Le journalisme québécois est plus vivant que jamais ! L’affirmation peut paraître présomptueuse en ces temps de crises et de doutes permanents, mais quand on y regarde à deux fois, le Québec se distingue à plusieurs égards. D’abord, par sa réactivité face aux bouleversements du modèle économique de la presse, par sa créativité, par sa résistance aussi, et surtout par sa singularité.

Dans quel pays, dans quelle province, sur quel continent, avons-nous vu une industrie s’organiser aussi rapidement pour sauver ses quotidiens d’un monde capitaliste fatigué de perdre de l’argent face à la concurrence déloyale des géants du numérique ? La belle santé du Devoir et de La Presse, l’agilité des Coops de l’information démontrent notre capacité à nous réinventer dans un marché exsangue et très concurrentiel. Avec Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec, ces quotidiens contribuent à maintenir un espace médiatique riche et diversifié pour un bassin de population relativement étroit.

Face au phénomène inéluctable de la transformation numérique, la réponse a été collective et coopérative, réalisée avec le soutien des autorités certes, mais surtout, avec des lecteurs et lectrices, des auditeurs et auditrices fidèles, visiblement très attachés à leurs médias.

Pendant ce temps, nos voisins du Sud voyaient disparaître plus de 130 journaux pour la seule année 2022.

Une étude de l’Université Northwestern de Chicago, publiée en novembre dernier, fait état d’un phénomène sans précédent, précipitant ainsi plus d’un Américain sur cinq en situation de sous-information. Des déserts médiatiques qui, de toute évidence, pèsent lourdement sur le système démocratique.

Avouons que nous en sommes bien loin au Québec. Les radios communautaires du pays célèbrent leurs 50 ans d’histoire sur le territoire, dans une ambiance de renouveau qui mérite d’être soulignée. L’information locale, voire hyperlocale, connaît une belle croissance avec des titres qui s’invitent sur la Toile avec brio et ingéniosité. Pensons à Vaste programme, Le journal des voisins, Pieuvre, La Converse, Pivot, The Rover, sans parler des nombreux blogueurs et hôtes de balados, qui pullulent désormais sur la Toile québécoise. Les grands acteurs sont également de la partie avec des propositions originales comme Rad, QUB, Les As de l’info et bien d’autres.

Bien sûr, ce bouillonnement bouscule les idées reçues et nous force à revoir notre façon de faire du journalisme. Il ébranle bien des certitudes, dont la fameuse question de l’objectivité à tout prix. Les paradigmes changent, c’est une évidence, ce qui fait dire au vulgarisateur-citoyen Farnell Morisset que les médias traditionnels doivent s’interroger sérieusement, puisqu’avec son simple téléphone intelligent et sa dégaine d’adolescent brillant, il arrive souvent à rejoindre plus de gens que bien des diffuseurs installés, disposant de moyens beaucoup plus importants que les siens…

Pendant ce temps, le public, lui, en redemande. La réponse des très nombreux « curieux de l’info », comme nous les avons baptisés au Festival international du journalisme de Carleton-sur-Mer, est fulgurante. L’envie gourmande de s’informer, de comprendre, de partager ne se dément pas. Ils seront encore nombreux à faire le voyage en Gaspésie à la mi-mai pour faire valoir leur point de vue et entendre ceux et celles qui les informent quotidiennement de toutes les façons possibles et imaginables. C’est là une autre raison de se réjouir, malgré un contexte parfois anxiogène et pas toujours facile, il est vrai.

Le journalisme tel que nous le réinventons collectivement au Québec est une formidable réponse au chaos informationnel actuel et prouve bien la vigueur du milieu et l’attachement citoyen à l’information. On parle souvent, à raison, de notre culture distincte, mais nous pouvons aussi désormais parler sans gêne de l’exception journalistique québécoise.

Consultez le site du Festival international de journalisme de Carleton-sur-Mer Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue