 %, comparativement à 11 % lors de l’édition 2018 du rapport. Les chercheurs ont également accordé des notes de 40 % à Agropur (4 % en 2018), de 34 % à Lassonde (9 % en 2018), de 31 % à Sobeys (6 % en 2018), de 30 % à Maple Leaf (27 % en 2018) et de 28 % à Loblaw (inchangé par rapport à 2018).

« Nous constatons principalement que les entreprises se fixent davantage d’objectifs pour améliorer la qualité de leurs produits alimentaires et qu’elles font preuve d’une plus grande transparence à cet égard, a dit Mme Vanderlee. Mais il y a encore des entreprises qui font très peu d’efforts et, dans l’ensemble, qui ne font pas grand-chose pour améliorer la qualité de leurs produits. »

Mme Vanderlee et son équipe ont évalué les entreprises alimentaires qui ont bien voulu collaborer avec eux sur six aspects : leur stratégie corporative au chapitre de la nutrition ; la (re)formulation de leurs produits ; l’étiquetage et l’information nutritive de leurs produits ; la promotion de leurs marques et de leurs produits ; l’accessibilité de leurs produits ; et leur transparence au chapitre des relations qu’elles entretiennent, par exemple, avec des organisations professionnelles, des programmes de nutrition ou encore des groupes politiques.

Mme Vanderlee a souligné « des améliorations importantes des pratiques » de certaines compagnies laitières par rapport à la dernière évaluation. Saputo obtient d’ailleurs la meilleure note québécoise dans cinq de ces six domaines. Elle est devancée au chapitre de l’étiquetage et l’information nutritive par Agropur et Lassonde, qui sont à égalité.

Il faut toutefois souligner que la performance des trois entreprises québécoises dans ce dernier domaine n’a rien de reluisant, puisqu’elles arrivent en queue de peloton, tout juste devant Red Bull.

« Un large éventail de notes globales (18 % à 75 %) indique que certaines entreprises n’accordent que très peu d’importance à l’alimentation et à la nutrition du point de vue de la santé et de la prévention des maladies non transmissibles liées à l’alimentation, tandis que d’autres déploient des efforts plus élaborés dans ce domaine, écrivent ainsi les auteurs.

« Cette situation peut être liée aux ressources et aux capacités des entreprises, mais elle souligne la nécessité d’accroître les capacités et le leadership en matière de santé publique et de nutrition parmi de nombreux fabricants canadiens de produits alimentaires », préviennent-ils.

Accessibilité des produits

C’est au chapitre de l’accessibilité des produits que les entreprises étudiées ont obtenu les pires notes.

On doit donc innover pour identifier des moyens par lesquels les fabricants de denrées alimentaires peuvent contribuer à l’amélioration de l’accessibilité (y compris la disponibilité et les prix) d’aliments plus sains dans les environnements alimentaires existants, estiment les auteurs du rapport.

« C’est un autre exemple où (les entreprises alimentaires) peuvent simplement réduire l’accès à des aliments moins sains et fournir au contraire un accès à des aliments sains, a dit Mme Vanderlee. Nous avons également quelques exemples au niveau international d’entreprises alimentaires qui collaborent avec des détaillants pour essayer d’accroître la promotion ou l’accessibilité de leurs produits plus sains dans les magasins. »

Les auteurs du rapport recommandent d’ailleurs la création de programmes, de partenariats et d’infrastructures qui augmenteront la disponibilité des aliments et des boissons plus sains, et réduiront la disponibilité d’aliments et de boissons moins sains dans des contextes clés, « notamment les communautés et lieux isolés, les écoles, les hôpitaux et les espaces communautaires ».

Ils suggèrent aussi que les entreprises mettent en place une politique pour assurer que les produits sains seront offerts au même prix (ou à un prix moindre) que les alternatives moins bonnes pour la santé.

Malheureusement, a dit Mme Vanderlee, « nous ne voyons que très peu d’action de la part d’entreprises qui s’engagent à rendre leurs aliments plus sains plus facilement disponibles ou à un meilleur prix ».

Sur une note plus positive, les auteurs du rapport ont constaté non seulement une volonté plus grande des entreprises à développer des produits plus sains, mais aussi une plus grande transparence de leur part à ce sujet, « ce qui nous permet de leur demander des comptes, et c’est un aspect très important », a expliqué la chercheuse.

Cela étant dit, a-t-elle précisé, les entreprises qui tentent le moins d’améliorer leur performance globale « sont aussi celles qui sont les moins susceptibles de collaborer avec nous ».

« Nous ne savons donc pas si ces entreprises ont moins de capacités liées à la nutrition, si elles ont moins d’intérêt à le faire ou si elles sont simplement moins transparentes à ce sujet, a dit Mme Vanderlee. Elles n’en parlent donc pas autant. »

Les résultats du rapport montrent que les gouvernements ont un rôle important à jouer, puisque les régimes alimentaires malsains sont l’un des principaux facteurs de mauvaise santé au Canada, engendrant des coûts de milliards de dollars chaque année en soins de santé, a-t-elle ajouté.

« Donc face aux progrès limités des dernières années, nous avons besoin d’une intervention plus forte des pouvoirs publics pour nous assurer que toutes les entreprises agissent en faveur d’une alimentation plus saine au sein de la population canadienne », a conclu Mme Vanderlee.