En 2018, alors que le Québec accusait un sérieux retard en matière de reconnaissance de la diversité des potentiels dans nos écoles et de politiques en faveur de la réussite éducative des élèves doués, je formulais, dans ces mêmes colonnes, « des idées pour que la douance reste une chance1 ».

Différentes pistes pour que nos petits vites et jeunes curieuses soient mieux accompagnés : des cours sur la douance offerts dans les universités pour former la relève et l’embauche de spécialistes par les organismes scolaires.

Depuis juin 2020, c’est chose faite ! À la suite du document Agir pour favoriser la réussite éducative des élèves doués⁠2, le gouvernement du Québec a mis à disposition des budgets spéciaux jusqu’en juin 2024 pour que dans chaque milieu scolaire, les enfants doués accèdent à des services et à des opportunités éducatives. Mais étiez-vous au courant de cette mesure pour les enfants ayant des manifestations de douance3 ?

Si en 2018 je signais mon texte d’une voix unique tant nous étions peu à œuvrer dans le domaine, aujourd’hui nous sommes des dizaines de collègues à cosigner cette lettre : membres d’associations, professionnels de l’éducation et universitaires. Ensemble, nous sommes engagés et engagées à vouloir changer le statu quo en éducation et à agir en faveur de l’équité, des potentiels et de la prévention.

La douance et le développement du talent sont des domaines passionnants dans lesquels mythes, croyances et opinions prennent malheureusement beaucoup de place dans la pratique enseignante dès que les recherches universitaires, les politiques éducatives et les collaborations avec les milieux reculent.

Au Québec, on a déjà vécu cela : un jeu de « serpents et échelles » qui, au gré des époques et des politiques, pénalise ou favorise nos jeunes doués. Dans les années 1990-2000, nous étions figés dans un Moyen Âge scientifique sur ce sujet pendant que les autres pays avançaient en termes de connaissances sur l’inclusion de tous les profils d’apprenants : de ceux qui ont besoin de plus de soutien à ceux qui ont besoin de plus de défis.

Un barreau à l’échelle

Pour éviter un nouveau « serpent » à nos enfants, et alors que le budget du Québec 2024-2025 vient d’être dévoilé, l’engagement politique des quatre dernières années sera-t-il renouvelé ? Offrirons-nous un nouveau barreau à l’échelle de la réussite éducative de nos jeunes doués ?

Quand on sait que la douance représente entre 2 % et 10 % de la population, cela suggère que de 28 000 (2 %) à 141 000 (10 %) jeunes pourraient prétendre aux services pour les élèves doués. Avec un budget annuel de 9,61 millions, on notera rapidement la différence par enfant que cela représente : 339 $/enfant pour 2 % d’élèves ou 67 $/enfant pour 10 % d’élèves. À titre personnel, je ne me fixe pas les mêmes objectifs annuels si mon budget varie du simple au quintuple !

Si des avancées sont clairement identifiables depuis 2020, il reste des progrès à accomplir pour mieux faire connaître et appliquer adéquatement cette mesure.

Comme le soulevait Marie-Eve Morasse en avril 2023 dans « À quoi servent les 30 millions pour les élèves doués ?4 », il serait important de pouvoir collecter des données sur la mesure douance au sein des organismes scolaires (accélérations, enrichissements, regroupements) afin d’assurer un alignement entre vision, besoins et moyens. Plutôt cohérent avec la détermination du ministre Bernard Drainville de pouvoir accéder aux données pour une meilleure prise de décision, n’est-ce pas ?

Alors, pour que la douance reste une chance, encourageons notre gouvernement à déposer plus d’échelles que de serpents dans le parcours scolaire de nos jeunes doués. Un leadership engagé de la part du ministère de l’Éducation, la poursuite de la mesure douance ainsi qu’un accompagnement des milieux pour mieux la structurer permettraient de continuer à créer des opportunités.

* Cosignataires principaux : Frédéric Dénommée, conseiller pédagogique en douance ; Nancy Hovington, conseillère en douance ; et Valérie Laramée, éducatrice spécialisée en douance

*Consultez la liste complète des cosignataires 1. Lisez « Idées et conseils pour que la douance reste une chance ! » 2. Consultez le document Agir pour favoriser la réussite éducative des élèves doués

3. Aucune évaluation psychologique ou neuropsychologique n’est nécessaire pour accéder à des services dans le réseau public.

4. Lisez « À quoi servent les 30 millions pour les élèves doués ? » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue