Chaque jeudi, nous revenons sur un sujet marquant dans le monde, grâce au recul et à l’expertise d’un chercheur du Centre d’études et de recherches internationales, de l’Université de Montréal, ou de la Chaire Raoul-Dandurand, de l’Université du Québec à Montréal.

Il y a maintenant une semaine que Donald Trump a été reconnu coupable dans l’affaire Stormy Daniels. Ceux qui croyaient que cela entraînerait sa chute risquent d’être déçus. Selon les moyennes de sondages disponibles sur les sites 538 Politics et RealClearPolitics, le verdict aurait – pour l’instant – réduit l’écart entre Trump et Joe Biden dans les intentions de vote au pays de seulement 0,5 point de pourcentage ! Il faudra encore quelques semaines (et plus de données) pour tirer des conclusions définitives, mais si la culpabilité de Trump ne suffit pas à relancer Biden, ce sera l’un des signes les plus alarmants pour cette campagne qui bat de l’aile depuis des mois.

Trump (toujours) en avance

Les moyennes de sondages de RealClearPolitics indiquent que la dernière fois que Biden a mené dans les intentions de vote à l’échelle nationale était le 11 septembre 2023, il y a neuf mois ! Il faut bien entendu traiter ces données avec prudence : l’écart entre Trump (46,5 % d’appuis en date de mercredi) et Biden (45,4 %) dépasse rarement les 2 %, il s’est resserré depuis le début de l’année et il reste encore cinq mois avant l’élection. Pourtant, la situation était bien plus avantageuse pour Biden à pareille date il y a quatre ans, lors de son premier duel contre un Trump qui n’avait pas encore été inculpé ou condamné au pénal.

Le 6 juin 2020, Biden menait par 8 points (50 %–42 %), mais le vote national lors de la présidentielle de novembre avait été plus serré : 51 %–47 % en faveur du démocrate, et moins de 300 000 voix réparties dans cinq États clés de l’élection avaient fait pencher la balance.

Quatre ans plus tard, Biden dit ne pas prêter attention aux sondages – discours classique quand on sait que l’on perd –, mais ses conseillers voient les mêmes tendances que tout le monde.

Ils aimeraient que les déboires judiciaires de Trump aident le démocrate à retrouver son avance de 2020 et, surtout, à reprendre la tête dans les États clés de l’élection (Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin, Nevada, Arizona et Géorgie), où Trump est souvent favori depuis des semaines. Si c’est impossible, Biden ne pourra faire autrement que de se rabattre sur les prochains (et derniers ?) temps forts de l’élection pour relancer sa campagne.

Plan de contingence

Il faudra d’abord livrer une performance exceptionnelle au premier débat présidentiel le 27 juin. À l’heure où une majorité d’Américains estime que Biden est trop âgé pour continuer à diriger le pays, prouver qu’il peut tenir tête à Trump pendant deux heures, avec énergie et sans paraître trop embrouillé, serait un bon début. Pensons au Biden de mars dernier, lors de son discours sur l’état de l’Union, prononcé avec une ardeur et une assurance que les électeurs n’avaient pas vues depuis des lunes.

Un deuxième temps fort sera celui des conventions nationales républicaine et démocrate, respectivement prévues du 15 au 18 juillet à Milwaukee et du 19 au 22 août à Chicago. Historiquement, ces réunions des grands partis, qui servent à confirmer le choix des candidats à la présidence et à la vice-présidence, ont parfois eu des effets significatifs sur les intentions de vote.

Les experts citent souvent l’exemple des conventions de 1992, qui ont permis à Bill Clinton de devancer George Bush avant de remporter l’élection. Toutefois, l’effet des conventions sur le vote a été moins important au cours des récentes élections, en partie à cause de la polarisation de la société, qui limite la capacité des partis à séduire les électeurs du camp adverse.

En 2020, par exemple, les conventions démocrate et républicaine n’avaient permis qu’un bond de 1 point en faveur de Trump. Quatre ans plus tard, ce serait déjà « mission accomplie » pour Biden s’il parvenait à gagner quelques points dans les sondages grâce à elles. Cependant, sa colistière Kamala Harris et lui sont très impopulaires, et leurs quatre années au pouvoir ne leur permettent plus de miser sur les thèmes du changement et de la nouveauté, comme en 2020, pour enthousiasmer les électeurs.

PHOTO SETH WENIG, ASSOCIATED PRESS

Le 30 mai dernier, Donald Trump a été reconnu coupable de 34 chefs d’accusations dans l’affaire Stormy Daniels, et il devrait connaître sa peine le 11 juillet, à quelques jours de la convention nationale du Parti républicain.

Trump a davantage cette carte dans son jeu cette année, notamment parce qu’il révélera sous peu l’identité d’une nouvelle personne faisant campagne avec lui en tant que candidat ou candidate à la vice-présidence, et sur laquelle les républicains braqueront les projecteurs à leur grand-messe de juillet.

La convention républicaine pourrait toutefois présenter un écueil pour « The Donald » : il connaîtra sa peine dans l’affaire Stormy Daniels le 11 juillet, quelques jours avant le rendez-vous du parti à Milwaukee.

Une peine de prison, bien que peu probable selon les experts, lui permettrait de continuer à mobiliser ses plus fidèles partisans durant la convention, mais donnerait aussi l’occasion à Biden de rappeler aux indécis et aux électeurs détestant les deux candidats (double haters) que le ticket démocrate est peut-être la « moins pire » des options.

La convention démocrate n’est pas sans risque non plus. Des manifestations contre la politique de Biden au Proche-Orient et des affrontements violents à l’intérieur et à l’extérieur des murs du United Center de Chicago rappelleraient la désastreuse convention du parti tenue dans la même ville en 1968. Si c’est le cas, peut-être Biden se présentera-t-il au deuxième débat présidentiel, le 10 septembre, avec le même retard dans les sondages qu’il a aujourd’hui. Ou pire encore.

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